Une nouvelle vélorue à Utrecht — par Bicycle Dutch
La vélorue, la France qui pédale au quotidien en rêve, et trop souvent la fantasme. Sébastien Marrec a produit en mars de cette année une magistrale série en quatre volets intitulée « Les vélorues vont conquérir les villes françaises » (épisode 1, épisode 2, épisode 3 et épisode 4).
Les Pays-Bas, eux, en réalisent. Et c’est Mark Wagenbuur qui fait visiter, avec comme souvent un instructif détour par l’histoire des lieux.
Voici la traduction de « A new cycle street in Utrecht » publié le 10 juin 2020 sur Bicycle Dutch.
J’ai finalement été autorisé à retourner à Utrecht pour le travail ! C’était un aller/retour isolé, mais je ne m’étais pas rendu dans ma ville natale depuis près de deux mois. Cela ne s’était produit auparavant qu’une seule fois. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point j’étais heureux de retrouver mon vélo dans le plus grand parking à vélos du monde après si longtemps. Le stationner toujours au même endroit m’a bien aidé. Je n’ai pas eu besoin de parcourir les 12 500 places ! Après le travail, j’ai profité de l’occasion pour faire un peu de vélo dans la ville. Utrecht change tellement et si vite que j’en ai été vraiment surpris par endroit. L’un d’entre eux est Zeedijk (« digue de mer »). Cette rue avait été fermée pendant environ cinq ans et elle a été ré-ouverte sous forme de vélorue (Fietsstraat) avec un revêtement d’asphalte rouge où le vélo est prioritaire.
Si vous savez où se trouve Utrecht – au milieu des Pays-Bas – l’appellation « digue de mer » peut vous sembler étrange. Ce n’était pas si étrange jusqu’aux années 1930, avant que le lac IJssel ne soit créé par un barrage. Avant que ce barrage ne ferme la Zuiderzee, la marée de cette mer était perceptible dans le Vecht. La rue passe sur une digue au bord du Vecht, d’où son nom. La rue est beaucoup plus ancienne qu’on ne l’imagine. Elle se trouve juste à l’extérieur du centre historique fortifié de la ville, mais c’était en fait le premier faubourg d’Utrecht qui a été doté de sa propre enceinte dans les années 1330. À l’époque, Utrecht (comme les autres villes) avait surtout des bâtiments en bois. Ce quartier est devenu le lieu d’implantation d’activités présentant un risque d’incendie. Si un incendie s’était déclaré dans l’un des ateliers de ce faubourg, le reste de la ville n’aurait pas été menacé. Un cas historique de zonage. Ce quartier a concentré des activités artisanales et industrielles pendant des siècles, mais il est maintenant devenu résidentiel. Parmi les activités les plus connues, une fabrique de soie (1681-1816), une scierie (1851-2009) et une boulangerie industrielle (1948-2004). Seul le bâtiment de cette dernière a été réaménagé. L’espace de vente est devenu un restaurant et l’ancien labo de la boulangerie deviendra un immeuble. Le nom de cette boulangerie, Lubro, se trouvait à l’origine sur un bâtiment voisin, mais cette enseigne sera remise en place avec le même type de lettrage.
Utrecht connaît une croissance rapide et nombre d’anciens sites industriels situés à proximité du centre ville d’origine sont ou vont être réaménagés. Les activités industrielles ont disparu ou ont été délocalisées et ces zones, si proches du centre ville, sont parfaites pour y implanter de nouveaux logements. Pour faciliter la construction des nouveaux immeubles, la rue a été complètement fermée vers 2015. Elle a été réouverte dans son intégralité il y a quelques semaines seulement.
Ce n’est qu’une courte rue, d’environ 280 mètres, mais j’ai été impressionné par sa transformation. Cette voie qui longeait la zone industrielle, et que j’ai si souvent empruntée, avait un revêtement en briques et vous faisait passer devant de grands entrepôts décatis. La nouvelle rue longe des immeubles flambant neufs dont la densité est inhabituelle aux Pays-Bas. Ils comptent jusqu’à six étages, soit deux de plus que d’habitude. (Il était possible de construire des immeubles jusqu’à quatre étages sans ascenseur, ce qui permettait aux promoteurs d’économiser beaucoup d’argent). Je trouve que ces immeubles un peu plus hauts sont très beaux, ce qui semble aussi l’avis d’autres personnes. Bien sûr, tout n’est pas parfait. Il y avait beaucoup de vélos garés dans les rues et je n’étais pas le seul à le remarquer. Apparemment, l’accès au parking à vélos (obligatoire) n’est pas pratique partout et les gens ont plutôt choisi de stationner leur vélo dans la rue. Ce n’est bien sûr pas ce à quoi l’on s’attendrait dans une zone nouvellement aménagée. Outre le fait de donner l’impression que la zone est encombrée, cela a d’autres conséquences négatives. Herbert Tiemens a rapporté que des riverains se sont plaints de vols de vélo lors d’une réunion de quartier. Il estime que les promoteurs sont responsables de la mauvaise conception des parkings à vélos. Même aux Pays-Bas, il est toujours possible de faire mieux.
Ce nouveau quartier a été nommé d’après l’une des activités qui s’y déroulaient auparavant : une fabrique de soie. « Zijdebalen » signifie « balles de soie » et désigne la façon dont la production de la fabrique était conditionnée pour être transportée par bateau sur le Vecht. C’est également le nom de la maison de maître avec de vastes jardins que le propriétaire de l’usine s’était fait construire au XVIIe siècle. En 1816, ce « buitenplaats » a été détruit après la mort du dernier membre de la famille. Il s’agissait curieusement d’une disposition testamentaire.
Si je ne me trompe pas, cette nouvelle vélorue située à côté de la rivière Vecht fera partie de l’un des itinéraires cyclables reliant Overvecht au centre-ville, itinéraire que j’ai emprunté et déjà montré sur mon blog, mais à l’époque, cette rue était encore fermée, alors j’avais pris une déviation. Profitez d’une courte promenade sur cette nouvelle vélorue !
« La vélorue, la France qui pédale au quotidien en rêve, et trop souvent la fantasme.
Les Pays-Bas, eux, en réalisent. »
Je plussoie !