Dernières nouvelles d’Orléans « ville parking »
Dans quelques mois nous arriverons à mi-mandat. Or je serais bien en peine de citer une seule réalisation cyclable qui vaille le détour. Le budget du plan vélo métropolitain s’est dilué dans le tout-venant des travaux de voirie avec comme seul résultat tangible des travaux de marquage hors de prix. En matière de vélo il n’y a donc que le picto qui se porte bien dans l’agglomération d’Orléans. Autant dire que ça fait une belle jambe à toutes celles et tous ceux qui aimeraient pouvoir se déplacer de manière sécurisée et confortable au quotidien… En attendant la ville parking se porte plutôt bien, merci pour elle1. Je passe en revue quelques projets en cours ou à venir qui nous parlent de cette ville-là.
Extension de la piétonnisation quartier Bourgogne ?
Serge Grouard a sorti un beau joker en annonçant réfléchir à la piétonnisation du quartier Bourgogne dans sa partie est. Serait-ce une piétonnisation à la manière de l’actuel « centre ancien » qui est envisagée, c’est-à-dire avec suppression du stationnement en surface ? Il y a 475 places en jeu2. Il semble que c’est bien ce qui est envisagé3. En pratique on devrait in fine retrouver le même phénomène observé actuellement dans le secteur piéton, c’est-à-dire des habitants et commerçants qui abusent de la possibilité qu’ils ont de passer les bornes d’accès et qui continuent d’occuper l’espace public avec leur caisse.
D’ailleurs, a-t-on des nouvelles de la lutte qui devait être menée contre ce phénomène ? En décembre 2021, le premier maire-adjoint Florent Montillot avait décidé de lutter contre la circulation des deux-roues motorisés et le stationnement abusif des riverains dans le centre ancien4. Si le premier objectif a été rempli – ce dont tout le monde peut se féliciter – le second ne l’a pas été. Et le nombre de contraventions dressées est un secret bien gardé.
Un participant à une réunion publique sur le sujet le 27 février 2023 a relevé le témoignage suivant :
« Il y a 10 ans j’avais deux voitures. Avec le stationnement payant j’en ai plus qu’une et tout va bien. S’il faut en avoir zéro par la suite je trouverai la solution pour me déplacer, de toute façon la voiture c’est le passé. »
Et mon informateur de préciser : il ne s’est pas fait huer et a même recueilli deux/tiers d’applaudissements dans l’assistance.
Voilà qui est encourageant !
D’ailleurs on peut aussi relever ces propos du maire rapportés dans notre quotidien préféré5 :
Serge Grouard est revenu sur la nécessité d’envisager « un parking en ouvrage » dans le secteur du théâtre, mais a aussi souligné : « C’est le sens de l’histoire que d’aller vers la diminution de la place de l’automobile. Beaucoup de projets ont d’abord été décriés mais aujourd’hui, qui pourrait envisager la place De-Gaulle, celle du Martroi, de la République ou encore les quais, avec des voitures ? »
Je ne saurais lui donner tort. Mais alors quid du point suivant ?
Des villas… et du stationnement
C’est la camarade Yann qui a soulevé un bon gros lièvre en surveillant les appels d’offre de la ville :
Nous sommes là au cœur du chic quartier Dunois puisque cet appel d’offre concerne la requalification de la rue des Villas et de la rue de Châteaudun.
Au programme :
« Stationnement : l’offre de stationnement actuelle devra être maintenue ou développée au maximum »
Ces rues sont étroites, en particulier la rue des Villas, et disposent de trottoirs à peine praticables.
Street View montre que la ville a dû installer des balises pour lutter contre le stationnement sauvage.
Toute personne sensée se demanderait comment il va être possible d’offrir une « solution confortable » aux piétons… sans supprimer totalement le stationnement ! Bref, il ne faudrait surtout pas envisager de planter des arbres.
Ce qui est une transition toute trouvée pour le point suivant. 🌳
Des riverains annoncent la couleur rue de Vaucouleurs
« Davantage de parkings, moins d’arbres », on croirait résumé un demi-siècle de développement urbain mais il s’agit du début du titre d’un article sur la future requalification de la chic rue de Vaucouleurs, quartier Saint-Marceau, au sud de la Loire6.
Dans la version papier du quotidien, c’est un verbatim choc qui fait office de titre :
Le journaliste explique : « Un point, précisément, a généré des tensions : la diminution d’une quinzaine de places de stationnement. Une soixantaine aujourd’hui ; environ quarante-cinq, demain. » Tout ça pour planter des arbres. Il y a en effet de quoi verdir d’effroi !
Avec cet argument massu de l’un de ces riverains :
« Arrêtez de nous pourrir la vie. Les maisons, ici, n’ont pas de garage. En revanche, nous avons tous des jardins avec des arbres. Nous n’en avons donc pas besoin sur les trottoirs. »
Traduisons : le jardin, c’est chez moi, la « ville jardin », j’en ai rien à carrer.
Comment va réagir le grand promoteur de ce concept ?
Des nouvelles de la vidéo-verbalisation… à Gien
On sait qu’à Orléans, il n’est pas question d’utiliser la vidéo-verbalisation pour les infractions aux règles de stationnement (gênant et très gênant). C’était le sujet de mon billet de décembre 2021 intitulé « « Stationnez y’a rien à voir ! » sur les nombreux écrans de vidéosurveillance d’Orléans ». On apprend dans notre quotidien préféré que la ville de Gien s’est mise sur les rangs pour utiliser cette possibilité7. L’article précise :
« Pour l’inauguration de ce projet, les moyens humains mis en place seront assez légers. Un seul opérateur sera derrière les écrans et possiblement un deuxième si la situation l’exige. Ces opérateurs ne seront pas mobilisés 24 heures sur 24, précise le maire de Gien. »
Il se trouve que dans un article du numéro de février 2023 du Monde diplomatique, j’ai appris que les dispositifs de surveillance automatique de l’espace public sont tellement sophistiqués – via la vidéosurveillance algorithmique – que les exécutifs locaux ne peuvent plus s’abriter derrière l’argument du manque de personnel. Extrait de cet article (qui rappelle par ailleurs que la vidéosurveillance est sans effet prouvé sur la criminalité8) :
« Certes, la loi n’autorise pas qu’une intelligence artificielle verbalise une personne — un agent assermenté doit constater l’infraction —, mais la technique dite «de l’écran noir» qu’appliquent certains CSU [Centre de Supervision Urbain] permet de la contourner. Plus besoin de visionner une dizaine d’écrans en attendant de constater une infraction au code de la route. Il suffit à l’agent d’activer la fonctionnalité «stationnement gênant» ou «respect des feux tricolores» sur des zones stratégiques et d’attendre qu’un écran noir s’allume, signe que l’infraction vient d’être commise. Ce processus automatisé lui génère tous les éléments nécessaires à la rédaction de la contravention : le type d’infraction, l’identification du véhicule et l’heure du délit. Des logiciels de lecture automatique des plaques d’immatriculation (LAPI), dont l’usage n’est pourtant pas prévu à cet effet, facilitent encore le travail. Ainsi non seulement la vidéosurveillance algorithmique permet-elle d’industrialiser la détection d’infractions, mais elle fait également miroiter un retour sur investissement généré grâce aux amendes9. L’argument fait mouche auprès des mairies. »
« Les cuisines de la surveillance automatisée », par Thomas Jusquiame (abonnés, février 2023)
Le « on ne peut pas mettre un policier derrière chaque automobiliste » – ce qui est vrai – va-t-il se transformer en « on ne peut pas activer la fonctionnalité d’écran noir » ?
Bonus musical
Face à tant d’obstination automobiliste, et autant de pusillanimité côté élu(e)s, il est sans doute plus sage de s’en remettre à la Providence. C’est en quelque sorte ce que le groupe de punk folk Violent Femmes nous invite à faire dans cette interprétation réjouissante – live et acoustique – de « Rejoice and be Happy » :
Notes
- Le mot-clé « OrléansVilleParking » – gloire soit rendu à celle ou celui qui l’a utilisé en premier – peut être suivi sur Twitter par exemple.
- Nicolas Bontron, « Bientôt un parking souterrain près du théâtre d’Orléans ? », Actu.fr, 1er mars 2023.
- « A l’aide d’un badge, qui permet d’abaisser et relever des potelets, les voitures peuvent ponctuellement accéder à la zone piétonne, rappelle le maire d’Orléans » rapporte Nicolas Bontron dans « Immeubles en péril à Orléans, quel avenir pour la rue de Bourgogne ? », Actu.fr, 28 février 2023.
- Nicolas Da Cunha, « Les livreurs en scooter bientôt expulsés du centre ancien d’Orléans », La République du Centre, 10 décembre 2021.
- Blandine Lamorisse, « Le secteur Bourgogne-Saint-Aignan deviendra-t-il un « quartier village » comme le souhaite la Ville d’Orléans ? », La République du Centre, 28 février 2023.
- Nicolas Da Cunha, « Davantage de parkings, moins d’arbres… Les demandes des habitants de la rue de Vaucouleurs à Orléans », La République du Centre, 3 mars 2023.
- Thomas Bogeard, « Le projet de vidéo-verbalisation à Gien lancé à la fin de l’été ? », La République du Centre, 1er mars 2023.
- « des études scientifiques de terrain menées en France et à l’étranger ont démontré que la vidéosurveillance n’aidait pas significativement à résoudre les enquêtes ni ne réduisait le nombre de crimes violents, de délits liés à la drogue ou de troubles à l’ordre public dans les villes. »
- Le journaliste commet ici un raccourci proche de l’erreur factuelle : le produit des amendes pour stationnement gênant ou très gênant ne revient pas directement aux communes. En l’état actuel de la réglementation, elles ne sont pas incitées à faire dans la politique du chiffre.
Ce qui est pathétique c est que les élus font bosser les services pour pondre des documents cadres comme le PDU ou le plan vélo mais que derrière rien n’est suivi dans la pratique. Et notre cher VP à la draisienne en tête qui n’arrête pas de dire que le papier ne refuse pas l’encre.
Les tilleuls de la place Saint Fiacre à 850 mètres de là n’ont qu’a bien se tenir… 🙁
Le résultat de décennies de bagnolisme forcené, associé à une société individualiste et paradoxale, et l’absence de vision prospective et de courage de nos élus : on veut bien le changement si rien ne change, et surtout pas « ma » place de stationnement devant « ma » porte.
La question des arbres et du stationnement est édifiante et stupéfiante, digne d’un 1er avril, mais dit quelque chose aussi de la manière dont on s’inscrit (ou pas) dans un quartier. À qui appartient cet espace public : à ceux qui habitent à proximité ? À ceux qui le traversent ? Aux propriétaires en-capacité-d’acheter-un-SUV-électrique-SVP-mais-dans-l’incapacité-de-louer/acheter-un-garage-à-proximité-et/ou-de-marcher-un-peu ? Aux piétons ? Aux cyclistes ? Aux personnes à mobilité réduite ? À tous ? Doit-on requalifier en ne tenant compte que des attentes des riverains sans garage mais avec voiture(s), doit-on penser l’intérêt général d’abord ? Les arbres (et les trottoirs) sont-ils une variable d’ajustement du stationnement pour quelques-uns ou un bien commun dont il faut prendre soin, préserver, encourager ? Doit-on vivre et consommer la ville comme on vit la campagne et inversement ? Ne doit-on pas ajuster nos modes de vie à nos territoires ? Est-ce cela, la ville du 21ème siècle : une ville où les intérêts de quelques particuliers priment sur l’intérêt général ? Une ville tournée vers « son » jardin et « ses » arbres, « sa » voiture garée sur « son » trottoir devant « sa » maison (ben oui, on est à Orléans !) qu’on prend pour traverser le pont royal pour aller faire marcher les « petits commerces des « petits commerçants » de la rue Royale ? Bref, c’est encore pas pour cette fois que notre bon maire et les Orléanais répondront de manière satisfaisante.
C’est assez triste et nous rappelle aussi et surtout que nos élus ne sont toujours pas à la hauteur des enjeux écologiques et sociétaux de notre époque. Mais on le savait déjà, non ?