Au commencement était le stationnement
Sous le titre « La réforme du stationnement, une chance pour les villes moyennes », Olivier Razemon a consacré son dernier billet de l’année 2017 à la mise en place au 1er janvier 2018 d’une réforme de première importance : celle du stationnement payant sur voirie. Finies les prunes pour les conducteurs et conductrices qui ne paient pas ou pas assez, bienvenue au forfait post-stationnement (FPS). Si Orléans n’est pas une ville moyenne – de peu si l’on se fie à la catégorisation de l’INSEE – et se targue d’être une métropole, Olivier Carré a sur ce sujet opté pour le statu quo.
À Orléans, le FPS restera fixé à 17 €, montant qui était celui de la contravention pour défaut de paiement (ou dépassement). Dans un article du 7 juin 2017, La République du Centre entretenait pourtant le suspens :
« Quel sera le montant des amendes de stationnement à Orléans à partir du 1 er janvier prochain ? Aujourd’hui, il en coûte 17 euros. Demain, ce sera peut-être plus. Beaucoup plus.
La dépénalisation du stationnement est passée par là. Désormais, le tarif des PV – forfaits de post-stationnement – sera fixé par les maires. « C’est en cours d’arbitrage. On connaîtra le montant au second semestre », annonce la municipalité orléanaise, plutôt discrète sur le sujet. »
L’arrivée de la nouvelle année a mis fin à l’anxiété qui n’en finissait pas de ronger le coeur des resquilleurs (qui sont les seuls concernés par cette réforme). Le 5 janvier 2018, La Rép’ titrait : « Le montant des amendes de stationnement reste à 17 euros à Orléans ». Alors qu’à titre de comparaison, il passe à 25 euros à Tours et 27 euros à Montargis. Et le journaliste de rappeler fort à propos :
« Les recettes [du FPS] ne sont plus orientées vers l’État mais directement vers les mairies dans la perspective de financer des projets de mobilité. »
Dommage de se priver de ressources complémentaires. Mais c’est sans compter « la grogne croissante des automobilistes depuis 2015 » qui ont vu disparaître les places de stationnement gratuits dans l’intra-mails (et concomitamment le nombre de places payantes passer de 1200 à 2900). Ce sourd ressentiment susceptible de se transformer en rage électorale pourrait donc expliquer la prudence des élus et notamment du premier d’entre eux. À moins que ce ne soit affaire de fétichisme automobile… Dans tous les cas, la ville ne cherche toujours pas à s’emparer avec vigueur d’un sujet qui est pourtant au coeur des questions de mobilité urbaine. Et pire encore, cette question du stationnement automobile parvient même à faire capoter le projet de réouverture de la ligne de chemin de fer Châteauneuf-sur-Loire – Orléans :
« Et ce que conteste Olivier Carré pour sa ville, c’est que le projet prévoit de construire une nouvelle voie en gare d’Orléans, la voie H, tout à fait à droite. « Ca va supprimer des places de parking, entre 160 et 180, mais aussi compliquer la vie de tous les habitants du quartier gare. Alors que cette voie, on pourrait s’en passer si la SNCF gérait mieux cette gare d’Orléans » accuse Olivier Carré. »
Même crainte quand il s’agit de réhabiliter, en centre ville, un site industriel abandonné en « lieu culturel » et que le projet prévoit d’aménager une place à l’emplacement actuel d’un parking :
« Le parking de la Tour-Neuve est-il condamné par le parvis qui doit voir le jour à l’entrée de ce nouveau lieu artistique ? Si l’on en croit les plans d’architecte, oui. Olivier Carré, le maire d’Orléans, est moins catégorique, indiquant que cela se fera uniquement si « on trouve une compensation », dans les rues adjacentes, pour la cinquantaine de places ainsi vouées à disparaître. »
Extension du domaine de la lutte
Il faut lire ou relire le petit article parfaitement informé de Frédéric Héran paru dans Slate pour comprendre ce qui est vraiment en jeu dans cette problématique récurrente du stationnement automobile. L’automobile est un objet encombrant et envahissant. En encourager l’usage – ou ne pas en décourager l’usage – c’est immanquablement faire croître les zones perdues pour tout ce qui fait l’attrait de la vie urbaine. Et du même coup favoriser l’éternelle complainte des riverains comme l’illustre à merveille ce petit article de La Rép’ concernant le quartier Saint-Marceau intitulé avec une grande sobriété « Des problèmes de stationnement sont évoqués » :
« Elle-même [une riveraine] reconnaît qu’elle n’est pas toujours dans les règles. « Je ne dispose pas de garage et il y en a très peu dans le secteur. Pour trouver de la place, il faut aller loin ! » Pour les résidents, l’idée du macaron est évoquée. « Pour cela, il faut que le stationnement soit payant et aujourd’hui, il n’est pas question qu’il le devienne », répond Mathieu Langlois. »
Mathieu Langlois, l’adjoint au maire en charge du quartier, explique qu’il n’a pas de « baguette magique » pour résoudre la « difficulté du stationnement » alors même qu’il se refuse à mettre en place la seule mesure qui pourrait avoir un début d’efficacité. F. Héran le rappelle bien :
« Quand un bien est gratuit, sa demande est infinie. Pourquoi se priver, puisque cela ne coûte rien ? »
Dans un autre article, et toujours dans le quartier Saint-Marceau, un peu plus au sud, « Échanges sur le stationnement dans la rue de la Binoche » :
« D’entrée, certains [habitants] ont souligné l’inadéquation entre le nombre de maisons et de places de parking […] »
Jetez donc un coup d’oeil à la topographie de cette rue résidentielle sur l’application web de votre choix. Tous les pavillons de la rue ont une entrée de garage et/ou une zone de parking sur leur parcelle !
Au fait, ça donne quoi cette extension de la zone de stationnement payant ? Des deux côtés du mail Jaurès (vue aérienne du début des années 1970), la métamorphose est spectaculaire. Il y a des places disponibles. Le phénomène massif des véhicules ventouses a fait long feu. Merci le stationnement payant.
Bien sûr, les mauvaises habitudes – dont celles de ne pas payer – perdurent chez les plus récalcitrants :
Et le #gcum dans tout ça ? Bingo !
Comme du côté de l’abside de la cathédrale Sainte-Croix – qui fait cruellement contraste avec la partie parvis, vaste espace vierge de tout parking – l’automobile envahit tout, que le stationnement soit autorisé ou non. Le moindre espace est susceptible d’être occupé plus ou moins longuement par un véhicule. Illustration avec le jeu « Raconte moi le #gcum : relier les légendes aux images » :
- Le bus aura largement de quoi stationner, faut pas déconner.
- Il est sympa ce vrai-faux arrêt minute de la rue Royale rénovée.
- Elle est charmante cette place appelée cloître St Pierre Empont. Vous êtes sûr que c’est une aire piétonne ?
- Moi payer pour stationner dans un parking souterrain ? Jamais !
Un coin charmant
Jeanne vous propose de conclure ce premier billet de l’année 2018 par la découverte à hauteur de selle de la rue de l’Immobilière et de la petite place Colas des Francs qui sont tout proches de la place Dunois.
Ce lieu qui ne manque pas de charme est transformé par ses habitants en un carpocalypse résidentiel spectaculaire (chaotomobile pourrait-on dire en français inventif). Le tournage a eu lieu à une heure où tous les véhicules concernés ne sont pas là. Laissez votre imagination faire le reste…
Cette place, me fais penser à la place des Blossieres. Même symptômes, en pire, ce ne sont pas des maisons de ville.
Intéressant. J’irai y faire un tour. Elle se situe bien du côté de la Suifferie ?
C’est une place semblable à celle du film située entre la rue des Murlins et le fbg Bannier, on y arrive par la rue des Blossières.
Pour revenir au film, dans mon souvenir, cette place était citée en exemple dans un document des services archéo d’orléans comme un témoignage de l’habitat ouvrier lors de la transition de la révolution industrielle fin XIX-début XX de la ville. L’industrie d’alors quittait déjà le centre urbain pour se déplacer en périphérie et des « zones d’habitations » étaient aménagées (le quartier madeleine connait un autre exemple).
JP
Ton souvenir est exact. Comme le billet était déjà assez long, j’ai évité l’aparté patrimonialo-historique. 🙂
Désolé, je ne regarde pas mes notifications tout les jours. Oui, c’est bien de ce côté là, au carrefour Murlins/Suifferie, prendre à droite, et la place se situe 50m plus loin.
Merci ! J’irai y faire un tour.
C’est certains qu’il y a moins de possibilité de se garer gratuitement.
Ce qui personnellement me fait rire c’est de voir que les personnes cherchent encore absolument à habiter en centre-ville sans prendre en compte le fait qu’ils ont 2 véhicules à garer (forcément dans un quartier fortement limité en place).
Et puis à ceux qui râlent parce qu’ils ont jamais de place quand ils se rendent dans le centre en voiture, je leurs conseil les parking tram, le tarif n’est pas lié au temps et c’est pas cher, il y a toujours des places (notamment celui du pont de l’Europe) et c’est à moins de 10 min de l’hypercentre.
La voiture est un besoin pour nombre de personne, dont moi, mais il ne faut pas être obtus, il faut mixer les solutions de transport. Cela aura peut-être un effet positif sur le comportement de certain si tout le monde le faisait.
Je partage tout à fait votre point de vue. Concernant les habitants du centre ville, ils ont toujours la possibilité de prendre un abonnement dans un parking souterrain à tarif préférentiel (pour être certains de toujours trouver une place).
j’ai bien aimé le chaotomobile.
Rendons à César… J’ai trouvé le mot dans ce tweet : https://twitter.com/pierrebrt/status/932281440397660161
Bonjour à tous,
Merci à JAV d’avoir toujours cette prose poétique et l’humour caustique sous-jacent.
C’est vrai que je connais cette place magnifique et que je n’y vais plus à cause de l’espace envahi par les autos qui asphyxient autant les bronches que la vue.
Ce petit coin croquignolet est devenu un endroit mangé par des ventouses qui déparent les petites maisons et si les arbres qui survivent dans cet espace, parlaient….
Il est dommage que les habitants ne s’investissent pas dans une réflexion pour conserver si ce n’est leur âme , celle de leur petite place!