Un carrefour giratoire remplace une intersection protégée — par Bicycle Dutch

La France n’est pas le seul pays où les rond-points ont la faveur des pouvoirs publics. Mark Wagenbuur nous fournit un exemple éloquent de transformation d’un carrefour néerlandais classique – une intersection protégée – en giratoire. Pour ralentir la circulation motorisée et, concurremment, offrir une plus grande sécurité aux cyclistes.
Voici la traduction de « A new roundabout to replace a T-junction » publié le 26 août 2020 sur Bicycle Dutch.

Un nouveau rond-point a été aménagé sur le territoire de la municipalité de Den Bosch (Bois-le-Duc). Ce rond-point est situé en limite d’agglomération, à proximité de la ville de Bois-le-Duc proprement dit et de la zone d’activités De Vutter dans l’ancien village d’Engelen. Le carrefour giratoire à trois branches a été construit en un peu moins de six semaines. Il remplace un carrefour en T qui a été le lieu d’un horrible accident impliquant deux jeunes filles qui ont été gravement blessées par un camionneur alors qu’elles traversaient la route principale à vélo, il y a cinq ans.

Le tout nouveau giratoire à l’entrée d’Engelen (municipalité de Den Bosch).
Dans la situation précédente, la route reliant Engelen, au nord de l’autoroute A59, à Den Bosch, au sud de celle-ci, était une route à 80 km/h formant la limite entre l’agglomération et la campagne à chaque intersection (lignes bleues). Cela impliquait des changements incessants de limitation de vitesse sur un très court tronçon de route. L’ancienne route à 80 km/h est maintenant une route à 50 km/h, même si elle se trouve officiellement en dehors de l’agglomération. Le point rouge marque l’emplacement du nouveau rond-point.

Le carrefour en T était une intersection protégée. Cela signifie qu’il y avait des pistes cyclables séparées. C’était même une application modèle des recommandations en la matière. Vous vous demandez sans doute ce qui n’allait pas. Le fait que ce carrefour en T était si proche de deux zones bâties a joué un rôle majeur. À la frontière entre les agglomérations et la campagne, la limite de vitesse par défaut passe automatiquement de 50 km/h à 80 km/h aux Pays-Bas. Dans ce cas, il n’y avait qu’un kilomètre de « campagne » entre deux agglomérations et les véhicules à moteur venaient souvent directement de l’autoroute dont la limitation de vitesse est encore plus élevée. Les conducteurs étaient donc enclins à continuer à rouler vite. Il n’y avait pas de feux de circulation à cette intersection et la chaussée avait deux voies de circulation. Avec deux zones d’activité à proximité, il y a toujours beaucoup de camions en circulation. Cela peut facilement conduire à des problèmes de visibilité. Un camion qui se positionne pour tourner peut masquer la circulation sur la voie qui continue tout droit. Si vous avez ensuite l’intention de traverser cette voie, un véhicule roulant à une vitesse plus élevée peut vous surprendre.

Le carrefour en T remplacé était un exemple classique d’intersection protégée. Il n’était pas encore assez sûr, avec ses multiples voies, ses gros véhicules qui gênaient la visibilité sur les autres voies et des vitesses relativement élevées. Installer des feux de signalisation n’était pas une bonne solution étant donné le volume de trafic constaté.
Le giratoire en construction. La déviation temporaire en haut de l’image est redevenue une piste cyclable. Il s’agit clairement d’un giratoire situé en dehors d’une agglomération. Les pistes cyclables ne sont pas circulaires, mais droites, et se situent à une plus grande distance du cercle. Cela indique que le vélo n’est pas prioritaire ici. Photo aimablement fournie par l’entrepreneur qui a conduit les travaux.

En 2015, deux filles de 14 et 15 ans ont traversé la route principale et ont été écrasées par un camion qui passait. Elles ont toutes deux subi de très graves blessures mais ont heureusement survécu. Le conducteur du camion a plus tard été déclaré non coupable après que l’accident ait fait l’objet d’une étude approfondie. Les enquêteurs ont été jusqu’à modéliser en 3D l’ensemble de l’intersection et toutes les images de vidéosurveillance disponibles ont été vérifiées. Aucun défaut technique n’a été trouvé. Cette décision de justice aurait pu aboutir à un statu quo, mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Des années auparavant, les habitants d’Engelen avaient déjà demandé un abaissement de la limitation de vitesse, mais le conseil municipal n’avait jamais donné suite à cette requête. La route étant située hors agglomération et ayant été conçue comme telle, ont-ils fait valoir, elle ne peut pas être régulée comme une voie urbaine du point de vue de la vitesse de circulation. Cependant, deux ans après l’accident, la presse a annoncé que la limite de vitesse serait abaissée à 70 km/h, mais ce n’était pas le cas. Ce n’était pas réglementairement possible. Et baisser davantage la limitation de vitesse était complètement hors de question. Une limite à 50 km/h sur une route à 4 voies hors agglomération n’est pas crédible. Après tout, on considère aux Pays-Bas que les limitations de vitesse doivent être parlantes/évidentes.

Trois étapes du processus de construction. Tout d’abord, les bordures sont placées sur les fondations de la route. Les pierres de caniveau sont maintenues en place avec du ciment.
Ensuite, la première couche d’asphalte est appliquée. On peut constater qu’elle n’est pas encore au niveau des pierres du futur caniveau.
Après la pose de la dernière couche d’asphalte, tout est parfaitement de niveau. Les marquages blancs ont également été réalisés. Pas d’asphalte rouge ici, ce qui indiquerait que le vélo est prioritaire or ce n’est pas le cas.

Cela n’a pas mis fin aux plaintes et en 2018, le conseil municipal d’Engelen a été heureux de constater que le conseil communautaire de Den Bosch avait budgété des fonds pour la reconstruction du carrefour en T sous forme de giratoire. Un rond-point diminue réellement la vitesse du trafic automobile puisqu’il est conçu pour une vitesse de passage de 30km/h. Ce n’est pas non plus le premier rond-point sur cette route, puisque l’intersection la plus proche en était déjà un. Les deux sont maintenant reliés par une route à une seule voie, ce qui a permis d’abaisser la vitesse à 50km/h. La municipalité avait par ailleurs appris, après enquête, que la vitesse moyenne de tous les véhicules était de 55km/h, alors même que la limite de vitesse était fixée à 80 km/h. Le profil de la chaussée a tellement changé que les conducteurs n’ont plus guère la possibilité de rouler à grande vitesse. Bien que les gens l’aient aussi demandé, la limite d’agglomération n’a pas été déplacée. Le carrefour étant situé en dehors de l’agglomération, cela a des conséquences sur les règles de priorité. La section locale du Fietsersbond n’était pas satisfaite sur ce point, car ce giratoire n’accorde pas la priorité aux vélos. Elle a fait valoir que dans la situation précédente, les cyclistes qui allaient tout droit avaient la priorité sur le trafic qui s’engageait dans la zone d’activités. Les cyclistes ont maintenant perdu cette priorité et le Fietsersbond a considéré que c’était une mauvaise chose. Bien que ce soit vrai, je pense que la perte de cette priorité n’est qu’un petit désagrément, partagé avec les conducteurs qui continuent tout droit. Eux aussi ont perdu leur priorité à cause de ce nouveau carrefour giratoire. Il se trouve que je ne suis pas toujours d’accord avec les prises de position des sections locales du Fietsersbond. Maintenant que la circulation automobile est ralentie et que tout le monde doit céder la priorité à l’ensemble du trafic sur le rond-point, la situation générale est devenue beaucoup plus sûre à mon avis.

Le giratoire au début de la construction. Avec tous les éléments préfabriqués, on pourrait presque le voir comme une structure géante en Lego.
Les éléments préfabriqués pour le cercle central créent un rayon parfait. Les éléments sont suffisamment résistants pour supporter le passage de lourds camions. À droite : une des bordures de la route. Elles sont également assez solides pour résister au passage des camions.
Ici, les eaux de pluie ne s’écoulent pas entièrement dans les égouts. Elles sont collectées pour pénétrer lentement dans le sol à cet endroit. Plusieurs points de collecte comme celui-ci ont été construits sur ce giratoire. Nous devons nous assurer que plus d’eau reste dans la nature avec l’augmentation des sécheresses. Cela va un peu à l’encontre de la nature néerlandaise (puisque nous avons toujours eu trop d’eau dans le passé) mais ce type d’aménagement est de plus en plus fréquent.

La reconstruction proprement dite a pris un peu moins de six semaines, entre le 25 mai et le 3 juillet 2020. Cela a été plus rapide que prévu en raison de la baisse de la circulation liée à la pandémie. Les entreprises néerlandaises peuvent construire ce type de carrefour relativement rapidement car ils ont beaucoup d’expérience et ils bénéficient d’éléments préfabriqués, même pour la partie circulaire centrale. L’entreprise a documenté l’avancement du chantier sur un site web. Les véhicules à moteur ont été détournés au-delà de l’intersection sur la piste cyclable ouest qui a été temporairement élargie. Il est plaisant de constater que les fondations de cette piste cyclable étaient suffisamment solides pour accueillir même des camions. Les piétons et les cyclistes ont été temporairement déviés sur le cheminement latéral du côté est. Ce trottoir était plus étroit que 1,5 m, ce qui signifie que les gens ne pouvaient pas se croiser en vertu des obligations actuelles de distanciation physique. Suite à de nombreuses plaintes après le premier jour de mise en place de cette déviation, les hommes-trafic ont veillé dès le lendemain à ce que les gens utilisent de manière alternée le cheminement, et pendant toute la durée du chantier. Les hommes-trafic aux deux extrémités s’informaient mutuellement lorsque personne n’approchait de leur côté. Il est regrettable que neuf grands arbres aient dû être abattus pour réaliser ce nouveau carrefour. Ils seront remplacés par 18 nouveaux arbres mais ceux-ci auront besoin de temps pour atteindre la taille de ceux qu’ils remplacent.

Avec toutes les bordures en place, on a déjà une idée parfaite de ce à quoi tout ressemblera au final. Notez qu’il existe des bordures standard pour chaque type d’angle.
Quelques semaines seulement après la fin des travaux, l’herbe a déjà repoussé. Le vélo n’a pas la priorité. On ne traverse qu’une seule voie à la fois en profitant de l’espace refuge entre les voies. Cette traversée ne se fait que dans un seul sens (celui de la prise de vue), c’est la raison pour laquelle il n’y a pas de « dents de requin » de ce côté.

Maintenant que ce carrefour est en service, certaines personnes se plaignent d’avoir à pédaler davantage. Cela semble être une illusion quand on compare la situation avant et après. Il est vrai que les cyclistes qui roulent vers le nord doivent faire quelques virages supplémentaires, mais cela vous pousse à regarder dans la direction d’où peut venir le trafic automobile, ce qui est une bonne chose à mon avis. Dans l’ensemble, je trouve cette requalification vraiment positive.

Un autre exemple de traversée à vélo. Notez qu’il n’y a pas de bordure entre la future piste cyclable et le cheminement piéton.
La piste cyclable a un revêtement d’asphalte et le sentier piétonnier est composé de dalles de béton. Apparemment, il n’est pas toujours nécessaire d’avoir une bordure entre les deux. Le panneau de céder-le-passage, les « dents de requin », les lignes pointillées et l’asphalte noir montrent clairement que le vélo n’est pas prioritaire ici. (Un passage prioritaire serait matérialisé par des rectangles blancs et de l’asphalte rouge continu.) Les piétons qui traversent ici doivent également attendre une interruption de la circulation.
La vidéo de la semaine : un nouveau giratoire à Engelen.

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2 réponses

  1. janpeire dit :

    « Apparemment, il n’est pas toujours nécessaire d’avoir une bordure entre les deux. »

    Donc, il ne doit jamais pleuvoir dans ce pays ! Ou alors, ils possèdent un savoir-faire qu’ils gardent secrètement et jalousement comme un certain druide sa potion magique.

    « Le panneau de céder-le-passage, les « dents de requin », les lignes pointillées et l’asphalte noir montrent clairement que le vélo n’est pas prioritaire ici. (Un passage prioritaire serait matérialisé par des rectangles blancs et de l’asphalte rouge continu.) Les piétons qui traversent ici doivent également attendre une interruption de la circulation. »

    Même sans être prioritaire, j’ai l’impression que les piétons et les cyclistes aborderont ce giratoire avec sérénité, confiance et sentiment de sécurité, quand nous devons subir… stress, bordure et angoisse de passer sous les roues des camions.

    JPB

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