La roue voilée de la communication officielle

Encore un édito. Encore Olivier Carré dans un exercice de communication grand public. Ce n’est pas dans le dernier Orléans.mag (n° 167, avril 2019) mais dans La Lettre d’information d’Orléans Métropole, un quatre pages à l’italienne inséré dans le mensuel orléanais1. Ce numéro 33 a pour thème principal le vélo.

Cinq paragraphes à la une

Sans craindre de contredire Carré Olivier, qui a jugé il y a quelques semaines sur les ondes de France Bleu Orléans que la métropole n’était pas « au niveau » en matière cyclable, voici comment commence cet édito signé Olivier Carré :

Grâce à tout ce qui a été entrepris depuis plus de dix ans, notre métropole dispose d’un réseau cyclable de grande qualité, entre ville et campagne, long de plus de 450 km aménagés.

Non, le réseau cyclable n’est pas de grande qualité. Voici comment il a été jugé par les consultants du cabinet Inddigo :

Diagramme présenté lors de la première session des ateliers vélos participatifs.

Le deuxième paragraphe commence sur un constat qu’on ne peut être que satisfait de lire car ça va toujours mieux en le disant :

Plus qu’un mode de loisirs, le vélo représente aujourd’hui un mode de déplacement à part entière, économique et écologique.

Cela dit, c’est avant tout sa praticité qui devrait être mise en avant. Dans les enquêtes d’opinion menées dans la « capitale » du vélo – Copenhague – c’est bien ce critère-là qui est cité en premier par ses utilisateurs quotidiens (très loin devant une hypothétique conscience écologique2). Il faut dire que là-bas, le réseau cyclable est réellement d’une grande qualité.

Le troisième paragraphe n’appelle pas de commentaire particulier. On ne peut qu’être d’accord avec l’idée que « le réseau de l’Orléanais dispose encore d’un potentiel important de développement ».

Dans la série Jamais sans ma passerelle, le quatrième paragraphe évoque le « pont léger » qui est « la bonne solution pour franchir la Loire dans le centre d’Orléans ». Tellement bonne qu’elle n’a jamais été mise en œuvre. Tellement bonne qu’on ne sait pas si elle sera réellement un jour mise en œuvre. Des ponts il y en a déjà mais faire faire des détours aux cyclistes est sans doute plus amusant.

L’édito se termine sur la tarte à la crème des politiques de mobilités, dans une formulation quasiment canonique :

Il ne s’agit pas d’opposer vélo et voiture mais bien de rendre le plus sûr et efficace possible leur usage (…)

C’est ce type de propos qui indique que les élu(e)s n’ont toujours pas pris le virage des mobilités actives. Citons à ce sujet Olivier Razemon dans un billet dont la lecture devrait être obligatoire pour tout candidat à un mandat local (et déjà signalé ici : « Mobilité : oui, il faut « opposer les modes » », 3 février 2019) :

Il faut opposer les modes. En revanche, le mode n’est pas l’individu. En matière de déplacements, il faut justement opposer les modes. Ou, plus précisément, il faut s’opposer au mode dominant, à celui qui prend l’essentiel de l’espace, une grande partie des budgets d’aménagement, celui qui investit la quasi-totalité des cerveaux des décideurs, tout en générant la plupart des nuisances : le mode motorisé individuel3.

« Ça roule pour le vélo ! »

C’est sous ce titre que l’article de la page 2 passe en revue le développement « des aménagements et des services cohérents avec les besoins des usagers ». Des informations intéressantes sont fournies. On apprend ainsi que la prime locale à l’achat d’un VAE a fait 140 heureux/ses en 2018 et déjà 35 pour 2019. Est-ce peu, est-ce beaucoup ? Il faudrait pouvoir rapprocher ces chiffres de ceux des ventes globales de vélos sur le territoire métropolitain.

De son côté, la flotte de VAE en location de longue durée – Vélo’TAO – va passer de 700 unités à 1120, ce qui va permettre de résorber en partie la liste d’attente que ce service très demandé a engendrée. Il faut dire qu’avec un tarif tout public de 114 € à l’année, c’est cad’O4.

L’article revient également sur la généralisation du double-sens cyclable dans l’intramail :

Non, le double-sens cyclable n’est pas dangereux, les statistiques de sécurité en témoignent. Pourquoi ? Parce que les usagers se voient avant de se croiser, et donc adaptent leur vitesse et leur attitude. Aucun accident n’est à déplorer depuis la généralisation, l’été dernier, des contresens cyclables dans l’intramails d’Orléans.

Voilà, c’est dit et bien dit.

Enfin, l’article fait la promotion de la Vélo’station installée dans un obscur recoin sous le parvis d’accès à Place d’Arc. Nul doute que le service atelier (petites réparations) est utile, ainsi que le marquage des vélos sur rendez-vous (système Bicycode), mais on devrait pouvoir trouver un emplacement mieux exposé – à tout point de vue – pour faire la promotion des services vélos.

Et parce qu’un peu de mauvais esprit détend les mollets, voici une photo volée de l’endroit :

Un petit instantané de type paparazzi parce que, oui hélas, les 2RM aussi

Crédit photo : Bojin [CC BY-SA 3.0], via Wikimedia Commons

Notes

  1. Il serait d’ailleurs intéressant de savoir si ce quatre pages est diffusé dans toutes les communes composant la métropole.
  2. « Aujourd’hui, quand on demande aux habitants de la capitale pourquoi ils pédalent tous les jours, seuls 5% invoquent l’environnement ou le réchauffement climatique, mais 56% parlent de rapidité, 37% de simplicité et 29% de coût modique. » (Olivier Razemon, « Comment Copenhague est devenue la capitale européenne du vélo », 9 mai 2014).
  3. Dans son billet, Olivier Razemon prend comme exemple le pont de pierre de Bordeaux : « Ceux qui y passaient en voiture ont changé de mode, ou passent ailleurs. Ceux qui hésitaient à monter sur un vélo se sentent désormais en sécurité et le traversent. L’opposition des modes a entraîné un report modal. »
  4. L’employeur étant susceptible de prendre à sa charge 50 % de son montant on se retrouve avec un tarif mensuel de… 4,75 €.

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8 réponses

  1. REGIS REGUIGNE dit :

    La passerelle « Recouvrance » : jamais (!) c’est une absurdité ! Nous, cyclistes, ne sommes pas des zigzageurs que l’on cache dans un boyau dangereux et difficile d’accès, spécialement côté St Marceau !

    • marjorie dit :

      Pourquoi « Recouvrance » ? Comme le pont et le quartier de Brest ? Est-ce que les élus de la métropole orléanaise sont si fans de notre chère ville, tout à l’ouest, au point de vouloir l’imiter avec un téléphérique et une passerelle qui imiteraient nos moyens de traverser La Penfeld ?

  2. À l’italienne Messieurs dames

  3. alpincesare dit :

    > L’article revient également sur la généralisation du double-sens cyclable dans l’intramail : « Non, le double-sens cyclable n’est pas dangereux, les statistiques de sécurité en témoignent. Pourquoi ? Parce que les usagers se voient avant de se croiser, et donc adaptent leur vitesse et leur attitude. Aucun accident n’est à déplorer depuis la généralisation, l’été dernier, des contresens cyclables dans l’intramails d’Orléans. »

    Et si les élus ont si peur pour les cyclistes — trop gentil de leur part —, qu’ils installent des infras qui obligent les motorisés à respecter le 30km/h.

  4. Yann d'Orléans dit :

    Depuis que j’ai lu ce dernier numéro d’Orléans Mag, je me sens mal. Trahi, floué, pris pour un idiot. Il y a un mois, en écoutant Olivier Carré sur FBO, je me suis dit qu’il avait enfin saisi les enjeux des mobilités alternatives, qu’il avait enfin compris qu’Orléans était malade. Malade du tout bagnole. Malade de la saturation malgré les autoroutes urbaines qui coupent notre ville en deux. Que la mobilité de la cité johannique était devenue trop visqueuse, trop chaotique, trop source de nuisances et qu’il fallait changer de paradigme. J’y croyais !

    Mais quand j’ai lu cet édito, je suis retourné en enfance. Tu sais … Cette enfance où tu vois ta petite copine de l’époque embrasser un autre garçon que toi sous le préau… J’ai ce même pincement au cœur. Celui que tu ressens quand on te déçoit, quand on te trompe. Ça fait mal et tu ne l’oublies. 30 ans après je me souviens encore que Cynthia m’avait préféré à Jérôme. En 2020, dans l’isoloir, je me souviendrais qu’Olivier Carré m’avait pris pour un con en mars 2019. Non, Orléans n’est pas une ville où il fait bon pédaler hormis l’hyper centre semi-piétonnier. Non, on ne pourra pas avoir un réseau cyclable de qualité sans opposer la voiture et les autres mobilités. L’agglo d’Orléans suffoquera encore plus demain avec l’accentuation de l’étalement urbain. Aujourd’hui, Orléans est paralysée. Demain, ce sera Saint Jean de la Ruelle, Ingré, Ormes et La Chapelle-Saint-Mesmin qui subiront à leur tour les effets de la saturation automobile. Il sera alors trop tard.

    Je retourne à mes albums photos du collège.
    Bonne journée à tous.

  5. REGIS REGUIGNE dit :

    Cher Yann ; il paraitrait qu’Orléans Métropole prépare, activement « son » Plan Vélos, carrément (sans jeu de mot ridicule de ma part). Donc, très « prochainement », un jour (qui sait ; mais pas nous), OM dévoilera ce « magnifique et magique » projet ; puis, sans attendre (la St Glinglin) passera aux réalisations – terrain. Je publie ce petit mot la veille du « premier avril »…

  6. marjorie dit :

    J’aime beaucoup la citation d’Olivier Razemon, oui il est essentiel d’opposer et de hiérarchiser les modes de déplacement ! D’autre part, effectivement les doubles sens cyclables ne sont pas dangereux lorsque les automobilistes connaissent et respectent les règles de conduite de leur engin et l’attitude à adopter face aux autres usagers de la route. Or, entre Orléans et Fleury, dans cette rue à double sens cyclable, à proximité du cimetière, il y a régulièrement du harcèlement de cyclistes à coup de klaxon et même de sirène des pompiers en grève pour faire dégager les cyclistes voire les forcer à utiliser la bande de double sens en sens contraire pour les laisser passer. Le tout étant enrobé de « mais mon père est gendarme et il dit que… » ou de « mais ma petite dame si tout le monde faisait comme vous où irions nous, imaginez que l’on soit pressé… » et « mais si vous avez le droit d’utiliser cette bande sur votre gauche, elle est pour vous ». Ce qui me fait penser que je n’ai pas encore trouvé le temps d’écrire ma lettre de plainte pour la tentative d’assourdissement de décembre par les dangereux pompiers de Fleury-les-Aubrais.

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