La ville de Leipzig mène-t-elle la transition ? — par Bicycle Dutch
Mark Wagenbuur a participé au congrès Vélocité qui se tenait cette année en Allemagne. Il raconte.
Voici la traduction de « Is Leipzig leading the transition? » publié le 31 mai 2023 sur Bicycle Dutch.
Au début du mois de mai, la ville allemande de Leipzig a accueilli le congrès annuel Velo-City. C’est le plus grand congrès cycliste au monde, organisé par la Fédération européenne des cyclistes, cette année en coopération avec la ville de Leipzig, le Centre de conférences de Leipzig et la Saxe. Velo-City vise à jouer un rôle important dans la promotion du vélo en tant que moyen de transport durable et sain pour tous. Le congrès s’est tenu du 9 au 12 mai 2023, avec un programme de plus de 60 sessions (forums de discussion, présentations, ateliers, visites de sites et visites techniques) et des événements sociaux, tels qu’un dîner et la traditionnelle parade cycliste. Cette parade, qui constitue pour beaucoup l’un des temps forts de l’événement, est une célébration du vélo au quotidien. Le congrès lui-même s’est déroulé autour d’une exposition avec des stands de plus de 90 exposants privés et publics. Cette année, il y avait plus de 1 500 délégués de 60 pays et plus de 430 orateurs, dont certains vice-ministres fédéraux allemands et le célèbre urbaniste franco-colombien et professeur à l’université de la Sorbonne Carlos Moreno, qui a (re)présenté la ville du quart d’heure.
Moreno n’a pas été le seul à parler d’urbanisme. De nombreux intervenants en tribune ont abordé des sujets qui dépassent le cadre du vélo. Il devient de plus en plus évident que les villes ne peuvent pas allouer plus d’espace au vélo sans réduire l’espace pour les voitures. Le fait que les villes (et surtout les centres-villes) se portent mieux avec moins de voitures est une chose que de nombreuses autorités locales aux Pays-Bas ont bien comprise et c’est une caractéristique néerlandaise dont d’autres peuvent s’inspirer. Mais il y a aussi des sujets sur lesquels les Néerlandais peuvent apprendre quelque chose : la diversité, l’équité et l’inclusion. Dans quelle mesure une société et son système de transport soutiennent-ils les différents groupes d’individus, y compris les personnes d’ethnies, de niveaux de revenus, de capacités physiques et mentales et de sexes différents ? La transition vers des villes plus agréables à vivre doit se faire beaucoup plus rapidement pour tous ces groupes et pour des raisons environnementales. Des villes comme Paris et Gand ont souvent été citées en exemple.
Il était clair que les organisateurs avaient essayé d’obtenir un bon équilibre entre les genres en tribune et dans les nombreux ateliers. Ils avaient également pensé à inclure des personnes d’origines ethniques plus diverses. En ce qui concerne les délégués, l’équilibre entre les genres s’est nettement amélioré par rapport aux éditions précédentes de Velo-City (qui a lieu depuis 1980), mais les visiteurs étaient encore majoritairement blancs.
La façon dont l’espace public est traité dans nos villes a fait l’objet d’une grande attention. De manière plus globale, Philippe Crist a lancé un appel passionné à reconsidérer la façon dont nous voyons et utilisons l’espace dans nos sociétés.
« Nous en sommes venus à considérer l’espace de la rue comme un espace de mouvement et de vitesse au détriment de tous les autres usages. Nous en sommes venus à considérer l’espace urbain comme une opportunité pour le capital et nous avons permis que son appropriation par le capital profite à certains mais pas à tous. Bien entendu, nous avons besoin de capitaux pour développer nos villes et nos communautés. Mais nous ne devrions pas développer nos villes et nos communautés pour le capital. Nous avons souvent tendance à oublier que l’espace urbain est un bien commun, un véritable bien commun que nous participons tous à façonner ». Il a affirmé que nous avons perdu un droit humain précieux, un droit que le philosophe Henry Lefebvre a appelé « le droit à la ville » ; « Et quel est ce droit ? C’est l’idée que les espaces urbains doivent être inclusifs, accueillants, démocratiques et accessibles à tous. Mais plus encore, c’est le droit pour nous de nous changer nous-mêmes en changeant la ville. […] C’est le droit que l’espace ne soit pas planifié pour nous sans nous. [Ainsi, plutôt que de penser à réaménager les villes pour le vélo, aussi important et essentiel que cela puisse être, nous devons principalement et toujours penser à la manière de réaménager les villes pour permettre notre droit à la ville. Et plus important encore, nous devons réaménager les villes avec les gens, même ceux qui ne font pas de vélo. […] En fin de compte, tout ce que nous demandons, c’est de l’espace. De l’espace pour se rencontrer, de l’espace pour jouer, de l’espace pour penser, de l’espace pour aimer, de l’espace pour se tromper, de l’espace pour avancer, de l’espace pour vivre, de l’espace pour se réaliser, de l’espace pour partager, de l’espace pour se déplacer en utilisant notre propre énergie, de l’espace pour être émus par les expériences humaines, des espaces conviviaux, des espaces d’affirmation de soi, des espaces accueillants et équitables. Un espace pour coexister, un espace pour exister, un espace que nous devons créer et, plus important encore, un espace que nous devons prendre. »
À l’autre bout du spectre, les intervenants ont parlé de mesures concrètes concernant la conception des rues et le mesurage des voies, et il y a même eu un conseil sur la manière de donner aux gens l’impression qu’ils sont entendus dans un processus de participation en leur donnant des croquis bruts à commenter plutôt que des rendus lisses, parce que ces derniers donnent l’impression que tout a déjà été déterminé.
Il semble que le congrès Velo-City ait été bien visible pour la population de Leipzig. Il y avait des drapeaux et des sorties commerciales sur des vélos partagés, mais il y avait aussi une manifestation et une fête sur une place de la ville et, bien sûr, le traditionnel tour à vélo qui était également ouvert au public. D’une part, il était dommage que le bâtiment de la conférence soit si éloigné du centre-ville. D’autre part, cela a donné aux délégués un bon aperçu de ce qu’est la pratique du vélo à Leipzig, ou les transports publics. L’utilisation des transports publics dans toute la ville était gratuite pour les délégués. Il fallait environ une demi-heure pour aller à vélo du centre à la conférence. Le tramway prenait à peu près le même temps.
Leipzig est la deuxième plus grande ville de l’ancienne Allemagne de l’Est (à environ 160 km au sud-ouest de Berlin). L’Allemagne a été réunifiée il y a plus de 30 ans mais, à certains égards, des divisions subsistent, même si Leipzig est devenue une ville prospère, moderne et saine. Leipzig est célébrée parce que ses habitants ont déclenché la révolution pacifique de 1989 qui a abouti à la réunification.
Le sous-titre du congrès était « mener la transition ». J’ai compris cela dans le sens où Leipzig pourrait (ou peut-être devrait) être considérée comme un exemple de ce qu’il faut faire en matière de transition vers un avenir plus sain et plus durable (en matière de transport). Mais est-ce vraiment le cas ? C’est peut-être vrai en Allemagne – après tout un pays constructeur de voitures, où la voiture est encore considérée comme beaucoup plus importante que ce à quoi je suis habitué aux Pays-Bas.
Oui, il est tout à fait possible de faire du vélo à Leipzig. Les chiffres montrent qu’il y a de plus en plus de vélos en circulation. La ville avance donc dans le bon sens, mais est-ce suffisant, la transition de Leipzig est-elle suffisamment étendue et rapide pour aider à contrer les effets globaux du système de transport du siècle dernier, l’automobilisme ? Je pense que de nombreux délégués comprennent que nous devons généralement accélérer les choses, et cela vaut également pour Leipzig, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas des élus locaux qui doivent prendre des décisions audacieuses. Les piétons et les cyclistes doivent disposer de beaucoup plus d’espace et la voiture doit être repoussée beaucoup plus loin. C’est ce qui se fait dans les centres-villes historiques, notamment à Leipzig, mais la circulation automobile a-t-elle vraiment besoin de 4 à 8 voies tout autour de ce centre-ville ? Et une norme de 2×2 sur la plupart des radiales jusqu’à la banlieue ? C’est la pensée automobile du vingtième siècle ! On m’a dit que le fait de retirer une seule voie à la circulation automobile devant la gare centrale pour la peindre en vert pour les cyclistes était très controversé à Leipzig. Ce n’est pas un bon signe. Il y a un potentiel à Leipzig et une bonne base à partir de laquelle travailler, mais l’ambiance locale n’est toutefois pas optimale.
C’est pourquoi j’attends avec impatience le prochain congrès Velo-city qui se tiendra à Gand en 2024. C’est une ville qui a regardé ce que les autres ont fait et qui a dit : « Nous ne pouvons pas procéder comme ça, ça prendrait trop de temps et ça coûterait trop cher » et qui a ensuite trouvé des moyens de mettre en œuvre des changements radicaux rapidement et à un coût relativement faible.
Précision : j’ai payé l’intégralité des frais de participation aux congrès Velo-City de Nimègue en 2017 et de Dublin en 2019, mais j’ai assisté à celui-ci en tant que membre de la presse.