Municipales 2020 à Orléans : la « coulée verte » en trompe-l’œil de Serge Grouard
Puisqu’un sondage qui a fait localement grand bruit place Serge Grouard, avec la liste « Les Orléanais au cœur », en tête des intentions de votes1, il faut bien revenir un moment sur son projet pour la ville qu’il a dirigée pendant 14 ans (2001-2015). D’autant plus que son ancien acolyte, Olivier Carré, avec la liste « Orléans Naturellement », n’a toujours pas dévoilé son programme. Les deux ont cependant multiplié les réunions publiques et la presse locale a pu se faire l’écho de leurs prises de position. En matière de verditude, l’ancien maire d’Orléans n’y va pas avec le dos de la binette.
Mon nom est SG (Serious Greenwashing)
La République du Centre sous un titre bien trop aimable « Les propositions vertes de Serge Grouard pour Orléans » rapporte les propos du candidat du come-back2 :
« […] Nous voulons une ville jardin3 en créant des poumons verts. » Il cite les Groues4. Et surtout, la création d’une coulée verte sur les mails. Du théâtre au boulevard Jean-Jaurès. « On met les voitures en dessous et des jardins dessus. »
Autre écho chez France Bleu Orléans5 :
« […] une coulée verte tout au long des mails, avec la suppression de la trémie Jaurès »
Magcentre de son côté préfère – prudemment – utiliser les guillemets avec le titre « Serge Grouard : « je suis le candidat vert d’Orléans » »6 :
« […] une double coulée verte sera aménagée sur les mails près du théâtre et boulevard Jaurès où les automobiles seront transférés [sic] en sous-sol »
J’ai grossièrement ironisé sur Twitter7 :
Évidemment, il ne s’agit pas de rendre souterraine la circulation des véhicules tout au long des boulevards – 45000 véhicules/jour en moyenne8 – mais d’enterrer les parkings qui continuent d’occuper ce vaste espace anciennement dévolu à la promenade9 et, à la place, de planter des arbres et faire pousser de l’herbe10. Le candidat souhaite créer ce qu’il appelle une « coulée verte ». Est-ce seulement envisageable ?
Vraie fausse continuité verte
Si seulement on pouvait imaginer un long parc étiré d’un seul tenant. Mais annoncer « du théâtre au boulevard Jean-Jaurès » c’est négliger le fait que cet axe routier majeur distribue des axes non moins importants. On est en présence d’une succession de coupures urbaines où il ne fait pas bon être piéton ou cycliste. Impossible de couler d’est en ouest et réciproquement. Du reste, dans le programme du candidat, la formulation est beaucoup plus prudente : « une coulée verte sur les mails, côté théâtre, et côté Boulevard Jean Jaurès ».
Ça va toujours mieux en le montrant, notamment du côté du théâtre où une sorte de prototype de coulée verte se donne à voir11 :
Et puis en remontant vers l’ouest :
Comme le rappelait avec justesse l’architecte et urbaniste Nicolas Soulier dans un court entretien vidéo – visible dans « À vélo la ville est seize fois plus dense » – végétaliser peut très bien stériliser un espace urbain, c’est-à-dire échouer à y faire s’épanouir la vie, à permettre que « quelque chose s’y passe ». L’exemple nous en est donné au niveau du boulevard Rocheplatte qui est le seul segment à avoir fait l’objet d’une opération d’enfouissement de parking. On ne peut pas dire que ce soit un endroit très fréquenté.
À droite la coulée verte actuelle et à gauche l’accès au parking souterrain. Un espace de jeu au milieu du « parc » survivant qui date de 188912. Les bancs du bout du monde. Idéal pour écouter l’écoulement du trafic en stéréo.
On prend le même et on recommence
Du côté du boulevard Jean Jaurès, Serge Grouard reprend dans son programme un ambitieux projet qu’il avait fini par remiser dans le tiroir de son bureau en 201113. Il était ainsi décrit dans le numéro d’Orléans.mag de juin 201014 :
« Cette couture urbaine vise à (re)créer une continuité entre les secteurs Carmes, Madeleine, Porte-Madeleine, et, par la suite, les cinq hectares du site de l’hôpital, voués à se muer en pôle universitaire. Exit donc les voies rapides, héritées des années 70, période du « tout auto ». La trémie Jaurès et le passage supérieur du faubourg Saint-Jean sont supprimés pour remettre à niveau le boulevard et ses carrefours rue Porte-Saint-Jean et rue Porte-Madeleine. Ceux-ci sont pensés comme de véritables places urbaines, tandis que le mail central forme une coulée verte, invitant piétons et cyclistes. »
Nul doute que requalifier les mails orléanais soit indispensable. Tout le monde s’accorde sur la coupure urbaine qu’ils représentent mais il n’y a pas que le rendu visuel et paysager. Les mails sont un haut lieu de deux pollutions : la pollution sonore et la pollution de l’air15. En l’état actuel, tant qu’il n’est pas possible de faire baisser sensiblement la pression automobile sur cet axe, c’est peine perdue pour y restaurer de l’urbanité à taille humaine – seuls les vendeurs de béton, de bitume, et les professionnels des espaces verts, ont véritablement quelque chose à y gagner16.
L’autre écueil de ce projet de requalification majeure est d’imaginer qu’il pourrait être satisfaisant de faire circuler les cyclistes au milieu de cet axe – en mode promenade du dimanche17. D’une part comme on l’a vu, la continuité de l’itinéraire n’est pas assurée, et d’autre part, cela exclut d’emblée d’intégrer les mails à un réseau cyclable digne de ce nom18, c’est-à-dire capable d’irriguer les différents quartiers de la ville.
On n’en a jamais fini avec les trémies
Certains, du côté des Pyrénées, amènent de la neige par hélicoptère19, alors pourquoi pas – économie circulaire, recyclage intelligent – affréter un puissant hélicoptère pour déplacer la trémie Jaurès vers le carrefour Zénith/Auchan ? Là-bas, Serge Grouard souhaite y créer un « mini-souterrain ».
Crédit photo : English: Igor DvurekovРусский: Игорь Двуреков / CC BY-SA
Notes
- « Sondage municipales à Orléans : Serge Grouard devant Olivier Carré, Jean-Philippe Grand en embuscade », France Bleu Orléans, 13 février 2020.
- « Les propositions vertes de Serge Grouard pour Orléans », La République du Centre, 12 février 2020.
- On peut relever que le concept de « cité-jardin » date d’avant le règne de l’automobilisme généralisé.
- Sur le projet actuel d’aménagement des Groues, voir « Les Groues à vélo ».
- « Santé et sécurité : les deux urgences du candidat Serge Grouard aux élections municipales à Orléans », France Bleu Orléans, 21 janvier 2020.
- « Serge Grouard : « je suis le candidat vert d’Orléans » », Magcentre, 12 février 2020.
- Et je dois avouer que j’étais passé à côté de cet élément du programme lors de la rédaction de « Municipales 2020 : Serge Grouard n’est pas rangé des voitures », billet qui, relativement à la modeste audience de ce blog, a connu un certain succès. Dans le programme du candidat, donc, figure page 10 sous le thème « Orléans, ville jardin », et au sein d’un long paragraphe, la mention d’ « une coulée verte sur les mails, côté théâtre, et côté Boulevard Jean Jaurès ».
- Voir la carte des Comptages routiers réalisés en 2017 dans la métropole orléanaise.
- Une vue du mail boulevard Alexandre Martin en 1908 sur le site « Orléans, hier et aujourd’hui ».
- « De nouveaux jardins comme autant de poumons verts et de puits de carbone seront créés pour végétaliser notre ville » explique le programme du candidat.
- Il en déjà a été question ici et depuis, les bordures inconfortables ont été correctement traitées.
- Une vue de 1913 sur le site « Orléans, hier et aujourd »hui ».
- Lire ou relire ce qu’écrivait l’opposition municipale sur le sujet : Michel Brard, « Notre projet pour la trémie et le mail Jaurès », 27 novembre 2010. Et sous un titre amusant : Corinne Leveleux-Texeira, « Requalification du boulevard Jaurès. Un mail à l’endroit, un mail à l’envers : des conclusions soigneusement tricotées », 10 mars 2011.
- Double page sous le titre « supprimer la trémie pour recoudre la ville… » – avec des vues d’architecte – à retrouver ici.
- Sur la pollution de l’air voir le rapport d’étude fourni par Lig’Air sur ce projet de requalification du boulevard Jean Jaurès.
- Comme l’écrit le camarade JP dans l’épisode 5 de ses « Grincements de pignon », en anticipant une victoire de Serge Grouard en mars prochain : « Et de la verdure, il en promet. Pendant 15ans, la ville va être un chantier pour faire passer les boyaux circulatoires, les souterrains, les parcs… Il serait plus simple de construire la ville ailleurs et de la faire directement adaptée à la bagnole, car ça, on y touche pas. »
- Un des objectifs du projet était formulé ainsi : « Favoriser les liaisons douces (piétons et cycles) sur le terre-plein central du mail afin de constituer un espace public paysager et assurer la sécurité des usagers. »
- C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison que le commissaire enquêteur avait à l’époque émis une réserve sur le projet : « réaliser l’étude de faisabilité à la mise en place, sur le boulevard Jaurès, d’une voie réservée aux bus et aux cycles (voie accolée) et que celle-ci prenne en compte l’impact des entrées et sorties du parking prévu. » La lecture de l’extrait du compte-rendu du conseil municipal du 16 décembre 2011 qui actait l’abandon provisoire du projet est instructive.
- « Pyrénées : de la neige livrée par hélicoptère », Le Progrès, 16 février 2020.
J’avoue ne pas visualiser ce qu’il souhaite faire au niveau de la trémie Jean Jaurès.
Il ne faut pas se leurrer, le Mail en lui même est nécessaire pour assurer une distribution des différents quartiers sans augmenter le flux via les petites rues de la ville qu’elles soient en hyper-centre ou à l’extérieur de celui-ci.
Le mail est le réseau de distribution des grands axes de la Métropole.
Monsieur Grouard peut dire ce qu’il veut, ce sera toujours à la Métropole d’organiser la gestion des flux. Les envies du futur Maire d’Orléans en terme de modification de flux aura forcément une incidence sur les villes attenantes qui manqueront pas de faire entendre leurs voix.
Quand j’entends le Maire de St Jean de la Ruelle parler des difficultés d’organisation entre les 2 villes pour réhabiliter des rues. D’ailleurs la rue Gambetta en limite de ces 2 villes est en cours de réhabilitation mais à priori sans piste cyclable.
Je suis d’accord avec ton constat qu’un espace vert au milieu du Mail c’est pas la meilleure idée de l’année, c’est assez peu fréquenté (sauf éventuellement des résidents voisins), en tout cas cela reste un espace dangereux pour y aller avec des gosses (l’accès aux voies de circulation est trop facile et rapide).
Si l’espace est continu et qu’une voie verte est faite, il y aura peut-être un intérêt pour certains, mais personnellement je continuerai à éviter ce secteur s’il n’y a pas de véritable piste en extérieur des voies de circulation des voitures. Je ne traverserais pas à 2 reprises 3 voies de circulations pour faire 400m sur une piste safe.
Rue ou venelle Gambetta ? A priori la rue est entièrement stéoruellanne. En revanche, la venelle matérialise la limite communale.
La rue Gambetta entre le faubourg Madeleine et l’allée Pierre Chevalier (au niveau du dojo) est Orléanaise. 🙂
Pour le reste de la rue et la venelle, je suis d’accord avec toi.
Tu vas rire mais je n’avais jamais fait le lien entre les deux… 😊
C’est d’ailleurs un drôle de tracé.
Pas de soucis, je connais car c’est plus ou moins mon quartier, donc très intéressé par ce qu’il se dit sur son utilisation :).
Il faut absolument proscrire les « machin cyclistes » en milieu de voirie. En milieu urbain, les cyclistes doivent circuler dans le sens de la circulation, à droite des automobiles, et ailleurs que sur les trottoirs.
Nous en avons un échantillon de « machins centraux » entre l’hôtel de la mégalopole & le théâtre, difficile à prendre, difficile d’en sortir. Ce qui est vrai pour les cyclistes l’est pour le bus et ses usagers, à cet endroit, mais également au niveau de la bibliothèque où les pouvoirs en place ont pérennisé une solutions vendue comme provisoire.
Sur les « machins » du centre :
https://becancaneries.wordpress.com/2020/01/22/quel-est-le-probleme-avec-les-pistes-cyclables-au-milieu-dune-rue/
D’ailleurs je donne à voir cet échantillon dans le billet (on aperçoit bien le panneau « voie verte » et L’Hommage à Lavoisier de Roger Toulouse !) :
Les « coulées vertes » sont un objet de la mercatique « verte » Grouarienne, depuis Serge le premier.
Espérées, souhaitées mais jamais réalisées, à tel point que les ridicules buissons de la rue Jehanne d’Arc représentent en quelque sorte l’aboutissement du patient travail de pression d’un de ses colistiers, spécialiste en marcottage.
Sur le boulevard Jean Jaurès, je n’ai pas preuves factuelles, mais le projet de parc urbain mené par les habitants était bien plus ambitieux que ce qui a été réalisé par celui qui n’était pas encore à la maison de retraite du Luxembourg. C’est ainsi que l’on y trouve des « circulations » qui sont même pas utilisables pour « traverser » car y circuler à vélo est très désagréable à cause des nombreuses bordures. Y circuler à vélo pour, par exemple, quitter la place Dunois et aller chercher du pain rue Bannier, est une idée à abandonner tant le cheminement est stupide, entre autre à cause de l’entrée du parc de stationnement.
D’ailleurs, stationner dans le parc souterrain pour assister à une conférence (non pas laisser sa bagnole en extérieur) est un acte de grand civisme tant la circulation pédestre est, elle également, d’une grande stupidité. En cet endroit, oui, il faut un souterrain de liaison est-ouest — sous le mur de bitume — avec le parc de stationnement, les sorties du-dit souterrain desserviraient sans problème d’un côté la bibliothèque, de l’autre le parvis de l’église.
Ce ne sont pas les travaux d’été de déplacement du problème automobile et de complication du cheminement piéton qui ont amélioré les choses, loin de là.
Toujours dans ce piège à particule, le niveau sonore le rend d’une inamicalité extrême, une fois dedans, on a qu’une seule envie partir. Une personne en sortant des Flatulences peut-elle avoir envie de flâner dans ce machin après une expo, ce pour méditer sur l’expo vue, ou dans l’attente d’un casse-croûte acheté dans l’une des boulangeries de part et d’autre du boulevard ?
Comme tu l’indiques, la partie autour du rond-point d’entrée/sortie du parking souterrain « médiathèque » est à peine croyable et laisse imaginer à quoi ressembleraient les alentours du futur (ou en tout cas projeté) parking souterrain de la trémie Jaurès.
Il faudrait en finir avec ces idées de grand projets dits « verts », et simplement mettre en place tous la moyens alternatifs à la bagnole, des parkings sur les grands axes aux limites de la Métropole, et des liaisons vers le centre en tram train, et pistes cyclables. Par exemple, remettre en service la voie ferrée Orléans Chartres, et Orléans Chateauneuf, et Ormes serait à 10mn du centre d’Orléans, soit un gain de 30 mn par trajet aux heures de pointe! Mais ce n’est peut-être pas assez électoralement porteur?
Merci d’évoquer ces projets ferroviaires que nos décideurs sabordent piteusement. On se souviendra longtemps d’Olivier Carré dans sa vigoureuse défense des « 150 places du parking Munster » (lire « Ligne Orléans/Châteauneuf : ce que dit Olivier Carré, ce que lui répond la SNCF », La République du Centre, 20 novembre 2017).
Orléans Chartres est entre les mains des « socialistes & écologistes » du conseil régional depuis plus de 2 mandats. Il est fort à parier que lors de la prochaine campagne, la pression du bilan carbone aidant, ce soit encore dans les promesses distribuées à la gare.
La voie de chemin de fer est restée trop longtemps sans circulation pour que cela ne dérange pas les habitants autour de l’ancienne voie et donc les mairies qui préfèrent écouter leurs administrés en colère que de voir l’aspect écologique et plus pratique.
45 000 véhicules par jour c’est 1/2 A86 en plein centre ville.
Est ce que l’absence d’une rocade circulaire complète n’est pas la cause du trafic?
Est ce que le tarif réduit de l’autoroute pour les riverains est toujours en vigueur ? Si non, est-ce que l’on a vu une augmentation du trafic depuis sa disparition? Ce serait à réfléchir la gratuité de ce tronçon pour tous les habitants du Loiret.
Je pose plein de questions. J’ai peur que la situation ne changera pas avant des décennies sans courage politique.
Je donne en note un lien vers un billet de Corinne Leveleux-Teixeira qui listait comme axe de travail (en mars 2011) :