Utrecht a ouvert un passage aux vélos sous un pont-levis — par Bicycle Dutch
Créer ex-nihilo une voie sur berge dont une partie sera située sous le niveau de l’eau d’un canal ? C’est possible aux Pays-Bas ! Mark Wagenbuur était aux premières loges lors de l’ouverture sans tambour ni trompette de ce passage réservé aux modes actifs dans la ville d’Utrecht.
Voici la traduction de « A new cycling underpass in Utrecht » publié le 2 décembre 2020 sur Bicycle Dutch.
Le 1er décembre 2020, par une matinée pluvieuse, Utrecht a ouvert un nouveau passage pour cyclistes sur la route du canal qui traverse la ville. Ce passage à fleur d’eau remplace le seul carrefour qui subsistait sur cet axe structurant. Selon la section locale du Fietsersbond, il est désormais possible de pédaler de Houten – via Utrecht – le long du canal jusqu’à Amsterdam, un trajet de près de 40 kilomètres, sans voir un seul feu de signalisation.
L’idée qu’un passage sécurisé à cet endroit était nécessaire est apparue en 2017, lorsque la ville d’Utrecht a annoncé que le pont Nelson Mandela serait élargi pour créer une voie de bus en site propre dite Bus Rapid Transit (BRT). La section locale du Fietsersbond et le membre du conseil municipal d’Utrecht Maarten Koning (des Démocrates 66, un parti politique social-libéral) ont réalisé que l’ajout d’une voie de bus prioritaire rendrait l’intersection avec la véloroute le long du Merwedekanaal beaucoup trop dangereuse. Ils ont tous deux essayé de trouver du soutien pour leur projet de requalification de l’intersection en construisant un passage sous le pont le long du canal. Pour montrer l’ampleur du problème, le Fietsersbond s’est rendu sur le carrefour et a compté les cyclistes. En prenant soigneusement en compte les directions. Résultat : ce matin de mai 2017, à l’heure la plus chargée, 1 676 personnes ont emprunté le carrefour, dont près de 800 pourraient aujourd’hui passer sous le pont. C’est apparemment plus que ce que les modèles de la ville avaient calculé. La vidéo qui a été réalisée ce matin-là montre une partie de l’impressionnant flux de vélos.
Si ce nombre s’est révélé aussi important c’est parce que l’itinéraire cyclable qui longe le canal est structurant. Il a été ouvert en 2015, et je l’ai montré sur mon blog en janvier 2016. Ce qui était si astucieux ici, c’est que la hauteur disponible sous les ponts existants a été utilisée pour créer des carrefours à double-niveau. Cela a été réalisé en ouvrant les culées des ponts. Il n’y avait qu’une seule exception : le pont Nelson Mandela d’origine était un pont-levis qui ne s’ouvrait que lorsqu’un bateau devait passer. Il se trouvait donc au niveau du sol et aucune piste cyclable ne pouvait passer dessous. À l’origine ce pont ne disposait que de deux voies de circulation automobile (une dans chaque sens) mais dans sa nouvelle configuration élargie (toujours sous forme de pont-levis) il accueille désormais deux voies de bus, deux voies voiture et deux pistes cyclables bidirectionnelles. Il est donc beaucoup plus large et traverser toutes ces voies en toute sécurité aurait été une tâche trop difficile pour de nombreuses personnes, comme les enfants ou les personnes âgées. Un carrefour classique, même correctement balisé, aurait retardé les bus en raison des flux de vélo constatés. Le résultat du comptage a été un atout dans le débat. Un autre atout était le fait que 10 000 personnes de plus habiteront dans le coin après la requalification de cette zone en quartier à faible densité de voitures, et que tous voudront peut-être se rendre au centre-ville à vélo.
Apparemment, la ville a été convaincue assez rapidement, car fin 2018, la décision a été prise de construire ce passage. Il en aurait été autrement si le chantier avait dû être considéré « de manière isolée », mais en l’occurrence ce projet (dont le coût est estimé à au moins 5 millions d’euros) a pu être intégré au sein du projet beaucoup plus vaste du système BRT de la ville. Le coût exact du pont était une information confidentielle. Seul le conseil municipal a été informé dans une annexe financière secrète car « la divulgation de l’annexe financière pourrait nuire aux intérêts financiers de la municipalité dans les futurs appels d’offres et pourrait profiter de manière disproportionnée à des tiers ».
Les travaux ont commencé début septembre 2019 et ont continué pendant la majeure partie de l’année 2020. Je n’étais en ville que de temps en temps, car je ne me rendais plus à Utrecht pour le travail dans le cadre de la pandémie. Chaque fois que j’ai dû me rendre à Utrecht, j’ai fait en sorte d’y faire un saut, pour voir comment le chantier avançait. Vous pouvez voir les différentes étapes dans la vidéo.
Il y a environ une semaine, le passage sous le pont semblait presque terminé, mais il a été annoncé seulement un jour avant qu’il serait effectivement ouvert le mardi 1er décembre à 9 heures. Le parcours le long du canal était fermé depuis plus de deux ans (parce que toute la zone va être requalifiée, de site industriel à zone résidentielle). L’itinéraire est enfin ouvert à nouveau. Il reste encore du travail à faire. Il y aura des liaisons entre la voie du canal et le pont Nelson Mandela de chaque côté du pont. Ces liaisons ne pourront être construites qu’après l’achèvement d’un pont entièrement nouveau – parallèle au pont existant. Ce pont sera utilisé pour la logistique entre les différentes parties du centre des conférences d’Utrecht. Grâce à ce pont, les camions et les camionnettes n’auront plus à traverser la route du BRT ni même à emprunter les voies publiques. La partie du pont qui passe juste au-dessus de la piste cyclable est déjà terminée, si bien que le chantier ne présente aucun danger pour les cyclistes. L’ouverture des différentes liaisons est prévue pour le printemps 2021, d’ici là il y a un détour sur le côté nord du pont Nelson Mandela, donc tous ceux qui veulent aller dans n’importe quelle direction peuvent désormais utiliser le passage pour poursuivre leur trajet.
Une fois de plus Utrecht démontre que le vélo est pris au sérieux dans la quatrième ville des Pays-Bas.