Aux Pays-Bas, beaucoup de livraisons de repas à vélo pendant la pandémie — par Bicycle Dutch
La première fois qu’à titre personnel j’ai aperçu de manière visible le phénomène de livraison de repas à vélo c’était à Bordeaux il y a trois ans. L’entreprise Deliveroo, dont il est question dans le texte de Mark Wagenbuur, a débarqué à Orléans en novembre 20171. L’enseigne néerlandaise Takeaway, de son côté, a quitté la France début 2018. Et dans notre pays, hélas, le vélo est très souvent remplacé par le scooter, en toute illégalité.
Voici la traduction de « More food deliveries by bicycle in the Corona crisis » publié le 27 mai 2020 sur Bicycle Dutch.
C’est sans doute l’ambiance de nos rues qui a le plus changé pendant cette pandémie. Hélas, le clair ciel bleu des débuts du confinement a perdu de sa clarté depuis que les gens recommencent à utiliser davantage leurs voitures. Cependant les rues sont encore très calmes. À l’étranger la presse a eu tendance à faire croire que les Pays-Bas n’avaient pas mis en place de confinement mais ce n’est pas vrai. Une grande partie de notre société était à l’arrêt et bien que nous puissions à nouveau aller chez le coiffeur, théâtres, cinémas et restaurants restent fermés. Cela rend l’ambiance des rues très particulière le soir.
Petit à petit tout rédémarre après le soi-disant « confinement intelligent ». Les écoles élémentaires ont partiellement réouvert. Les kinés, les coiffeurs comme mentionné précédemment et d’autres professions qui supposent un contact physique ont repris leur activité il y a quinze jours. Le 1er juin à midi les bars et restaurants pourront réouvrir. Ce qui fera une grosse différence puisque les gens auront à nouveau une raison de sortir dans les rues. Jusqu’à présent, les restaurants ne pouvaient que proposer de la vente à emporter. J’ai grandi dans une société où on se contentait d’aller chercher soi-même de la nourriture chinoise ou des frites (nous n’avions guère plus de choix), mais manifestement je ne suis plus du tout à la page : de nos jours les consommateurs se font livrer leur nourriture. Et il apparaît que la majorité de ces livraisons se font à vélo. Tous les soirs lors des dernières semaines la ville fourmillait de livreurs ! Dans des rues habituellement tranquilles, une telle augmentation de la circulation de livreurs, filles ou garçons, était vraiment frappante. J’ai entrepris de documenter ce phénomène dans une vidéo. J’ai bien observé une ou deux personnes qui, comme moi, allaient elles-mêmes chercher leur repas pour le ramener chez elles. L’un de ces personnes apparaît dans la vidéo.
L’immense majorité des livraisons ici à Bois-le-Duc sont le fait d’une entreprise qui a fait de la couleur orange son signe distinctif. Et de fait, ce ne pouvait être qu’une entreprise néerlandaise, qui est aussi active dans d’autres pays. Son nom en anglais est takeaway.com (« à emporter ») mais, et c’est amusant, le nom originel en néerlandais signifie exactement l’inverse : « livré à domicile » (Thuisbezorgd.nl). Son concurrent direct est Deliveroo. La principale différence réside dans le fait que les livreurs de Deliveroo utilisent leur propre vélo tandis que les livreurs de Takeaway utilisent tous un VAE fourni par l’enseigne. Apparemment ce sont des motivations personnelles qui poussent les livreurs à préférer travailler pour telle ou telle entreprise. Ces deux entreprises transportent les repas dans des sac-à-dos isothermes et travaillent pour plusieurs restaurants indépendants. Uber Eats travaille aussi de la même façon mais n’opère pas dans cette zone. Certains restaurants disposent de leur propre service de livraison. On peut citer New York Pizza (une franchise néerlandaise), Kings of Wok, Domino’s Pizza et Subway. Tous ces restaurants utilisent des vélos équipés de caisses à l’avant, à l’arrière, ou les deux combinées.
La livraison de repas à vélo peut sembler une bonne idée mais cette activité a aussi des aspects négatifs. Les restaurants paient cher pour proposer ce service et d’un autre côté les livreurs ne touchent pas grand chose2. Il y a eu aussi débat sur la sécurité des livreurs après la mort d’un garçon de 15 ans à Utrecht. Au lieu de souligner l’état d’ivresse du conducteur et son excès de vitesse, la presse s’est focalisée sur le comportement du livreur. (en cas d’accident, les réactions néerlandaises ne sont hélas pas différentes du reste du monde. Le victim blaming est la réaction la plus courante ici aussi.) Le garçon travaillait à une heure non autorisée ; à l’âge de 15 ans on ne peut pas légalement travailler avant 7 h et après 19 h. L’inspection du travail souhaiterait que l’âge minimum pour travailler dans la livraison à vélo soit porté à 16 ans parce qu’elle estime que circuler avec une cargaison est trop dangereux pour les enfants. Une majorité de parlementaires semble d’accord mais le ministre adjoint ne compte pas changer la législation pour le moment. Toutes les organisations représentant la jeunesse ne sont pas d’accord non plus. Certaines entreprises fixent déjà l’âge minimum à 16 ans (c’est le cas de la plus importante, Takeaway). La plupart des livreurs sont employés par l’entreprise et bénéficient en général du salaire minimum. Seuls Deliveroo et Uber Eats font appel à des « auto-entrepreneurs » qui ne touchent pas un salaire. À la suite d’une procédure judiciaire lancée par des syndicats, cette pratique a été jugée illégale aux Pays-Bas. Mais Deliveroo a fait appel de cette décision et continue de procéder ainsi. On ne connait donc pas encore la fin de l’histoire. Les politiques continuent de s’intéresser au sujet pour s’assurer que les livreurs sont bien traités et peuvent accomplir leurs tâches en toute sécurité. La plupart semblent heureux de se faire un peu d’argent. En matière d’environnement urbain, l’utilisation du vélo est bien plus agréable que celle de camionnettes comme on peut le constater dans la vidéo.
Notes
- « Deliveroo débarque à Orléans », La République du Centre, 6 novembre 2017.
- Illustration orléanaise de la chose dans La République du Centre : « Les livraisons via Uber ou Deliveroo sont restées autorisées, mais les plateformes captent 30 % du prix de la commande. C’est elles qui profitent de la situation. Leurs livreurs, je ne sais même pas. » commente Eric du restaurant Tex Mex. NdT