Confinement jour 38 : la vélorution avancerait-elle masquée ?

« Les rues désertes ne nous ont jamais montré aussi clairement combien l’espace urbain était conçu pour la voiture. Acceptera-t-on facilement son retour, celui des nuisances sonores, la montée en flèche de la pollution de l’air, et la hiérarchie voulant qu’elle règne sur la petite reine ? » interroge Annabelle Laurent dans Usbek & Rica1. Dans la cyclosphère l’enthousiasme pour l’urbanisme tactique de sortie de crise est grand tout comme l’espoir de voir les conditions de circulation à vélo grandement améliorées au moment du déconfinement. Mathieu Chassignet, qui suit le dossier de près, tempère cependant2 : « ces bonnes idées théoriques [d’aménagements temporaires] risquent de se fracasser sur une réalité bien trop souvent observée en France : le manque de volonté politique lorsqu’il s’agit de remettre la voiture à sa place. » À Orléans; Olivier Carré qui au vu des résultats électoraux du premier tour des municipales n’a plus rien à perdre va-t-il faire sa vélorution ?

Why We Cycle

C’est aussi grâce à Mathieu Chassignet sur Twitter que j’ai enfin pu voir le documentaire Why We Cycle dont la cyclosphère dit le plus grand bien. Ce court film (52 min.) est sorti en 2018. En avril 2019, Isabelle Lesens le qualifiait de « lumineux » et le résumait ainsi3 :

« Pourquoi le vélo ? nous explique en quoi le vélo pourrait ressouder nos sociétés, au-delà des arguments rationnels qui ne convainquent pas : Le vélo oblige à la confiance et à l’inter-action. Il décoince nos cerveaux. Ce film nous explique aussi en quoi le comportement des cyclistes n’est pas du tout celui des automobilistes et en quoi le vélo implique des espaces publics compacts et de qualité. »

En voici la bande annonce :

La photographie est léchée et le propos limpide. On relèvera quand même une forme d’explication « culturaliste » au succès du vélo aux Pays-Bas. Pédaler permettrait de manifester des convictions égalitaristes et une forme de modestie sociale – sans doute un héritage de la culture calviniste du pays.

Deux captures du documentaire pour le plaisir des yeux :

Un vélo hollandais modèle enfant.
Deux enfants, zéro assistance électrique.

Dessine-moi l’après

On doit à Jo Urbs sur Twitter des esquisses de ce que pourrait être Orléans si la solution vélo y était prise au sérieux. Elle m’a aimablement autorisé à reprendre ses créations ici.

Voilà un pont George V débarrassé du trafic automobile comme le pont de pierre à Bordeaux. Il y aurait toutefois une (grosse) difficulté à créer un trottoir aux normes côté ouest car la plateforme du tram est décentrée. La surface utile du tablier n’est que d’un peu plus de 14 m et la plateforme du tram en occupe déjà près de 6. Il ne reste donc que 8 m à distribuer. Dans l’hypothèse d’un réalignement axial de la plateforme du tram on aurait au mieux 2 m pour les pistes cyclables – le minimum du minimum pour permettre les dépassements – et 2 m pour les trottoirs. Dans l’état actuel il vaudrait mieux réserver la voie ouest pour une piste bidirectionnelle et réserver le côté est à un bel espace piéton de plus de 4 m.

Là ce serait vraiment remettre la voiture à sa place. La suppression du stationnement bilatéral rue Bannier permettrait de faire d’un pierre trois coups : planter des arbres, donner plus d’espace aux piétons et mettre fin à l’absurdité de l’itinéraire cyclable actuel.

Suite logique du précédent plus au nord après la place Gambetta. Mise en évidence que dès lors qu’on s’affranchit du stationnement automobile sur voirie, tout devient possible.

Un peu de musique

J’ai un ami virtuel4 qui par ses nombreux posts relatifs à la musique me fait sans le savoir mon éducation musicale en comblant de-ci de-là mes trop nombreuses lacunes en la matière. Au tout début du confinement il m’a fait découvrir l’existence de Marc Rebillet5, un étatsunien né d’un père français qui fait le mariole depuis une pièce de son appartement new-yorkais en composant à la volée des morceaux – musique et chant – sur un thème proposé par ses auditeurs. Ce qui se justifie en période de quarantaine. Mais ce qui est amusant dans son cas c’est qu’il a lancé sa carrière de cette manière, en performant de chez lui.

Un court morceau de circonstance.

Ce même ami m’a aussi fait découvrir deux jeunes groupes australiens à l’occasion de leur passage en concert à L’Astrolabe fin novembre 2019. The Chats tout d’abord, trio classé punk rock dont une journaliste des Inrocks a dit qu’il « remet le punk à sa place : au fond d’un bar australien un peu crade »6. Elle avait certainement en tête les images du clip du titre Pub Feed en écrivant ça7. De ce clip je retiens cette brève séquence où les membres du groupe se montrent en tandem :

L’autre groupe est Crocodylus, là aussi un trio masculin classé garage rock. Je dois dire qu’après plusieurs écoutes je les préfère à The Chats. Ils sonnent plus mélodieusement à mes oreilles peu averties. Le clip du titre My Baby – sur le thème inépuisable de l’amour déçu – est bien sympathique en plus d’être joliment réalisé, avec vers la fin ce qui me semble être un clin d’oeil à une scène culte de Dirty Dancing :

Pendant ce temps-là du côté du pont de l’Europe

L’annonce majestico-présidentielle de la date du 11 mai8 a donné des fourmis dans les mollets à certains automobilistes. La circulation est sensiblement plus importante depuis quelques jours. Sur le pont de l’Europe, les brûleurs de pétrole ont repris leur habitude de prendre cette courte 2×2 voies pour une piste d’accélération. Et juste à côté, sur décision préfectorale prolongée, la voie verte des quais reste interdite d’accès.

Résultat, des vélotafeurs obligés de circuler sur la chaussée au milieu des gaz d’échappement :

Ces jours-ci, un ciel bleu quasi estival qui semble narguer les confiné(e)s :

Que fera ce cycliste utilitaire une fois arrivé au bout du pont ?

Notes

  1. « Déconfinement : « C’est un moment historique pour le vélo » », Usbek & Rica, 16 avril 2020.
  2. « Aménagements post-confinement : aller plus loin que les « pistes cyclables temporaires » », 21 avril 2020.
  3. « Why we cycle, les dates », Isabelle et le vélo, 13 avril 2019.
  4. Ce qui signifie qu’on se connait pas et que l’extralucide Facebook a trouvé pertinente l’association vélo+Orléans pour nous suggérer de nous apparier.
  5. J’ai été tellement enthousiasmé par le premier concert en chambre auquel j’ai assisté que j’ai traduit en français l’article de la Wikipédia anglophone qui lui est consacré.
  6. « Groupe à suivre : The Chats réveille le punk australien et documente l’ennui du quotidien », Les Inrockuptibles, 21 novembre 2019.
  7. Clip vidéo à visionner sur Youtube.
  8. Lire à ce sujet le toujours tranchant Frédéric Lordon dans son billet du 17 avril : « Macron tranche seul, sans prévenir personne, interloque jusqu’à ses ministres, avec lesquels le jeu de chassé-croisé devient presque drôle : on se souvient de Jean Michel rien-ne-justifie-de-fermer-les-écoles le 12 mars après-midi, bâché dans la soirée; nous avons cette fois-ci la réouverture des écoles le 11 mai : Macron oui, mais Blanquer pas tout de suite quand même. L’annonce a été tellement déroutante qu’elle a produit la première lueur de subtilité dans le cerveau de Castaner suggérant de distinguer «le déconfinement commence le 11 mai» et «le confinement dure jusqu’au 11 mai». Il faudra sans doute les efforts conjugués du JDD et de BFM pour ressaisir ce gigantesque foutoir sous l’espèce du souverain impénétrable, que sa méditation profonde astreint à une rude solitude, à laquelle on peut bien, c’est humain, accorder la contrepartie malicieuse de laisser les ministres découvrir en temps réel ses décisions éclairées — depuis quand le Roi Soleil compte-t-il avec les astéroïdes? »

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1 réponse

  1. REGIS REGUIGNE dit :

    Texte et images supers et , surtout : probants !

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