Quand une rue n’a plus besoin de pistes cyclables : l’exemple de Nachtegaalstraat à Utrecht — par Bicycle Dutch
Quand une ville a réussi à renverser le paradigme de la mobilité, on aboutit à la vélorue dans une version qui fonctionne vraiment comme l’expose Mark Wagenbuur.
Voici la traduction de « When does a street no longer require protected cycleways? » publié le 14 juillet 2021 sur Bicycle Dutch.
Il est difficile de suivre tous les récents changements d’aménagements à Utrecht. Ces changements sont également de plus en plus difficiles à expliquer à un public étranger. L’un des derniers réaménagements implique la suppression de pistes cyclables protégées dans une rue commerçante du centre-ville. Et pourtant, dans cette rue-là, avec les types de trafic et les volumes qu’elle connaît, cette mesure est largement considérée comme une amélioration pour le vélo. Il peut sembler contre-intuitif de supprimer un aménagement cyclable dédié afin d’améliorer la situation des personnes qui se déplacent à vélo. Mais aux Pays-Bas, un nouveau point de basculement a été atteint à certains endroits spécifiques où c’est en effet la bonne chose à faire.
Ce projet est situé juste à l’est du centre historique d’Utrecht. Dans une partie de la ville où la marche et le vélo sont considérés comme plus importants que l’automobilisme. Le projet est lié aux récentes requalifications de Maliesingel partie 1 et partie 2, le Malieblad que j’ai montré il y a juste 2 semaines et il est également lié au changement à venir de Maliebaan. Tous ces réaménagements favorisent les personnes qui se déplacent à pied ou à vélo plutôt que celles qui choisissent de conduire une voiture.
Nachtegaalstraat à Utrecht ne fait que 300 mètres de long. Sa requalification est la première partie d’un double projet (avec Burgemeester Reigerstraat) visant à améliorer un autre tronçon de l’itinéraire cyclable principal qui relie la gare centrale d’Utrecht au campus universitaire. C’est une rue est très ancienne. C’est l’une des premières rues à avoir été construites en dehors de la ville fortifiée. Elle doit son nom à une petite auberge appelée « De Nachtegaal » (le rossignol). L’auberge datait du 17e siècle. Elle a existé jusqu’à ce que la rue soit élargie d’environ 10 mètres au début du 20e siècle. Entre 1905 et 1913, la ville a acquis tous les bâtiments situés sur le côté nord de la rue. Ils ont ensuite été démolis pour élargir la rue afin de donner plus d’espace au « trafic moderne ».
La largeur de Nachtegaalstraat a ainsi été portée à environ 18 mètres. C’est la largeur qu’elle a encore aujourd’hui. Dans la première moitié du XXe siècle, une ligne de tramway traversait cette rue, mais après la Seconde Guerre mondiale, elle a été remplacée par une ligne de bus. À partir des années 1960, le trafic automobile a commencé à croître de manière exponentielle aux Pays-Bas. Comme dans la plupart des régions des Pays-Bas, cela a conduit à une situation dangereuse pour les cyclistes. Au début des années 1990, la rue s’est dotée de pistes cyclables séparées pour mieux protéger les cyclistes. Dans la sécurité de ces pistes cyclables protégées, le vélo pouvait vraiment se développer et, comme il s’agit d’un itinéraire important vers l’université, environ 18 000 personnes pédalaient dans cette rue en moyenne par jour ouvrable (avant la pandémie). Ces dernières années, le trafic automobile n’a cessé de diminuer dans le centre d’Utrecht. Grâce à des mesures délibérées telles que la création de parkings autour du centre et la difficulté pour le trafic de transit d’utiliser les rues du centre-ville. Cela signifie que « seulement » 4 000 véhicules à moteur environ empruntent encore cette rue un jour ouvrable moyen. Ces chiffres n’ont pas été pris en compte dans l’attribution de l’espace disponible. Le trafic motorisé s’est vu attribuer la majeure partie de l’espace. Pour les piétons, en particulier, il n’y avait que peu d’espace dans une rue commerçante aussi importante. Les pistes cyclables étroites n’ont pas été conçues pour 18 000 vélos par jour. De plus, la ville a désigné cette zone comme la partie de la ville où la marche et le vélo sont les deux principaux modes de transport et cela signifiait que quelque chose devait être fait au niveau de la conception de la rue. De même que dans un certain nombre de rues voisines, qui ont été modifiées récemment ou qui le seront bientôt.
Le conseil municipal a lancé le projet menant à la requalification en décembre 2016. Il a fallu consulter de nombreux types d’acteurs différents. En premier lieu, les riverains et les commerçants de la rue. Selon le conseil, ils ont plus de « droits » sur la rue que les personnes qui ne l’utilisent que pour y circuler en voiture. D’autres parties prenantes étaient le Fietsersbond et aussi l’association d’un certain nombre d’organisations qui protègent les intérêts des personnes handicapées. La consultation a conduit à un certain nombre de petits ajustements aux plans initiaux du conseil, mais l’idée générale de transformer la rue en une vélorue où les voitures sont considérées comme invitées a été adoptée par toutes les parties prenantes. Le budget pour la requalification de Nachtegaalstraat et de Burgemeester Reigerstraat était de 5,5 millions d’euros.
Nachtegaalstraat a été en chantier entre janvier et mai 2021. La rue est presque terminée, il ne reste plus que quelques derniers détails à régler. Un certain nombre d’arbres dans des caisses seront placés, les endroits où les vélos ne doivent pas être stationnés seront plus clairs et des clous métalliques dans le sol indiqueront où il est permis de placer des terrasses.
La deuxième partie de ce double projet débutera à l’automne 2021 : la requalification de Burgemeester Reigerstraat.
Qu’est-ce qui a été changé dans Nachtegaalstraat ? La ville l’a expliqué avant les travaux sur un site Web en plusieurs points. En voici une traduction :
- La voiture, le bus et le vélo partageront la chaussée. Le cycliste devient le principal utilisateur.
- Les piétons bénéficient de plus d’espace en supprimant autant que possible les obstacles sur les trottoirs et en créant des trottoirs plus larges.
- Il y aura plus de places de stationnement pour les vélos. Dans Nachtegaalstraat, nous passons de plus de 200 supports de stationnement à plus de 300 places.
- Les livraisons auront lieu pendant les créneaux horaires qui s’appliquent aux deux rues (07h00 – 16h00). Il y a plus de temps le matin pour les livraisons et moins l’après-midi, de sorte qu’il y a plus de place pour la circulation (vélo) aux heures de pointe.
- Des cafés en plein air, de la verdure, des parkings pour les vélos et des aires de stationnement pour les livraisons seront placés sur une bande directement à côté de la chaussée, des deux côtés de la rue.
- Il y aura deux fois plus d’arbres et plus de verdure. Nous prenons des mesures pour permettre à l’eau de pluie de mieux s’infiltrer dans le sol (par exemple grâce à des zones arborées plus grandes, des zones de plantation et des pavés).
- Il y aura de meilleurs endroits pour traverser la rue en tant que piéton.
- La vitesse maximale sera de 30 km/h dans les deux rues, avec quelques plateaux surélevés pour ralentir la vitesse.
- Il y aura moins de places de stationnement pour les voitures (un total de 7 places dans les deux rues combinées). Le stationnement est possible à partir de 16h sur la plupart des aires de livraison.
Vous pouvez voir à quoi ressemblent tous ces changements dans mes vidéos. Je pense que le projet est un succès, même s’il serait bon de préciser plus clairement les endroits où les vélos ne peuvent pas être stationnés. L’une des aires de livraison devant un supermarché était occupée par des vélos et, de ce fait, les véhicules de livraison étaient garés sur la chaussée. Ce n’est pas comme cela que cela doit se passer. Il serait également bon qu’on sanctionne les conducteurs désinvoltes. Parfois, ils stationnent leur véhicule sur la chaussée alors qu’une place est disponible à quelques mètres de l’endroit où ils se sont garés. Il serait également bon de voir plus d’arbres et de verdure qu’il n’y en avait lorsque j’ai filmé. J’ai vraiment aimé toutes les fleurs suspendues et l’atmosphère générale de la rue réaménagée, car cela a complètement changé. J’ai hâte de voir la prochaine partie de ce projet et de voir comment Maliebaan va changer.