À quoi ressemble le revêtement rouge des voies cyclables après de nombreuses années d’usage ? — par Bicycle Dutch
Je ne travaille pas dans le VRD et je ne suis ni géologue ni chimiste. J’ai donc employé le terme « bitume » pour traduire asphalt employé par Mark Wagenbuur tout au long de son texte. D’après ce que j’en comprends, ce n’est pas de l’asphalte qui est utilisé pour réaliser la couche de roulement des voies cyclables aux Pays-Bas mais ce qu’on appelle chez nous un enrobé de type « béton bitumeux ». Pour éviter de (mal) jargonner j’ai donc simplifié en « bitume ». Je laisse les spécialistes me corriger le cas échéant.
Voici la traduction de « What does red asphalt look like after many years of use? » publié le 3 juin 2020 sur Bicycle Dutch.
Une chose qui continue d’impressionner les gens est l’état (et la couleur) du revêtement des pistes cyclables aux Pays-Bas. La couleur rouge vif du bitume fraîchement coulé des voies cyclables se distingue de manière très positive, mais à quoi ressemble ce revêtement des années plus tard ? Est-il toujours aussi beau ? Maintenant que j’ai documenté mon propre environnement cyclable pendant plus d’une décennie, je peux mieux répondre à la question. J’ai des images de l’époque où le bitume été mis en place et je peux y jeter un coup d’œil maintenant. Je vais partager avec vous ce que j’ai découvert.
Quand j’ai fait du vélo en ville l’autre jour, j’ai presque inconsciemment remarqué que le bitume de la piste sur laquelle je roulais était très beau. Il était lisse, il n’y avait pas de fissures, pas de nids de poule, pas de marques de reprise, et en même temps je me suis rendu compte que j’avais documenté la construction de cette piste et que je pouvais donc découvrir à quand remontaient les travaux. À la maison, j’ai fait des recherches et j’ai pu établir que le revêtement de la piste avait six ans. J’ai consulté mes archives et j’ai trouvé d’autres images du bitume en train d’être appliqué. Il s’avère que même un bitume vieux de neuf ans semble encore frais et presque neuf. Il est temps de se pencher sur le revêtement des pistes cyclables !
Les premières pistes cyclables des Pays-Bas ont été construites le long de routes nationales gérées par l’État. Dans les années 1930, ces routes ont été construites en béton, aussi bien la chaussée réservée aux voitures que les pistes cyclables. Quelques unes de ces pistes subsistent encore aujourd’hui, mais la plupart ont été reconstruites. Soit la route n’appartient plus à l’État, soit les routes sont devenues des autoroutes et le réseau cyclable a été repensé. À partir des années 1950, les voies cyclables ont commencé à apparaître dans les municipalités et elles étaient revêtues d’un dallage de béton. Cette manière de faire a perduré jusque dans les années 1990, mais certaines municipalités utilisent encore ces pavés aujourd’hui. Elles sont bon marché et peuvent être réutilisées (vous pouvez repaver la piste avec les mêmes pavés). Mais ce type de pavement devient rapidement irrégulier et sa surface n’est pas très lisse. C’est à cette époque que la couleur rouge a été introduite. Cette couleur est devenue habituelle après avoir été mis en oeuvre dans l’itinéraire cyclable de démonstration de Tilbourg en 1977. Elle avait été choisie pour mettre en valeur la nouvelle véloroute.
À partir des années 1990, le bitume est devenu une option pour les pistes cyclables. C’est à cette époque que les pistes cyclables existantes, qui étaient jusqu’alors conçues rue par rue, ont été modernisées et que les gestionnaires de voirie ont commencé à considérer les pistes comme faisant partie d’un réseau. Pour rendre ce réseau plus attrayant, choisir une surface de bitume était une mesure astucieuse et peu coûteuse. La plupart des nouvelles pistes cyclables ont été bitumées dès le début, et lorsque les rues étaient complètement requalifiées (environ une fois tous les 30 ans), le revêtement existant était souvent remplacé par une couche de bitume. Certaines grandes villes, comme La Haye, sont en train de terminer ce processus de conversion. Suivant l’exemple de Tilbourg, la couleur rouge a été introduite comme couleur de choix. Cela permet de distinguer clairement la piste cyclable de la route. Les Néerlandais étaient habitués à cette distinction visuelle. À l’origine, c’était une différence entre le bitume et les pavés. Avoir le même revêtement pour les deux (une surface de bitume noir) aurait été nouveau et déroutant. Le bitume noir est parfois utilisé pour les pistes cyclables, par exemple lorsqu’il n’y a aucune ambiguité sur la nature des voies. C’est généralement pour réduire les coûts, car le bitume rouge est environ 40 % plus cher que la version noire (mais uniquement pour la couche supérieure). Très peu de municipalités n’utilisent pas du tout le rouge. Lorsque la municipalité de Wijchen (près de Nimègue) a annoncé qu’elle cesserait complètement d’utiliser le rouge pour économiser de l’argent, elle a reçu de nombreuses critiques. Les personnes qui ont estimé que les économies réalisées ne seraient pas à la hauteur de la diminution de la clarté et donc de la sécurité sur les routes ont également réagi négativement.
Lors du choix d’un type de revêtement, le manuel du CROW conseille aux gestionnaires de voirie d’examiner les critères suivants :
- Planéité
- Caractère antidérapant
- Résistance au roulement
- Drainage
Il est intéressant de constater que l’antidérapage et la résistance au roulement peuvent sembler contradictoires. Vous voulez une surface lisse, mais pas une surface glissante. L’astuce est de trouver une surface avec un équilibre parfait entre les deux. Une surface suffisamment lisse pour permettre aux gens de faire du vélo sans trop dépenser d’énergie, mais qui en même temps leur permet de freiner à temps et ne les fait pas déraper dans les courbes.
Ces aspects intéressent principalement les usagers. Il faut aussi prendre en compte le point de vue du gestionnaire de voirie. Ces derniers doivent également tenir compte des éléments suivants :
- Coût de mise en oeuvre (en considérant aussi celui des fondations)
- Coût de maintenance (en prenant aussi en compte les racines et les différents réseaux et canalisations, ainsi que l’évacuation des eaux pluviales)
- Capacité de charge (des tous les véhicules susceptibles de circuler sur la voie)
Pour ce dernier point, il est particulièrement important de considérer que le revêtement ne verra pas seulement passer des cyclistes mais aussi des véhicules d’entretien (hivernal) et d’urgence. Les véhicules lourds qui croisent la piste cyclable ne doivent pas endommager le revêtement à ces endroits, et cela vaut également pour les véhicules qui circulent accidentellement (ou à tort) sur les pistes cyclables. En ce qui concerne l’entretien, la présence de canalisations et de câbles sous la surface est un facteur à prendre en compte. Si vous devez y accéder, un revêtement de bitume sera endommagé, alors qu’un pavement peut simplement être démonté/remonté. Une solution peut consister à déplacer ces infrastructures souterraines sous les dalles des trottoirs.
Des études montrent que les Néerlandais qui font du vélo préfèrent le bitume. La planéité de la surface (pas de joints ou de raccords) est le facteur le plus important. La couche de roulement ne sera pas du tout endommagée par les cyclistes. Les seuls dommages qui peuvent survenir sont ceux causés par les véhicules plus lourds qui circulent sur la voie ou par les arbres qui soulèvent le revêtement et grignotent les bords. De bonnes fondations permettent de prévenir ces deux phénomènes. Le béton de ciment est également apprécié par la plupart des usagers de la route, mais il était autrefois moins rentable et les joints apparents peuvent entraîner des irrégularités. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de nouvelles pistes cyclables en béton. Certains gestionnaires de voirie apprécient et utilisent ce matériau. L’un des développements les plus récents est le béton rouge ! Les dalles de béton traditionnelles ont encore plus de joints et peuvent très facilement devenir très inégales. Les pavés ou les briques de pavage sont souvent utilisés dans un environnement historique comme les centres-villes. Ils sont également utilisés comme mesure de réduction de la vitesse dans les rues résidentielles. Pour la circulation automobile, ils signalent qu’une zone est une zone 30. Ces briques peuvent devenir relativement plus glissantes lorsqu’elles sont mouillées et surtout lorsqu’elles sont verglacées. Les briques sont plus petites que les pavés, ce qui fait qu’il y a encore plus de joints. Cela peut être un inconvénient, surtout lorsqu’après des années les briques commencent à bouger et que les joints se dilatent. Les pavés ne sont jamais un bon choix pour une piste cyclable majeure.
Compte tenu de toutes ces considérations, le bitume rouge est le matériau de choix pour la plupart des (principales) pistes cyclables depuis grosso modo les années 1990. Plus récemment, cette couleur est également utilisée pour les vélorues, pour signaler que c’est le domaine du vélo. Cela ne veut pas dire qu’il en sera toujours ainsi. Les gestionnaires de voirie et les fournisseurs testent d’autres matériaux. Cela ne donne pas toujours de bons résultats, comme la piste cyclable solaire, mais il existe des développements prometteurs avec le béton écologique et même le plastique recyclé. La piste cyclable « plastique » de Zwolle a déjà été utilisée par un million de personnes à vélo. Le développement du bitume lui-même se poursuit également.
Ce que j’ai filmé c’est un revêtement enrobé vieux de près de 10 ans qui est resté en parfait état, même utilisé sur une bande cyclable plutôt que sur une piste cyclable séparée. C’est l’épreuve du temps qui permettra aux revêtements alternatifs en cours de test de prouver qu’ils sont aussi bons que le béton bitumeux.
Sans être non plus spécialiste des revêtements, je n’ai que trop peu eu l’occasion d’encourager les villes pour lesquelles j’ai travaillées à adopter cette solution d’enrobé rouge, comme le font les Néerlandais mais aussi les Suisses et les Flamands belges. Tous les avantages sont cités dans l’article. Nous n’avions comme appui que les photos d’exemples photographiés dans ces coins-là. Les services techniques français en sont trop souvent restés à l’équation bande cyclable = marquage d’un trait blanc, généralement discontinu, pour faire une séparation d’avec le reste de la chaussée. Et puis, surtout, les Français n’ont pas compris l’intérêt d’une systématisation pour une identification qui devienne quasi automatique chez les usagers. Dans les pays et régions cités, on sait que revêtement rouge = espace pour les vélos, ce qui évite bien des conflits d’usage. L’amateurisme des services techniques français a malheureusement la vie très dure et on dirait que c’est insultant de leur demander de « faire comme » ces petits pays cyclables et cyclistes.
À ma connaissance, la ville ayant une politique la plus proche de celle-ci est Nantes. À partir de 2010, les principaux axes vélos ont bénéficié d’un revêtement rose saumon.
Mon avis sur ce choix :
les points positifs :
– distinction bien plus claire qu’avec une simple ligne blanche ;
– une seul couleur choisie dans toute l’agglomération -> améliore la cohérence des aménagements (qui n’est pas le point fort à Nantes…)
– augmente la visibilité des aménagements vélo -> les cyclistes trouvent plus facilement où ils sont censés rouler, les automobilistes comprennent mieux qu’il peut y avoir des cyclistes ;
– continuité du marquage dans les carrefours.
les points négatifs :
– le rose saumon est déjà assez pâle neuf, alors je vous laisse imaginer après quelques années (quand on voit ce que devient le rouge pétard hollandais…) ;
– seuls les axes majeurs sont colorés pas les autres aménagements. Du coup, ce choix a plutôt tendance à encore empirer l’incohérence des aménagements ;
– à ma connaissance, cette pratique n’a absolument pas été discutée dans les réseaux de collectivités (CTVC, GART, vélo et territoires ou autres), donc cette pratique n’existe à ma connaissance qu’à Nantes. Je suis passé par Grenoble en février dernier, ils ont fait le choix d’un revêtement noir avec des marquages de couleur en fonction de lignes définies dans le réseau cyclable. Ces marquages sont la ligne médiane et des ronds avec le chiffre de la ligne. C’est intéressant pour les usagers, mais ça ne rend pas l’aménagement beaucoup plus visible pour les automobilistes…
De toute façon, de mon point de vue, ce type de mesure n’a de sens que si elle est appliquée à l’échelle d’une métropole, voire mieux, d’un pays (et rêvons un peu, de l’union européenne…), si chaque commune s’amuse à choisir sa propre couleur, ça ne va pas simplifier la vie des cyclistes…
Remarque de traduction : j’aurais traduit « concrete tiles » par « dalles en béton » ou « dallage en béton ». On en a vu aussi en France, notamment sur les autoponts. Ce sont des grandes dalles (de l’ordre de 5 à 10 mètres de côtés) collées les unes aux autres par des joints en ciment. Ça se faisait beaucoup aussi dans les années 50 à 70 chez nous, mais ça vieillit assez mal, surtout si les températures varient beaucoup (négatif en hiver et plus de 35 en été)
Merci pour votre commentaire. Je retiens votre suggestion de traduction (texte corrigé) qui est en effet la bonne.
Si je ne m’abuse ces grandes dalles sont aussi beaucoup utilisées aux Etats-Unis pour les trottoirs.
Deux exemples pris au hasard tant côte est que côté ouest :
Crédit : Nipponeselover / CC BY-SA
Crédit : David Wilson / CC BY
Bonjour,
Mon quotidien est de promouvoir les couleurs dans les BTP et plus particulièrement la coloration des enrobés colorés.
En effet je travaille en direct avec les entreprises de travaux publiques mais nous proposons nos services gracieusement pour la prescription des enrobés colorés auprès des Communes, Bureaux d’Études, Départements, Conseils Généraux…
Améliorer le niveau de sécurité, revêt un enjeu National.
L’enrobé coloré pour les pistes cyclables permet l’amélioration de la sécurité tout en embellissant l’aménagement urbain.
Beaucoup de pays en Europe l’on bien intégré.
Merci pour votre article et les illustrations.
L’application d’enrobés colorés, permet également :
Une meilleure sécurité en augmentant les contrastes visuels (croisement, …)
Différencier différentes zones (pistes cyclables, chemins piétonniers, …)
Offrir une meilleure lecture des voies pour les usagers (voie bus, îlot central,…)
Modérer la vitesse (ralentisseurs,…)
Créer des ambiances urbaines par l’harmonie des teintes en cohérence avec l’environnement architectural
Accompagner discrètement l’urbanisation, préserver le patrimoine
Aider la mobilité pour les personnes à la mobilité réduite ou présentant des handicapes (chemins)
Réaliser des économies d’énergie
Lutter contre les îlots de chaleur (Centre-ville, cours d’école…)
Votre terme d’enrobé était juste.
Je serai ravis d’apporter plus de renseignements sur les pistes cyclables colorés ou enrobés colorés en général.