Tapé à la machine (épisode 2) — Kent Peterson sur le vélo à pignon fixe et le monovitesse

En janvier 2022, à l’occasion du cinquième anniversaire de ce blog, j’écrivais que j’avais bien envie de proposer un nouveau florilège des textes littéralement tapés à la machine de Kent Peterson1 et que, je cite, « j’ai repéré quelques textes cyclamicaux qui feront l’objet d’une traduction un peu plus tard ». Procrastination habituelle aidant, ce « un peu plus tard » s’est transformé en deux ans plus tard. Et les textes en question sont de nouveaux textes désormais publiés, toujours quotidiennement, sur sur son propre site Seldom Speedy (littéralement « rarement rapide ») par l’auteur. Les trois premiers textes traitent de la pratique du vélo à une seule vitesse (à roue libre ou à pignon fixe)2. Ils peuvent être lus indépendamment car ils font parfois référence aux mêmes événements et développent globalement les mêmes idées. Faites votre choix. Le dernier, qui est aussi le plus récent, est l’occasion de donner des nouvelles du vélo pliant que Kent Peterson s’était fabriqué lorsqu’il travaillait chez Bike Friday et d’une petite réflexion sur l’assistance électrique3.

Plus rapide sur un fixie

Maintenant que je dispose à nouveau d’un vélo à pignon fixe, je me suis replongé dans les archives de mon ancien blog sur le vélo, j’ai revu quelques vieux vélos que j’avais construits et j’ai lu des choses que j’avais écrites au début des années 2000. Un commentaire sur l’un de mes articles de 2005 m’a fait sourire. Le commentateur a écrit : « Quand on a mon âge, Kent (62 ans), le pignon fixe, c’est quelque chose de spécial ! Je pense que je vais m’en tenir au dérailleur ». Eh bien, j’ai maintenant 63 ans et je suis toujours d’accord avec Sheldon Brown pour dire que « passer les vitesses est une habitude pernicieuse ». Ou, comme je le disais en plaisantant à mes amis randonneurs, « le dérailleur vous rend faible ».

Mon ami Mark Vande Kamp a remarqué que, dans l’ensemble, c’est sur un vélo à pignon fixe que je suis le plus rapide. Même si la rapidité n’est pas l’objectif, c’est une observation intéressante. Mon ami Jan Heine a également remarqué à juste titre que lorsque les dérailleurs ont été introduits dans le Tour de France4, les vitesses moyennes ont augmenté de manière significative. J’ai une théorie qui réconcilie ces deux faits et la voici :

  • Les coureurs utilisent des vitesses pour aller plus vite
  • Je ne suis pas un coureur
  • Je suis paresseux
  • J’utilise les vitesses pour aller moins vite (je passe à une vitesse plus facile pour monter).
  • Le pignon fixe ne change pas de vitesse (ou ne permet pas la roue libre)
  • Le pignon fixe m’oblige à être fort dans les montées et à tourner rapidement dans les descentes.
  • Parce que le vélo en fait moins, je dois en faire plus.

Je ne m’entraîne pas, je roule. Pour ma pratique, un vélo à pignon fixe est parfait.

En parcourant mes anciens bilans de course, j’ai trouvé de nombreuses preuves à l’appui de l’affirmation selon laquelle je suis personnellement plus rapide sur un vélo à pignon fixe. Par exemple, en 1982, j’avais 23 ans et j’ai roulé sur mon Trek Team Pro avec 12 vitesses et roue libre de Cloquet, Minnesota à Crescent City, Californie en 21 jours. La distance est de 2151 miles, donc ma moyenne était d’environ 102 miles par jour. Vingt ans plus tard, en 2022, j’avais 43 ans et j’ai roulé sur mon Eddy Merckx à pignon fixe sans roue libre d’Issaquah, Washington à Cloquet, Minnesota en 11 jours. La distance est de 1835 miles, donc ma moyenne était d’environ 159 miles par jour. Certes, j’étais plus expérimenté et les vents d’ouest dominants m’ont un peu aidé, mais je suis plus rapide sur les vélos à pignon fixe parce que ce type de vélo a une certaine vitesse qu’il veut atteindre.

Les avantages du fixie

Au fil des ans, j’ai possédé, conduit et construit un large éventail de vélos, mais le type de vélo que j’ai probablement le plus utilisé est le vélo à pignon fixe (fixie). Un vélo à pignon fixe a un seul rapport de vitesse et n’a pas de roue libre. Les cyclistes à pignon fixe ont tendance à être enthousiastes à propos de leur machine et à faire des déclarations zen sur le « caractère unique » du fixie. Sur cette page, je vais tenter de démystifier l’expérience et d’expliquer ce que j’ai trouvé être le véritable avantage du vélo à pignon fixe.

Si l’impossibilité de rouler en roue libre peut sembler un inconvénient, le fait que le mouvement des roues soit directement lié au mouvement des pédales signifie que le mouvement vers l’avant du vélo pousse les pieds du cycliste à travers le point mort du pédalage (lorsque les manivelles sont verticales). La roue du vélo agit littéralement comme un volant d’inertie, ce que j’ai clairement remarqué lorsque j’ai construit un vélo pliant à pignon fixe avec des roues de 16 pouces. Ce vélo à petites roues n’avait pas autant de « magie » qu’un fixie avec des roues de 27 pouces ou en 700c.

La transmission directe est, bien sûr, plus efficace, avec moins de points de friction sur la chaîne et une ligne de chaîne parfaitement droite. Mais le rapport fixe signifie également que le vélo a une certaine vitesse à laquelle il « veut aller ». Ce n’est pas seulement une fonction du vélo, c’est le résultat du vélo et du cycliste. Nous avons tous une sorte de rythme naturel, pensez à votre vitesse de marche naturelle sur terrain plat par exemple. Pour moi, c’est environ 3 miles par heure. Et sur un vélo, même si je sais que je devrais probablement tourner à une cadence plus élevée, mon rythme naturel est d’environ 60 tours par minute. Sur mon Schwinn actuel à pignon fixe5, avec son plateau de 40 dents, son pignon de 16 dents et ses roues de 27 pouces, 60 tours/minute me font rouler sur la route à 12 miles par heure. Le vélo amplifie exactement ma vitesse par un facteur de quatre6.

Mais comme le vélo n’a qu’une seule vitesse, je dois pédaler plus vite dans les descentes. Dans les montées, je dois appuyer plus fort sur les pédales et le vélo a tendance à tourner plus lentement. Mais il faut savoir que chaque colline, qu’elle soit montante ou descendante, me pousse à être un peu plus performant, soit un peu plus rapide, soit un peu plus fort. Certaines personnes pensent qu’un vélo à pignon fixe ne sert qu’à rouler sur des terrains plats, mais ce n’est pas là que se trouvent le plaisir et les récompenses, du moins d’après mon expérience. Et cette expérience inclut deux fois le Canadian Rooky Mountain 1200K sur des vélos à pignon fixe et un tour de 11 jours à pignon fixe d’Issaquah, Washington à Cloquet, Minnesota. Je peux franchir des montagnes sur mon vélo à pignon fixe et même si ma cadence naturelle est encore de 60 tours/minute, je peux la faire monter à 130 quand il le faut. Je n’ai pas besoin d’aller plus vite que 26 miles à l’heure sur un vélo et je commence alors à utiliser les freins. Et oui, j’ai deux freins sur mon vélo. Les jeunes branchés s’arrêtent peut-être avec leurs jambes, mais j’aime utiliser mes jambes et mes freins. Il y a quelques années, quelqu’un a fait un commentaire sur mon blog en disant que je verrais les avantages des vitesses et de la roue libre quand je serais plus âgé. J’ai 64 ans et je roule toujours en fixie, alors peut-être que j’apprends lentement.

Essayez le monovitesse

Rivendell Bicycle Works sort un nouveau vélo en avril, le RoadUno, qui peut être configuré comme un vélo à une, deux ou trois vitesses. Il a l’air d’être un beau vélo (je ne pense pas que Rivendell pourrait faire un vélo moche s’ils essayaient) mais je ne l’achèterai pas car j’ai déjà beaucoup de vélos et honnêtement les Rivendell sont un peu trop jolis à mon goût7.

En lisant le dernier mail de Rivendell décrivant le vélo, l’accent est mis sur le fait qu’il n’est pas nécessaire qu’il soit seulement monovitesse, mais en vendant le vélo, je pense qu’ils manquent quelque chose que j’ai trouvé essentiel dans mon plaisir à utiliser des monovitesses et des fixies : ils ne sont pas seulement destinés à rouler sur un terrain plat. En fait, Rivendell présente une petite FAQ dans laquelle Grant Petersen (le fondateur de Rivendell) se voit poser la question suivante : « Pensez-vous que vous l’utiliserez un jour dans sa version monovitesse ? ». Grant répond : « Si je ne roulais pas en côte, ce serait envisageable ».

Grant est un gourou de l’industrie du vélo et je respecte tout ce qu’il a fait pour rendre l’industrie du vélo plus saine, mais je ne suis pas d’accord avec lui sur ce point. C’est en roulant en singlespeed ou en fixie dans les collines que l’on s’amuse, et c’est aussi là que se trouve une grande partie du maintien de la forme physique.

Ce que j’avance n’est pas pure spéculation. Mon parcours de cycliste au long cours soutient mon propos. Je roulais en fixie à l’époque de Sheldon Brown, avant que les fixies ne deviennent à la mode. Et je vivais à Issaquah, dans l’État de Washington, au cœur des contreforts des Cascades. Un endroit qui n’est vraiment pas plat. J’ai participé aux Seattle International Randonneurs Brevet Series sur des vélos à pignon fixe. J’ai parcouru deux fois le brevet canadien Rocky Mountain 1200 K sur des pignons fixes. J’ai fait la navette pendant des années dans la région de Seattle sur des vélos à pignon fixe et des singlespeeds8. Et en 2005, j’ai été le premier à parcourir la Great Divide Mountain Bike Race, du Canada au Mexique, sur un monovitesse9. J’ai donc de nombreuses raisons de penser que les monovitesses et les fixies ne sont pas uniquement destinés à rouler sur le plat.

En fait, j’ai constaté que je parcourais systématiquement plus de kilomètres par jour lorsque je n’avais qu’une seule vitesse que lorsque j’en avais plusieurs. Un vélo à pignon fixe, en particulier, mais aussi, dans une certaine mesure, un monovitesse, impose un certain rythme. Il n’est peut-être pas très doué pour aller vite, mais il veut aller à son rythme et pas plus lentement. Je plaisantais avec mes compagnons équipés de dérailleurs en disant que « plus de vitesses vous affaiblit », mais je ne plaisantais pas vraiment. Je sais avec certitude qu’une seule vitesse (plus les collines et les montagnes) est ce qui m’a rendu fort. Alors, essayez le monovitesse.

Le 27 juillet 2002 au sommet du col Rogers dans les Rocheuses canadiennes.

Une chouette journée pour une sortie à vélo

Je me suis réveillé ce matin avec l’idée d’une carte de Saint-Valentin illustré d’un castor et j’ai sculpté un tampon dès potron-minet, avant même de prendre mon petit-déjeuner. Alors que je me dirigeais vers le magasin de bagels pour ma sortie du vendredi matin avec les copains, j’ai remarqué que le temps chaud récent avait presque débarassé les rues de la glace. C’est étrange de dire cela le jour de la marmotte à Superior, mais la journée s’annonçait vraiment belle pour une sortie à vélo.

Lorsque je travaillais chez Bike Friday, j’ai construit mon propre vélo, un Bike Friday Companion personnalisé de couleur verte. Plus tard, lorsque Bike Friday s’est lancé dans la fabrication de vélos à assistance électrique (VAE) et dans la conversion des vieux vélos de ses clients, Alan Sholz m’a donné toutes les pièces nécessaires pour convertir le mien en VAE. J’ai fini par devenir le principal mécanicien de Bike Friday pour les VAE jusqu’à ma retraite et j’ai pu constater de visu que les VAE sont très utiles à de nombreuses personnes. Certaines personnes les utilisent pour faire des trajets à vélo qui seraient trop intimidants autrement ou pour rouler lorsque des problèmes médicaux rendent impossible l’utilisation d’un vélo standard. D’autres utilisent un VAE pour les aider à transporter de grosses charges ou à suivre le rythme de compagnons plus rapides qu’eux. D’autres encore aiment aller plus vite ou plus loin que ce qu’ils peuvent faire avec leur propre énergie. Toutes ces raisons sont valables10.

Mais aucune de ces raisons n’est convaincante pour moi. J’aime me déplacer par mes propres moyens et depuis que j’ai quitté Bike Friday, je me suis rendu compte que mon e-Companion était le vélo que j’utilisais le moins. Il y a quelques semaines, j’ai donc pris contact avec mes amis de Bike Friday pour qu’ils m’envoient une roue arrière sans moteur. Cet après-midi, j’ai remplacé la roue arrière et retiré la batterie, le contrôleur, l’écran et le câblage. Mon Bike Friday est redevenu simple et léger. Il est probablement plus lent d’un mile ou deux en moyenne, mais je ne suis pas pressé. Et il me semble toujours aussi rapide et amusant.

Et aujourd’hui, c’était une très belle journée pour une sortie à vélo.

Notes

  1. Une étiquette permet de retrouver tous les textes de cet États-Unien que j’ai traduits ici.
  2. Type de vélo que je n’ai jamais pratiqué moi-même.
  3. Lire « The Green Machine d’Eugene : le Bike Friday de Kent Peterson » (26 juin 2019)
  4. C’était en 1937. NdT
  5. Pour un aperçu précis de ce vélo pas cher, voir « Comment j’ai transformé un Schwinn d’occasion en pignon fixe — par Kent Peterson »
  6. Ce qui rejoint très exactement les réflexions de l’urbaniste Nicolas Soulier que j’ai exposées ici : « À vélo la ville est seize fois plus dense » (21 octobre 2017)
  7. À ce sujet lire « Pourquoi je n’achète pas de vélos onéreux — par Kent Peterson » (14 août 2020)
  8. Lire le récit saisissant d’un de ces trajets dans « Trajet retour sous la neige à la nuit tombante en fixie à pneus cloutés — par Kent Peterson » (20 mai 2019)
  9. Kent Peterson a raconté cette aventure dans un texte intitulé The Way of the Mountain Turtle. NdT
  10. Pour illustrer et compléter ce paragraphe, voir « Je n’avais pas besoin ni voulais d’un VAE, mais je suis bien content d’en avoir un ! — par Kent Peterson » (3 mai 2019)

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