La famille s’agrandit : grossesse, nouveau-né et trois enfants à vélo — par Genepedia

Depuis Vashon Island dans le nord ouest des États-Unis (État de Washington)1, Gen M tient un blog sur ses aventures de « jeune maman à vélo »2. Voici la traduction de son billet publié le 9 octobre 2019 sous le titre « A new addition: Pregnancy, newborns, and 3 kids on a bike ». Avec l’aimable autorisation de son auteur que vous pouvez aussi retrouver sur Twitter3.

Je n’ai jamais été une blogueuse prolifique mais vous avez peut-être remarqué que je postais vraiment très peu ces derniers temps. Celles et ceux qui me suivent sur Twitter ou me côtoient savent que c’est parce que ma famille s’est agrandie. Baby J est arrivée à la fin du mois de mai.

Quand nous avons décidé d’agrandir la famille nous avons fait face à toutes les questions que se posent les couples qui accueillent trois enfants. Les questions d’argent, de temps et les réactions au sein de la fratrie. Mais nous avions aussi des préoccupations spécifiques au vélo. Au cours de mes grossesses précédentes j’étais plutôt active mais comme piétonne, si bien que combiner vélo et grossesse représentait une nouveauté. Mes grossesses ne sont pas faciles, au moins pendant leur première moitié, parce que je souffre d’hyperemesis gravidarum (HG) pendant les 22-26 première semaines. Bien plus prononcé que la nausée matinale, le HG génère des vomissements qui vous affaiblissent considérablement et vous font admettre à l’hôpital pour réhydratation et traitement médicamenteux. Après deux grossesses, je sais maintenant à quoi m’attendre. Je sais quels médicaments fonctionnent chez moi (et heureusement qu’il en existe), j’avais choisi mon médecin et prévu mon traitement bien avant de tomber enceinte. Mais allais-je devenir trop malade malgré les médicaments pour continuer à faire du vélo ? J’avais beaucoup souffert de la symphyse pubienne et des hanches dans la seconde moitié de ma deuxième grossesse. Ces douleurs allaient-elles être augmentées par la pratique du vélo juste au moment où les nausées finiraient par disparaître ? Allais-je même pouvoir monter en selle en fin de grossesse ? Est-ce que mon changement d’équilibre corporel rendrait imprudent de pédaler ? Serais-je encore capable de grimper des côtes avec un bébé dans le ventre, de plus en plus lourd, et des poumons de plus en plus compressés ? Mon médecin finirait-il par m’interdire le vélo ? Une fois le bébé mis au monde, combien de temps mettrais-je à remonter en selle ? Comment s’organiser pour se déplacer à vélo avec un nouveau-né ? Et comment transporter trois enfants à vélo ?

J’ai la chance d’être entourée de tout un tas d’amies mères de famille (go Mama Bears!) qui ont traversé beaucoup de ces épreuves avant moi. À chaque étape j’ai pu bénéficier de leur expérience, de leurs conseils et de leur soutien, ce qui m’a grandement facilité la tâche. Nos familles respectives habitent loin, si bien que tous les amis que nous nous somme faits au travers du vélo sont devenus des soutiens très importants, par des repas partagés, des coups de main ou de simples visites. Qui aurait cru que faire du vélo serait la clé d’amitiés forgées à l’âge adulte, chose qui nous paraissait si difficile en tant que couple avec enfants !

Comme prévu, à six semaines de grossesse je prenais plusieurs traitements pour lutter contre mon HG et me trouvais malgré tout pitoyablement nauséeuse le plus clair du temps. Je devais avancer très lentement sur mon vélo pour ne pas aggraver ma nausée en me contentant de remonter les pédales pour laisser la pesanteur et l’assistance électrique faire le reste du boulot. Comme plusieurs de mes amies l’ont fait remarquer, faire du vélo était quand même plus facile que de prendre le bus. En selle, je n’avais pas à m’inquiéter de savoir comment j’allais pouvoir vomir le cas échéant (il suffit de se mettre sur le côté), je me sentais mieux à l’air libre que dans l’habitacle d’un car ou d’une voiture, et little T était attaché sur son siège Yepp, si bien que je n’avais pas besoin de dépenser de l’énergie, physique et mentale, pour qu’il se tienne tranquille. Dans la mesure où je faisais en sorte de ne pas m’éreinter au travail, faire du vélo était bien la meilleure solution. De plus, avec l’expérience gagnée lors de mes précédentes grossesses, j’ai réussi à mieux gérer mes médications et à être moins malade. Si bien que j’ai continué à vélotafer les premières semaines. Nous avons limité les sorties les weekends dont j’ai profité pour me reposer au maximum.

Notre manière d’annoncer la naissance à venir.
Gérer la logistique de Noël à vélo avant que mon ventre ne s’arrondisse trop.

Au mi-temps de ma grossesse, mon ventre était devenu plutôt proéminent et les petits gestes du quotidien comme enfiler ses chaussures devenaient plus difficiles. Les douleurs intercostales et aux hanches que j’avais ressenties au cours de ma deuxième grossesse commençaient à se manifester. Au troisième trimestre s’est ajoutée une douleur à la symphyse pubienne. Lors de ma deuxième grossesse, le phénomène des hanches et symphyse pubienne douloureuses était aggravé par la marche, en particulier en montée, si bien que je m’inquiétais de savoir si faire du vélo aboutirait au même résultat. J’ai été heureuse de constater que ce n’était pas le cas. Au contraire, faire du vélo avait tendance à atténuer la douleur. Je suppose que c’est en partie dû à l’aide de l’assistance électrique pour lancer le vélo. En l’absence d’assistance ou en repartant sur un braquet trop important, la douleur se manifestait. Le fait que le vélo me maintenait les jambes et les hanches alignées a dû aussi jouer. Là où j’ai eu le plus mal c’est lorsque la zone du Puget Sound a été enneigée en février et que j’ai dû marcher et prendre le bus plus fréquemment. Marcher sur la glace, avec les pieds qui chassent vers l’extérieur, était très douloureux et à mon grand soulagement ça n’a duré que deux semaines. Faire du vélo a aussi soulagé mes douleurs intercostales et m’a plus généralement fait oublier cette sensation de transporter une pastèque dans l’abdomen. A vélo j’ai une position relevée et ma ceinture abdominale est mobilisée, ce qui soulage mes côtes sans me causer de mal de dos (un problème courant chez les hommes assis toute la journée qui essaient de soulager leur cage thoracique en se tenant droit). Cette position faisait presque disparaître mon ventre, du moins jusqu’à ce que j’ai besoin de descendre de selle aux feux en heurtant ma sacoche de cintre !

Tentative de faire ressortir mon ventre. Ce manteau, de manière fortuite, cachait si bien la croissance de mon ventre que les gens que je croisais ne se sont rendus compte de ma grossesse qu’au huitième mois !

Le meilleur bénéfice d’avoir pédalé tout au long de ma grossesse a été de me maintenir en forme mentalement. Dans mes précédentes grossesses j’avais le sentiment de ne plus pouvoir aller nulle part les quatre premiers mois, car tout accentuait mon état nauséeux. A vélo je pouvais me déplacer sans aggraver ces nausées. De la même manière, au fur et à mesure que les douleurs liées à la grossesse devenaient plus présentes, je pouvais toujours pédaler aussi loin qu’avant sans dépendre d’une voiture. Je me sentais forte et en possession de mes moyens comme jamais dans mes précédentes grossesses. Cela ne signifie pas que les choses ne devenaient pas difficiles ou que je ne me sentais pas accablée par les changements progressifs dans mon corps. J’avais simplement comme un répit que je n’avais pas connu précédemment. J’ai entendu que nager peut procurer ce genre de sentiment mais faire du vélo était bien plus simple dans ma situation. Aller à la piscine aurait représenté un coût et impliqué de disposer d’un temps que je n’avais pas. Faire du vélo s’inscrivait dans ma routine quotidienne, ne me coûtant rien de plus que mes dépenses habituelles. J’ai fini par changer la selle sur le GSD pour un modèle sans bec pour mes six dernières semaines de grossesse (et deux semaines après l’accouchement), mais je l’avais empruntée à une amie qui avait fait de même. En dehors de ça, les seules modifications que j’ai faites concernaient la position de ma sacoche de cintre que mon gros ventre ne cessait de heurter et la hauteur de ma selle, abaissée pour que mes hanches bougent le moins possible vers la fin.

Mon ventre rebondi (et la sacoche de cintre déplacée) quelques jours avant l’accouchement.

Mes deux vélos m’ont parfaitement accompagné pendant ma grossesse, bien que j’ai préféré le GSD au Packster les derniers mois4. Plus lourd, il n’était pas mon vélo habituel, si bien que je me sentais un peu moins à l’aise à son guidon. Ma dernière sortie à vélo a eu lieu le vendredi où je suis entrée dans ma 39ème semaine, trois jours avant d’accoucher. J’ai pris le water taxi5 pour me rendre en ville à ma dernière visite médicale, je suis passée par le bureau déposer des papiers relatifs à mon congé maternité, puis j’ai repris la longue route du retour pour attraper le ferry de Fauntleroy via Alki. Au total j’ai pédalé près de 6500 km pendant ma grossesse, la plupart du temps avec un enfant à bord. J’ai ainsi pu apprécier pleinement le vélo comme outil de mobilité, en particulier dans sa version à assistance électrique, magique.

Ramener les enfants de l’école.
Une photo glamour du GSD. Crédit photo Sarah Bunch.

Le travail et l’accouchement se sont globalement bien passés, mais il se trouve que j’ai perdu beaucoup de sang si bien que je ne m’en suis pas remise aussi rapidement qu’avec mes deux autres enfants. Je me suis sentie bien sur le vélo plus tôt que je ne l’imaginais, et j’ai fait ma première sortie seulement cinq jours après l’accouchement, mais à cause de mon hémoragie il m’a fallu plus longtemps que prévu avant que je puisse faire des trajets plus longs sans finir épuisée. Garder la forme et rester active pendant la grosses ne signifie pas que donner naissance à un bébé soit une sinécure ! Pendant les tout premiers mois je devais sans cesse me rappeler que mon corps avait encaissé pas mal et que je devais y aller mollo. C’est en ce sens que l’assistance électrique sur les vélo-cargos est à la fois une bénédiction et une malédiction. C’était génial en ceci qu’elle me permettait de pédaler sans me fatiguer outre mesure, quand je n’oubliais pas de me ménager. Mais parfois elle m’entraînait à fournir plus d’effort que je n’aurais dû, me laissant sur le carreau pendant plusieurs jours. C’était en soi une leçon instructive de découvrir combien l’assistance électrique peut brouiller l’écoute de son propre corps.

Nous ne nous sommes pas éloignés de la maison les premiers jours. J’ai pris une voiture pour revenir de l’hôpital et pour emmener le bébé à son premier rendez-vous de suivi quatre jours après sa naissance. Nous avons cependant fini par sortir davantage et il a fallu embarquer bébé à vélo. On nous avait prêté – comme nous sommes chanceux – non pas un mais DEUX Steco Baby Mee, accessoire qui permet de fixer un siège auto dans la caisse d’un vélo-cargo6. Le Baby Mee comporte une plaque métallique qu’on boulonne dans le sol de la caisse et un cadre suspendu qui accueille le siège auto. Ce cadre se fixe à la plaque en quelques secondes et comporte des sangles pour attacher le siège. J’ai trouvé ces sangles pas assez sécurisantes et difficiles à détacher d’une seule main alors nous les avons remplacées par une grosse sangle qui passe sous le siège et par le passant prévu à cet effet. Nous utilisons un Maxi Cosi Mico 30 en remplacement de notre ancien siège auto (parti au rebut) parce que je le savais compatible avec le Baby Mee. Je ne sais pas quels autres modèles de cosy seraient compatibles mais un des amis qui nous a prêté le Baby Mee utilisait un Chicco Keyfit 30, ce qui représente une autre possibilité de montage.

Nous avions installé les Baby Mee sur les vélos-cargos avant la naissance du bébé. Sur le Load nous avons fixé le support directement sur le sol de la caisse, et le principal défi consistait à simuler le poids d’un bébé dans le siège pour s’assurer qu’il ne viendrait pas cogner contre les parois de la caisse en cas de ressaut. Sur le Load le siège auto prend toute la place, donc pour transporter les autres enfants, le cas échéant, on ajoute une carriole. Sur le Packster la situation était différente. La caisse d’origine du Packster 80 est assez vaste pour accueillir un enfant en plus du siège auto sur le Baby Mee. Mais nous avions besoin de deux places enfants en plus du siège. Après s’être donné le temps de la réflexion, nous avons décidé de surélever le siège auto pour que les deux autres petits passagers puissent allonger leurs jambes de part et d’autre du siège. Avec des tasseaux 2×4 nous avons fabriqué et boulonné un socle en bois sur lequel nous avons fixé le Baby Mee. Nous avons prévu deux séries de trous pour pouvoir reculer au maximum le siège auto quand nous n’avons pas besoin d’installer la capote de pluie, ce qui libère plus d’espace pour les jambes des plus grands. Le principal défaut de cette solution c’est qu’une fois le Baby Mee retiré, le socle reste en place, ce qui peut gêner le chargement d’autres objets. L’espace est un peu trop contraint avec le siège auto si bien que lorsque nous partons pour de longs trajets (supérieurs à 3/5 km dans chaque sens), nous nous partageons les enfants. Comparé à la solution consistant à acheter une autre caisse plus large (et la capote de pluie adaptée), c’est beaucoup moins cher et malgré tout efficace.

Quand nous nous sommes sentis prêts à emmener Baby J à vélo nous avons opté pour le Load dans lequel le système de suspension garantirait un trajet aussi confortable qu’en voiture. Après quelques semaines nous avons commencé à utiliser également le Packster. Nous roulions plus lentement qu’avec les seuls aînés et nous faisions en sorte de nous donner plus de marge au cas où Baby J aurait eu besoin de quelque chose. La transporter à vélo ressemble vraiment aux autres méthodes possibles et se révèle même plus facile par certains côtés. C’était difficile au début quand elle avait très fréquemment faim mais maintenant qu’elle mange à plusieurs heures d’intervalle et apprécie de voir le monde défiler devant ses yeux, c’est beaucoup plus simple. Son frère et sa sœur juste à côté d’elle la divertissent, lui redonnent sa tétine ou lui remettent en place sa couverture quand elle la fait glisser. Quand elle aura un peu grandi, nous l’installerons dans un siège enfant Melia qui laissera plus de place aux deux plus grands. J’ai réussi à dénicher un Babboe toddler qui l’accueillera quand elle ne tiendra plus dans le Melia, mais je l’ai pour le moment prêté à un ami qui en a besoin.

Photo de famille. Ce camaïeu de bleu est totalement accidentel car deux semaines après l’accouchement je n’avais pas l’énergie de penser à ce genre de chose. Crédit photo Sarah Bunch.

Cela fait quatre mois que nous nous occupons de trois enfants et je ne vois pas de grosse différence avec quand nous n’en transportions que deux à vélo. Le bébé va grandir et de nouveaux défis surgiront (Comment emmener trois enfants avec un GSD ? Est-ce que ce sera nécessaire ? Est-ce que le poids total impliquera d’utiliser une autre sorte de vélo ?) mais pour l’instant tout roule. Comme pour la plupart des préoccupations liées au fait de se déplacer à vélo en famille, nous nous sommes rendus compte qu’il y a une phase d’apprentissage au début, puis que faire face à une situation nouvelle ne demande presque plus d’effort d’imagination. J’espère que j’arriverai à publier de nouveaux billets quand nous en serons à tester de nouveaux sièges enfants. J’espère aussi publier prochainement un billet sur la manière dont je vais réussir à combiner tire-lait et vélotaf maintenant que j’ai repris le travail.

Merci à Sarah Bunch pour les photos, notamment pour nous avoir laissé la conduire à vélo au bord de l’eau pour une séance photo après avoir découvert que la route était fermée au trafic motorisé !

Notes

  1. Après avoir vécu à Eugene, ville où s’est installé… Kent Peterson !
  2. En version originale : « My adventures with parenting, family biking, and mixing science and motherhood »
  3. Elle a publié le 21 septembre dernier une série de tweets dans lesquels elle explique sa démarche : « J’ai ouvert un blog pour aider les gens intéressés par les vélo-cargos à assistance électrique à trouver ce qui serait le plus adapté à leur situation. Ce n’est pas un site très fréquenté mais j’ai vraiment l’impression d’avoir atteint mon but d’après les retours que je reçois. Récemment quelque chose d’assez extraordinaire s’est produit. Plusieurs personnes différentes qui m’ont vu circuler à vélo avec mes enfants tous les jours, qui ont commencé à me parler de VAE, ont pris la décision d’en acheter un et de l’utiliser quotidiennement. Voilà une des raisons principales qui nous font parler d’être le changement que nous voulons voir dans le monde. Je ne représente pas la seule influence sur ces personnes. Mais je joue un rôle. En étant présente dans l’espace public. En répondant aux gens qui me posent des questions. Ça fait une différence.« 
  4. Sur son blog, Gen M a publié des billets fort riches à propos de ses différents vélos. Pour mieux comprendre ce dont elle va parler ensuite, voici les trois vélos dont il s’agit : un longtail Tern GSD présenté dans ce billet ; un vélo-cargo Riese & Müller Packster 80 présenté dans ce billet et son autre cargo R&M Load 60 présenté dans ce billet. NdT
  5. C’est ainsi que le comté de King appelle son service de ferry. Plus d’informations sur le site officiel. NdT
  6. Manifestement ce dispositif permet aussi de fixer un cosy sur le porte-bagage d’un vélo. Voir « Bébé à vélo, test du support cosy Baby Mee de Steco » (21 juin 2019). NdT

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