Des pistes cyclables uni ou bidirectionnelles ? That is the question — par The Ranty Highwayman

Bien sûr j’aurais pu essayer de traiter le sujet moi-même en prenant des exemples orléano-orléanais mais je ne suis pas pleinement qualifié pour le faire et de l’autre côté de la Manche se trouve un sympathique certified blogueur qui s’est tapé le boulot… And you know, I’m a lazy frog! 🐸
Voici la traduction de « Got Any Salmon? Sorted. » publié le 10 juillet 2021 sur The Ranty Highwayman.

Faut-il construire des pistes cyclables à sens unique ou à double sens ? Faut-il seulement construire des pistes cyclables ? C’est le genre de questions délicates qui suscitent de nombreuses opinions, mais pour lesquelles il n’existe pas toujours de réponse claire. Cela dit, j’ai ma petite idée sur le sujet.

Mon propre point de départ repose sur deux points de vue qui, à mon avis, constituent des règles empiriques raisonnablement pratiques :

  • Les pistes à sens unique doivent être utilisées dans les rues.
  • Les pistes à double sens doivent être utilisées sur les routes.

D’accord, il y a des subtilités dans les définitions de route et rue. Il faut aussi au préalable préciser ce qu’on entend par réseau routier, car je pense que la plupart des gens comprennent aisément qu’au départ on ne dispose d’aucune piste cyclable.

La photo ci-dessus est un exemple de la situation de base en matière d’aménagement cyclable – aucun. Les rues devraient être exemptes de trafic automobile au point que tout le monde puisse les utiliser pour faire du vélo sur la chaussée. Si on y parvient, on aura résolu une partie importante du développement d’un réseau cyclable, car de nombreux déplacements à vélo commencent et se terminent là où les gens vivent.

Le fait de permettre aux cyclistes de circuler sur la chaussée est évidemment une solution bon marché, mais surtout, cela permet d’éviter l’encombrement que les pistes cyclables peuvent apporter au paysage visuellement comme physiquement, même si les pistes cyclables et la plupart des encombrements sont dus à la circulation automobile. Les rues tranquilles permettent toujours l’accès par véhicule motorisé pour ceux qui en ont besoin, mais au fil du temps, on a toutes sortes d’occasions de réaffecter l’espace à d’autres fins.

Francis Road, Waltham Forest. Il n’y a pas de pistes cyclables ici, mais un faible trafic signifie plus d’espace pour les gens.

Arriver à ce point est évidemment un défi en soi et c’est pourquoi les Low Traffic Neighbourhoods occupent une place si importante dans la planification et la conception des réseaux – ils sont essentiels1. Cependant, on sait que certaines rues, et certainement certaines routes, supporteront un trafic automobile trop important pour que la plupart des gens se sentent en sécurité. On a donc toujours besoin de pistes cyclables.
L’autre chose à dire est qu’on pourrait avoir besoin de pistes cyclables dans des endroits qui, si le monde était raisonnable, s’en passeraient, mais jusqu’à ce qu’on domestique ces lieux, les pistes cyclables sont importantes pour que les gens y fassent du vélo. Un bon exemple est Kent Street à Birmingham (ci-dessous). Il devrait s’agir d’une rue à faible trafic sans pistes cyclables, mais actuellement, elle permet de relier le centre-ville à l’itinéraire cyclable A38.

Il y a beaucoup de développement en cours dans la ville et donc, à terme, ces anciennes rues industrielles et commerciales deviendront plus résidentielles, la circulation des poids lourds devrait cesser et la protection ne devrait plus être pertinente si les bonnes décisions sont prises.
J’aimerais pouvoir me rappeler où j’ai lu cela, mais je suis sûr d’avoir lu qu’environ 80% des rues néerlandaises n’ont pas de pistes cyclables et si vous avez déjà fouiné dans le pays en personne ou sur Google Streetview, vous pouvez voir pourquoi. En fait, comme au Royaume-Uni, les Néerlandais ont beaucoup de centres-villes très anciens dans lesquels il serait difficile d’installer des pistes cyclables, c’est simplement que les voitures ont été éliminées, ce qui les rend inutiles.

La vieille ville d’Utrecht. Il n’y a pas de place pour des pistes cyclables ici, mais il n’y a pas de place pour beaucoup de motorisés, alors ce n’est pas grave !

D’accord, à un moment donné, on a besoin de pistes cyclables, même si j’ai jusqu’ici rejeté leur utilisation et les ai qualifiées d’aménagements pour automobilistes (ce qu’elles sont). Sens unique ou double sens ? Pour la plupart des applications urbaines sur les routes de type distibuteur (qui relient les rues d’accès local aux routes principales), je souhaite voir des pistes cyclables à sens unique. La principale raison en est la façon dont on traite les carrefours qui ne sont pas contrôlés par des feux de circulation, notamment les rues secondaires.
On se dit que dans la mesure où les automobilistes ont reçu une formation et que la grande majorité d’entre eux pensent qu’ils sont meilleurs que la moyenne, ils devraient sûrement être capables de gérer les cyclistes dans les rues secondaires. Sauf qu’ils n’y arrivent pas. Il s’agit à la fois d’un problème de conception et d’un problème psychologique : les conducteurs qui entrent dans une rue latérale ou qui y circulent ne s’attendent pas à la présence d’une personne à vélo ou ne la voient pas.

Du point de vue d’un automobiiste, vous vous attendez à voir des véhicules venant de la droite lorsque vous atteignez le carrefour.

Du point de vue de la conduite automobile, le fait de sortir d’une route secondaire vous place dans une position où vous vous attendez à ce que les automobilistes viennent de la droite. S’il y a une piste cyclable évidente, il est plus facile de s’attendre à ce que quelqu’un y circule à vélo. Dans le cas d’une circulation à double sens, un automobiliste ne s’attend pas nécessairement à ce que des personnes surgissent à vélo depuis la gauche. Vous aurez bien sûr compris que les piétons viendront aussi de la gauche, mais ils ne se déplacent pas à la vitesse du vélo, ce qui atténue quelque peu le problème.
Cela me fait toujours penser à une histoire que Brian Deegan, un collègue, raconte à propos de son projet Royal College Street à Camden, à Londres. La rue (à sens unique) comportait une piste cyclable à double sens sur son côté est et il y avait un problème de collisions entre conducteurs et cyclistes au débouché des rues adjacentes. Comme il s’agit d’une rue à sens unique, les automobilistes n’avaient pas à s’inquiéter de la circulation automobile venant de la droite, et regarder à droite n’était donc pas une priorité2.
Au fil des ans, des avertissement destinés aux automobilistes dans les rues secondaires ont été ajoutées, laissant un patchwork de revêtements de couleurs vives soutenus par de nombreux panneaux de signalisation, y compris des signaux orange clignotants avertissant les automobilistes de la présence de la piste cyclable. L’image ci-dessous est celle de Pratt Street en juillet 2008, en regardant vers Royal College Street.

Malgré l’argent dépensé pour tout ce bazar, le problème de collision a persisté et finalement, le tracé a été modifié pour placer des pistes cyclables unidirectionnelles de chaque côté de la rue en utilisant des jardinières et des places de stationnement. Cela a permis de résoudre le principal problème de collision (ci-dessous).

Malheureusement, les jardinières ont fini par être défoncées par les conducteurs et ont depuis été remplacées par des bordures.
Bien sûr, cette approche n’exclut pas les mouvements de crochet à gauche et à droite des conducteurs qui tournent depuis la route principale, mais là encore, le trafic cycliste viendra de la direction « attendue ». Hills Road à Cambridge (ci-dessous), a des pistes cyclables à sens unique et, bien qu’il s’agisse d’une route principale (A1307), il y a beaucoup de rues secondaires et d’accès privés, ce qui fait des pistes cyclables unidirectionnelles un choix approprié dans ces conditions.

L’autre avantage des pistes cyclables unidirectionnelles dans les zones urbaines est que les personnes qui accèdent aux locaux et en sortent n’ont pas à traverser la route pour accéder ou quitter immédiatement la piste cyclable. Cependant, cela signifie également que des traversées régulières de la route sont nécessaires, sinon les gens vont simplement rouler dans le « mauvais » sens, ce que l’on appelle affectueusement « faire le saumon ».
Au Royaume-Uni, toutes les pistes cyclables sont légalement à double sens, sauf si elles sont modifiées par un arrêté de circulation et, franchement, de nombreuses autorités routières ne prennent pas la peine d’établir un tel arrêté, soit parce qu’elles n’en sont pas conscientes, soit parce qu’elles ne savent pas comment le signer ! Le « saumonage » est donc, à mon avis, davantage un problème de conception qu’un problème juridique.

Pour les personnes qui traversent, les pistes cyclables à sens unique offrent plus de confort car elles n’ont à faire face qu’à un seul sens de circulation, ce qui est utile dans les endroits exigus où les gens traversent de manière opportuniste depuis la piste cyclable ou s’ils traversent pour accéder à un arrêt de bus (ci-dessus) ; c’est vite négocié.

Par exemple, ce croisement (ci-dessus) sur Lea Bridge Road à Waltham Forest permet aux personnes de traverser facilement la route pour rejoindre l’autre piste cyclable unidirectionnelle en face.
Les pistes cyclables bidirectionnelles (de par leur conception) sont préférables pour les très grandes routes urbaines ou les situations rurales, car le croisement opportuniste sera beaucoup plus difficile et ne sera probablement possible qu’aux carrefours à feux.

La photo ci-dessus représente Vondellaan à Utrecht, qui comporte un tronçon de route à double sens avec une piste cyclable unidirectionnelle du côté nord et une piste cyclable bidirectionnelle du côté sud. Je ne connais pas toute l’histoire, mais cette disposition permet aux personnes venant du nord et souhaitant se diriger vers l’est de ne pas avoir à traverser la route.
Elle longe la voie ferrée et offre donc essentiellement un itinéraire aux personnes venant du nord dans la partie ancienne de la ville, où il n’y avait pas de place pour les pistes cyclables. À l’est, la piste cyclable à double sens pénètre dans une grande zone résidentielle et constitue un itinéraire direct à l’écart de la circulation. La conception est une réponse à la situation locale et vise davantage à isoler les réseaux de cyclistes et d’automobilistes.

Ci-dessus, une piste cyclable à double sens dans Burgemeester de Meesterstraat à Harderwijk. Encore une fois, je ne sais pas pourquoi une piste cyclable à double sens a été mise en place, mais elle n’est que d’un seul côté de la route, donc c’était peut-être une question de place disponible. Il y a un développement résidentiel sur le côté est et donc les gens doivent traverser la route pour l’atteindre. Il n’y a pas de développement sur le côté ouest, mais il y a un terrain prêt à être construit.
Le développement résidentiel existant semble être là depuis un certain temps et l’ajout de la piste cyclable est relativement récent (2016) lorsque les bâtiments du côté ouest ont été démolis, donc je pense que c’était probablement une conséquence de l’espace disponible et du réaménagement progressif.
Au Royaume-Uni, les pistes cyclables bidirectionnelles ont été assez populaires ces dernières années. Par exemple, les pistes cyclables C3 et C6 (ci-dessous) dans le centre de Londres ont de grandes sections à double sens qui ont, dans une certaine mesure, fonctionné de manière pendulaire, ce qui est efficace en termes d’espace et a minimisé l’espace pris sur les voies de circulation générale.

Elles sont également plus faciles à faire passer dans les carrefours contrôlés par des feux de signalisation, comme on peut le voir ci-dessous sur le C3 de Lower Thames Street à Fish Street Hill, où il est interdit de tourner à droite pour la circulation générale quittant la route principale.

Dans ce genre de situation, la route principale peut fonctionner sur un feu vert en même temps que la piste cyclable, ce qui simplifie le fonctionnement du carrefour. Les pistes bidirectionnelles nécessitent également moins de travaux de construction (en général) que deux pistes à sens unique et lorsque les bordures sont payées au mètre, les économies sont substantielles.
Ce sont également les choix préférés le long des fleuves et des fronts de mer, comme Marine Parade, Great Yarmouth (ci-dessous), en raison de l’absence générale de routes secondaires très fréquentées dont il faut tenir compte. Bien sûr, l’accès aux attractions de l’autre côté de la rue est difficile.

Il y a aussi la question du déploiement rapide, une question qui nous préoccupe depuis environ un an. Dans une rue large, une piste cyclable bidirectionnelle peut très facilement être déployée3, même si des travaux sont nécessaires aux carrefours, aux rues secondaires et aux éléments du trottoir tels que les arrêts de bus. La rue Bradford à Birmingham (ci-dessous) a été rapidement déployée, mais n’était pas très bien adaptée aux arrêts de bus (bien qu’elle soit en cours de réaménagement).

Lorsque le choix s’est porté sur des pistes urbaines à double sens d’un côté de la rue, le risque dans les rues secondaires peut être atténué en prévoyant un sas pour les conducteurs afin qu’ils puissent aborder la traversée de la piste cyclable sans avoir à s’inquiéter de s’arrêter au milieu de la route, comme à St Georges Road à Lambeth (ci-dessous) et en interdisant certaines bifurcations.

En milieu rural (entre deux localités), une seule piste cyclable bidirectionnnelle sur un côté de la route suffit car il s’agit moins d’une question de capacité que d’utilité et de liaison entre communes. Dans la plupart des cas, il y aura très peu de piétons et les pistes à usage partagé sont donc appropriées, comme sur l’île de Fanø au Danemark (ci-dessous).

Bien sûr, il peut s’agir de petites agglomérations où quelques personnes peuvent prendre le bus et où un espace d’attente en dehors de la piste cyclable peut être utile (voir ci-dessous) près d’Amsterdam (bien qu’un espace plus large avec un siège et un abri serait plus utile !).

Mais au fait, existe-t-il des directives officielles ? Le document LTN1/20 – Cycle Infrastructure Design fournit une aide à partir de la section 6.2.15 et comprend un tableau pratique (6.2) résumant les problèmes et les possibilités que présentent les pistes cyclables bidirectionnelles (reproduit ci-dessous).

On doit donc réfléchir au type de rue ou de route, à ce qui se passe sur le réseau routier au sens large (pour la circulation générale autant que pour les vélos) et à des considérations de complexité et de coût. J’espère que cet exposé vous aidera à comprendre et peut-être à remettre en question certaines des décisions prises là où vous vous trouvez.


Crédit photo de couverture : IIya Kuzhekin, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons

Notes

  1. On peut ajouter incidemment que ces « quartiers apaisés » divisent le nombre de blessés d’accidents de la route par deux. Voir « Low-traffic schemes halve number of road injuries, study shows », The Guardian, 23 juillet 2021. NdT
  2. Il faut évidemment inverser les sens droite/gauche pour coller à la réalité française (continentale, devrais-je dire !). Un bon exemple orléanais nous est fourni par le double-sens cyclable de la rue des Murlins. Un automobiliste arrivant par l’ouest de la rue Caban regardera à droite mais oubliera trop souvent de regarder à gauche la bande du double-sens cyclable. NdT
  3. Un exemple tout récent à Olivet sur Twitter. NdT

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