Quand le casque finit au guidon — par Mark Treasure

Qu’on me permette d’introduire ce billet de Mark Treasure par une anecdote personnelle : mon neveu, qui a un peu plus de douze ans et qui se rend au collège à vélo, a lourdement chuté en rentrant chez lui et s’est cassé le coude1. Et bien je vous le donne en mille : l’infirmière des urgences lui a passé un savon, et a fait culpabiliser ses parents, parce qu’il ne portait pas de casque alors même qu’il n’a rien eu à la tête, pas la moindre égratignure. Un agaçant « PointCasque » offert gracieusement par l’hôpital d’Orléans.
Voici la traduction de « The helmet on the handlebars » publié le 1er août 2016 sur As Easy As Riding A Bike.

Lors de l’événement FreeCycle au centre de Londres samedi, il y avait bien sûr un grand nombre de personnes portant des casques et des gilets jaunes – notamment parce que ces derniers étaient, comme toujours, distribués aux participants.

Mais en me déplacement à vélo au coeur de l’événement tout au long de la journée, j’ai commencé à remarquer un phénomène particulier. Quelque chose pendouillant au guidon des participants.

Il s’agissait de personnes qui étaient parties de chez elles avec un casque puis qui, en arrivant dans un environnement manifestement très sûr, avaient décidé que ces casques n’étaient pas nécessaires et les avaient enlevés (ou peut-être même n’avaient-ils pas pris la peine de les mettre).
Parfois, le casque ne se retrouvait pas au guidon. Ceux qui avaient des paniers pratiques leur trouvaient une utilité.

Ou bien le casque était remisé sur le porte-bagage.

On pouvait même voir des enfants faire du vélo avec leur casque visiblement mis de côté.

Y compris ceux qui étaient passagers.

Ce délaissement des « équipements de sécurité » s’est étendu aux gilets jaunes, qui ont été enlevés et entortillés autour du guidon…

… ou mis en boule dans des paniers.

Ou peut-être même pas portés dès l’origine.

À la fin de la journée, la quantité de jaune fluo dans la foule des cyclistes avait sensiblement diminué (du moins, c’était mon impression).

Peut-être que cette perte de casques et de gilets était en partie due au fait que le samedi est une journée d’été assez chaude, la température incitant les gens à se débarrasser des équipements qui leur tenaient chaud.

Mais surtout, tous ces gens qui se déplaçaient à vélo dans un environnement sans interaction avec la circulation automobile se sentaient suffisamment en sécurité pour se débarrasser de l’équipement de sécurité qui leur avait été fourni ou qu’ils avaient eux-mêmes apporté. Ils se sont même sentis suffisamment en sécurité pour laisser leurs enfants faire de même.

C’est pourquoi je pense que se concentrer sur ce que les gens choisissent de porter n’est pas vraiment une question sur laquelle les militants du vélo devraient faire porter leurs efforts. La manière dont ils s’équipent est une réponse à leur environnement. Si le vélo n’est pas sûr, il n’est pas surprenant que les gens adoptent volontiers des vêtements qui les protègent, qu’il s’agisse de protections pour la tête ou de vestes qui, selon eux, les rendent plus visibles des automobilistes. Une multitude de casques et de vêtements réfléchissants n’est pas un défaut personnel de la part des personnes qui les portent ; c’est le symptôme d’un échec à offrir de bonnes conditions de sécurité aux personnes qui se déplacent à vélo.

Il est donc tout à fait déplacé de craindre que des individus fassent passer le déplacement à vélo pour dangereux à travers les vêtements qu’ils ont choisi de porter. Ne blâmez pas ces personnes. Blâmez les conditions auxquelles elles réagissent, de manière tout à fait rationnelle – ces conditions qu’elles rencontrent au quotidien, qui leur font sentir qu’un équipement de sécurité est nécessaire pour une activité aussi simple que celle de faire du vélo.

Lorsque des conditions sûres et confortables sont assurées – des environnements sans interactions avec les dangers de la circulation – les équipements de sécurité commencent à fondre naturellement. Cela s’est produit en quelques heures le samedi ; cela se produira partout où les mêmes conditions sont reproduites pour les trajets quotidiens.

Notes

  1. Et pas sur la voie publique mais dans l’allée privée assez pentue et en virage qui mène à sa maison. Selon l’enquête de mon beau-frère, son frein avant qui était mal en point a tout simplement lâché dans la descente et son fils n’a pas pu freiner pour négocier le virage. De plus, il tenait ses clés dans sa main droite… Il a heurté un petit muret et a fait la culbute, retombant très probablement sur son coude.

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13 réponses

  1. Isaduvelo dit :

    L’article est bien vu, mais c’est surtout le « chapo » qui me plaît. On ne nous dira pas qu’il n’y a pas « pression sociale » sur le port du casque !!! Et même, de quel droit sermonne-t-on à l’hôpital ? Ah, monsieur, il faut rouler moins vite, ne pas vouloir faire le coq, et ne pas snifer des vapeurs toxiques avant de conduire. Ah, vous êtes mourant? bon, ben, voyons ce qu’on pourrait faire, mais franchement … si vous étiez un meilleur citoyen vous n’auriez pas tous ces accidents…

    • Figure-toi que j’ai pensé à toi en l’écrivant, pressentant que l’anecdote te plairait.

      J’ai évidemment soutenu auprès de ma belle-soeur et de mon beau-frère combien l’attitude de l’infirmière était absurde (et déplacée). Mon beau-frère a volontier reconnu la chose sans difficulté, remarquant que quand il était jeune et qu’il faisit du roller, c’était toujours les membres supérieurs qui ramassaient lors des chutes (et les genoux, bien sûr !).

  2. REGIS REGUIGNE dit :

    C’est comme les masques « anti-Covid » portés sous le nez ?

    • marmotte27 dit :

      Non, cela n’a rien à voir. Les masques ont un effet prouvé sur la transmission du virus, donc les porter sous le nez dans des contextes où il peut avoir transmission est irresponsable. C’est une questuon de solidarité et de santé publique.

      Le casque n’a pas d’effet prouvé sur la sécurité (qui en plus est celle du cycliste individuel) donc en porter ou pas (hormis peut-être en VTT de descente) est un choix personnel qui ne regarde personne.

  3. Guillaume dit :

    Jeanne, je confirme pour la pression sociale. J’ai subi la même mésaventure que ton neveu et eu droit aux mêmes remontrances, jusqu’à ma grand-mère !

  4. janpeire dit :

    Ce paragraphe (l’avant dernier) « Il est donc tout à fait déplacé de craindre que des individus fassent passer le déplacement à vélo pour dangereux à travers les vêtements […] équipement de sécurité est nécessaire pour une activité aussi simple que celle de faire du vélo. » est une perle !

    JPB

  5. V-LO dit :

    Un samedi matin il y a quelques mois, je rentre à vélo de courses faites du côté de Châtelet. Rue Bannier, je dois affronter les inévitables GCUM posés en toute impunité sur la bande cyclable du haut de la rue, au niveau de la boulangerie Cordier. Je demande à une automobiliste tankée avec son SUV sur la bande cyclable de bouger pour que je puisse passer. Eh ben, je vous le donne en mille : elle m’a reproché de ne pas porter de casque !
    Le monde à l’envers ! 🙂

  6. marmotte27 dit :

    Parmi le grand nombre d’excellents posts où Mark Treasure demontre l’illogique du débat du casque on peut peut-être particulièrement rappeler celui-ci :
    https://aseasyasridingabike.wordpress.com/2018/03/28/from-the-specific-to-the-general/

  7. Isaduvelo dit :

    J’en rajoute une couche. Le casque en ville semble bien corrélé à prise de risque et accidents graves… mais pas à la tête !!!

    Les cyclistes casqués meurent trois fois plus que les cyclistes roulant sans casque

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