CO’Met rayonnante ou trou noir financier ?

C’est à l’équipe de France masculine de handball que revient l’immense honneur d’inaugurer l’arena du complexe CO’Met, cette grande salle polyvalente (10000 places assises) destinée à accueillir de grands événements sportifs ou culturels. L’article de Wikipédia consacré à cette équipe nous apprend que des surnoms lui ont été attribués au fil du temps et des ses spectaculaires succès en compétition : « les Bronzés (1992), les Barjots (1993-1996), les Costauds (2001-2008) et les Experts (2008-2017) ». Est-ce que certains de ces qualificatifs – ou même un seul – pourraient s’appliquer à l’équipe d’élu(e)s qui a soutenu ce pharaonique projet ?

Une ambition démesurée ?

Les médias locaux insistent sur le caractère « unique en France » du complexe tout-en-un qu’est CO’Met. C’est le cas par exemple de notre quotidien préféré dans un article très intéressant qui retrace tout l’historique de ce projet1 et qui rappelle la croissance ininterrompue de la douloureuse : de 110 M€ à l’été 2016 à 140 M€ aujourd’hui.

France Bleu Orléans de son côté écrit2 :

« Le coût final de COMet devrait dépasser les 160 millions d’euros, comme l’a révélé France Bleu Orléans. Ce chiffre devrait être officialisé le 26 janvier 2023, lors du prochain conseil métropolitain. C’est 60 millions de plus que le coût prévu au début du projet. Mais c’était le prix à payer pour trouver attirer un groupe capable de gérer COMet, il fallait proposer un outil complet et opérationnel. C’est GL Events, spécialiste de l’événementiel, qui a été choisi pour cela, à travers une délégation de service public, à travers sa filiale Orléans Events. »

Je pense que c’est inverser l’effet et la cause. Il est plus probable qu’Orléans Métropole a eu du mal à refourguer la gestion de son immense complexe à un prestataire et que la collectivité a dû concocter une délégation de service public aux petits oignons pour en amener un à signer. Non seulement le délégataire loue à prix d’ami ces équipements flambant neufs – 1,2 M€ par an – mais en plus la collectivité lui file 2,5 M€ par an pour d’obscures et fort discutables nécessités de service public3. Gain net : 1,3 M€ par an pour le délégataire avant même d’avoir organisé le moindre événement.

En conseil métropolitain on sort le chéquier

C’est lors du conseil métropolitain du 17 novembre 2022 que le sort du club de handball des Panthères de Fleury-les-Aubrais a été scellé après qu’un vote a refusé le versement d’une subvention exceptionnelle de 100 k€4. Et c’est lors des débats sur le vote ou non de cette subvention de la dernière chance que le président de la métropole a tenu les propos dont voici la transcription5 :

« Je termine simplement sur la subvention des 50 000. On peut toujours… donc euh pour la venue de l’équipe de France de hand, pour l’ouverture officielle de CO’Met. Bon, moi, on va avoir un équipement… un équipement qui effectivement doit contribuer au rayonnement… On le sait depuis le début que sur les évènements sportifs nous devrons mettre de l’argent parce qu’ils ne s’équilibrent pas. Et je peux vous dire que même, parce que c’est le cas aujourd’hui quand même, faut pas tout mélanger, aujourd’hui les réservations, les 10000 places, elles sont retenues. Sur CO’Met les 10000 places pour voir jouer l’équipe de France de hand, voilà. Et malgré le fait qu’il y ait 10000 spectateurs, de toute façon il faut que l’on contribue à une subvention supplémentaire. Là-dessus on a vu avec le département et la région qui chacun apporte 25000 et ils proposaient que la métro apporte 50000. Bon, moi si c’était 100000 d’économisés ça me ferait plaisir. Mais là aussi c’est quoi la solution ? Bah c’est de dire qu’on ne fait rien de CO’Met, on l’utilise pas ? Parce qu’à chaque fois, sur la question sport, pas sur la question événementielle (concerts etc.), mais sur la question sport on le sait depuis le début, qu’il faudra en remettre sur chaque manifestation. Et parmi les deux vocations fondamentales de CO’Met il y a le sport. Dès le début, avant même le début… eh bah on ne fait pas de sport à CO’Met… bon… vous conviendrez je pense avec moi que c’est quand même assez absurde. Voilà, je crois pas qu’on puisse comparer les deux choses [C. Chaillou fait la moue plein champs] parce que sinon on peut prendre n’importe quelle ligne budgétaire en disant là y a 50 ou 100 000 et puis on la réaffecte ailleurs. Et vous le savez les uns et les autres que c’est pas de cette manière-là qu’on construit, encore une fois, des budgets qui sont en plus… Bon, voilà mon sentiment. »

Permettez-moi d’extraire ce passage sidérant : « sur la question sport on le sait depuis le début, qu’il faudra en remettre sur chaque manifestation ». C’est quand même un gros problème si, quand l’arena fait le plein, l’équilibre financier n’est pas atteint du côté du délégataire – ou alors les billets ne sont pas vendus assez chers ? Que se passera-t-il quand un événement n’attirera que quelques milliers de spectateurs ? Mais ce n’est peut-être pas ça que le président de la métropole sous-entend. J’ai le sentiment qu’il dit que personne ne viendra à l’arena s’il n’est pas payé pour le faire. Et c’est bien ce qui ressort des vingt minutes d’échange qui ont eu lieu lors du conseil métropolitain suivant, le 15 décembre 2022, au moment de voter la subvention de 50 k€ évoquée par Serge Grouard ci-dessus6. Dans cette séquence on voit des élus d’opposition en demande de « transparence », et une majorité gênée aux entournures.

« Où va la billetterie ? » interroge Ludovic Bourreau tout en se demandant si des collectivités ont acheté des places pour le match. « Climat de suspicion » à dissiper analyse tranquillement l’élu de la majorité Luc Milliat. Thomas Renaut, pour la majorité toujours, lâche une petite bombe en expliquant que toutes les fédérations sportives demandent que les collectivités mettent la main à la poche pour se déplacer. Ce que Serge Grouard confirme (« elles ont toutes une exigence de financement ») en prenant longuement la parole. Beaucoup d’interrogations mais une seule certitude : le budget de la métropole va continuer à être sollicité. Le rayonnement métropolitain n’a pas de prix mais a un coût…

Et le vélo dans tout ça ?

Prudemment, Charles-Eric Lemaignen ne l’évoque pas dans son entretien d’avant-inauguration7 :

« À dix minutes en tram du cœur de la ville, on a un outil événementiel de très grande qualité. Il n’y a pas cela dans beaucoup d’endroits ! À Toulouse, il faut une heure pour aller du centre-ville au palais des congrès. À Clermont-Ferrand, qui est une ville plus comparable peut-être, il n’y a pas de liaison en transports en commun en site propre, et c’est à une demi-heure du cœur de la ville. »

Notre quotidien préféré donne en revanche la marche à suivre8 :

« Du centre-ville d’Orléans, comptez environ 25 minutes, à rythme tranquille. Empruntez la piste cyclable du pont Royal puis filez tout droit via l’avenue Dauphine (sans piste, pour le coup). Suivez les rails du tram et tournez à gauche rue des Montées, au niveau de la boulangerie Bécam et juste avant la RD2020.

Suivez la bande cyclable jusqu’au rond-point où vous prendrez la première à droite. Ça y est, il ne reste plus qu’à vous garer sur le grand parking vélo (non couvert) situé juste en face du nouvel arrêt de tram CO’Met. Il y a même des arceaux dédiés aux vélos cargos, plus longs et plus larges! Il y a aussi de nombreux arceaux le long de CO’Met, au niveau des différentes entrées de halls. »

On soulignera que ce n’est pas l’itinéraire imaginé par la métropole qui lui passe par l’arrière de CO’Met… depuis la piste Gaston Galloux avec une ouverture latérale pratiquée dans une rambarde. Travaux qui ont donné lieu à reprise :

La suite de l’itinéraire est composée de chaucidou et d’une piste qui devront faire l’objet d’un reportage plus complet. À l’arrivée un espace de stationnement pour 200 vélos :

C’est esthétiquement plus réussi devant le complexe où d’autres arceaux sont présents :

Sur un plan pratique c’est autre chose :

Faisons remarquer qu’il fut une époque à Orléans où sur de grands projets d’aménagements urbains on savait que proposer du stationnement vélo abrité des intempéries est pertinent9 :

Arceaux abrités au (petit) parking relais du pont de l’Europe (ligne B du tram).

Notes

  1. Maude Milekovic, « Retour sur la genèse de CO’Met, un équipement quatre en un « unique en France » », La République du Centre, 6 janvier 2023.
  2. Anne Oger, « Inauguration de COMet à Orléans : tout ce qu’il faut savoir sur ce nouvel équipement de la métropole », France Bleu Orléans, 6 janvier 2023.
  3. Il faudrait entrer dans le détail mais je ne souhaite pas assommer mon lecteur ou ma lectrice. Je renvoie à ce rapport de la Cour des comptes intitulé Les délégations de service public dans les Hauts-de-France publié en 2022 dont l’une des deux recommandations est :

    « conformément à l’article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, définir la nature des sujétions de service public, le mode de calcul des compensations financières que les délégants accordent en contrepartie de celles-ci aux délégataires et les conditions de leur versement au regard de l’exécution du contrat. »
  4. Camille Verkest, « Le Fleury Loiret Handball en liquidation judiciaire, la fin d’un monument du handball féminin français », France 3 Centre Val de Loire, 1er décembre 2022.
  5. J’ai calé la vidéo au début de l’intervention.
  6. J’ai calé la vidéo du conseil au début de l’échange.
  7. Maude Milekovic, « Charles-Éric Lemaignen : « On peut être très fiers de CO’Met, c’est un équipement fabuleux ! » », La République du Centre, 6 janvier 2023.
  8. Nicolas Bontron, « Comment se rendre au CO’Met d’Orléans, ce samedi, pour assister au match de hand des Bleus, où 10.000 spectateurs sont attendus », La République du Centre, 5 janvier 2023.
  9. La question du stationnement vélo a été traitée par dessus la jambe dans d’autres projets orléanais coûteux ces dernières années, comme L’O et le MOBE.

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3 réponses

  1. marmotte27 dit :

    Les arceaux angulaires dans l’avant dernière image : bonjour les bosses dans le cadre, la peinture niquée etc.

    Arceau : un simple U renversé en tube rond, 1 m de hauteur, scellé dans le sol, placé et espacé de sorte que l’on puis y accrocher avec un antivol en U à travers cadre et roue avant de chaque côté un vélo, même chargé.

    • Bien vu pour les angles. C’est joli mais pas optimal en effet.

    • janpeire dit :

      Ces arceaux carrés sont jolis de loin, mais inutilisables avec un « u étroit », le but de la démonstration photographique.
      En effet, je n’avais pas fait attention à l’aspect « bosses & rayures ».
      Plus loin sur ce même site, il y a une armée d’arceaux ronds. J’ai bien peur qu’une partie de ce même parc ne soit même pas pensée pour les nouveaux vélo du type vélo-charette, vélo-long…
      À la station de tramway adjacente, il y a des arceaux carrés, utilisables.

      Cependant, nous sommes bien d’accord que un simple (trop simple pour les décideurs) arceau en tube rond est efficace.

      JPB

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