Pour des conversations de Noël 2021 roboratives

Qui dit Réveillon dit conversation. Et comme, selon Le Gorafi, le ministre de la santé a insisté sur le fait que « À Noël, ce sera un oncle raciste maximum par famille », je propose des sujets de conversation propres à susciter des réactions contrastées parmi les convives. Car oui, il faut absolument pratiquer ce que le génial Neil Hannon a qualifié dans une de ses chansons de Lost Art of Conversation1. Après une mise en bouche gentillette en chanson, place à la question de la destruction de nos espaces urbains par le stationnement automobile – « oui, Patrick, faut que t’arrêtes de te garer sur le trottoir devant chez toi, le PV était justifié » –, la possible décarbonation drastique de nos déplacements – « Et toi Josiane, côté vols low cost, t’en es où ? » – et, enfin, plus surprenant sur ce blog mais tout autant essentiel, la question de l’avenir de l’euro – « Rien que ça, la gestion de la pandémie par notre gouvernement, ça suffisait pas ? ».
J’ai repris ces trois contenus de Twitter. Je me suis contenté de quelques retouches de pure forme et d’ajouter des liens renvoyant vers notre encyclopédie préférée. Bonne lecture et joyeux Noël ! 🎄

Merry Christmas (to all my readers)

Ah Last Christmas ! Ça ne nous rajeunit pas mais ce succès international du groupe Wham! date de 1984. Il a bien vieilli et il ne manque pas de charme repris a capella par ce délicieux trio britannique en pulls de Noël :

Au centre, l’Irlandaise Catherine Ireton, qui sait poster sur Instagram des photos mignonnes comme on les aime :

Maintenant, place aux choses sérieuses.

Exposé sur l’impact du stationnement auto par Daniel Moser

Daniel Moser est un chercheur et consultant allemand spécialisé dans la transition des mobilités. Il aurait été dommage de laisser ce fil consacré aux conséquences urbanistiques et sociétales du stationnement automobile se perdre dans les entrailles de Twitter. Je l’ai donc mis à plat et traduit ici. On pourra objecter qu’il y décrit une situation propre à l’Amérique du nord. Cependant le raisonnement présenté s’applique aussi, même si c’est à une autre échelle, à nos espaces urbains bien de chez nous.

Originally tweeted by Daniel Moser (@_dmoser) on 16 December 2021.

Le stationnement auto est encore pire que vous ne l’imaginez.

Des villes partout dans le monde entier suppriment les obligations légales en matière de stationnement 🚗🅿️.

Toronto 🇨🇦 est simplement l’exemple le plus récent.

Mais pourquoi ?!👇

Tout d’abord, les obligations urbanistiques en matière de stationnement sont arbitraires. Elles ne reposent ni sur des recherches, ni sur des données. Ces règles sont de simples permis d’aménager, et de dédier une proportion d’espace au stationnement de véhicules privés, que cela soit nécessaire ou non.

L’immeuble 🏢 ci-dessous ? Tous les étages inférieurs sont des parkings.

Pourquoi ? Parce que.

Les villes n’étudient pas le stationnement existant pour voir si les obligations qu’elles édictent sont rationnelles, et souvent elles ne le sont pas.

Nous avons en fait détérioré nos villes pour aménager des parkings.

Voici une carte de l’espace consacré au stationnement à Little Rock dans l’Arkansas 🇺🇸 :

Les obligations réglementaires en matière de stationnement reposent sur l’hypothèse que les gens se déplacent en voiture partout. C’est faux. Une grande partie de la population n’est pas capable de conduire ou n’en a les moyens. Dans de nombreuses régions du monde, plus de 50 % des gens ne choisissent pas la voiture lorsqu’ils ont une alternative.

Les exigences réglementaires en matière de stationnement automobile ont des effets négatifs considérables sur :

➡️ Le changement climatique
➡️ La qualité de vie
➡️ Le développement urbain
➡️ La question du coût

Changement climatique

La construction d’un parking demande énormément d’énergie. Produire et couler du ciment, puis construire une structure par-dessus. Le ciment, en particulier, produit des émissions de carbone en quantités massives.

Le stationnement encourage l’utilisation de la voiture. La voiture est le mode de transport le plus inefficace et produit plus d’émissions de carbone que tout autre mode. Plus de voitures en circulation conduit à la construction de plus de routes, à une planification orientée vers l’automobile et à la marginalisation des autres modes de transport.

Qualité de vie

Les obligations réglementaires en matière de stationnement conduisent à des bâtiments comme celui de gauche. Avec des logements placés en hauteur et éloignés de la vie de la rue. Les quartiers joyeux et à échelle humaine sont désormais illégaux – tout cela à cause de ces histoires de stationnement.

Développement urbain

Parce que le stationnement et la circulation occupent beaucoup d’espace, les villes axées sur la voiture se développent par étalement et non par densification. Il en résulte des distances accrues, une moindre densité de population et moins d’activités à proximité. Les petites entreprises luttent pour survivre.

Les nouveaux commerces, équipements ou logements sont interdits ou restent vacants parce que les exigences en matière de stationnement ne peuvent être respectées.

La question du coût

La construction d’un parking est la partie la plus coûteuse de la possession d’un véhicule. La construction, la location et l’achat d’un espace de stationnement coûtent plus cher que la location ou la possession de nombreuses voitures.

Une place de parking incluse dans un appartement représente généralement ~10 % du loyer mensuel.

Les exigences en matière de stationnement déterminent le nombre de logements qui peuvent être construits. Des exigences de stationnement plus élevées limitent donc le nombre de logements et aggravent la crise du logement, rendant l’immobilier moins abordable.

Ce n’est pas un petit problème. Nous donnons plus d’espace au stationnement qu’aux gens. Il suffit de voir la taille de la zone de Los Angeles 🇺🇸 dédiée au stationnement :

Demandez aux autorités compétentes de supprimer ces règles sur le stationnement et vous sauverez le climat, augmenterez la qualité de vie, créerez un tissu commercial florissant et modérerez le prix de l’immobilier.

Un avant/après à Amsterdam 🇳🇱 :

Très très peu de voiture, pas d’avion, le bilan mobilité-carbone de Loïc Cedelle

Loïc Cedelle est français et se présente comme ingénieur et citoyen. Le bilan personnel d’un an de déplacements qu’il a proposé sur Twitter a rencontré un énorme succès – et c’est pleinement justifié tant son exemple est parlant. Là encore, il aurait été dommage que ce fil se perde dans les entrailles de Twitter. Le voici mis à plat.

Originally tweeted by Loic Cedelle (@L_Cedelle) on 21 December 2021.

J’ai autorisé Google à me pister pendant un an pour pouvoir faire un bilan chiffré (kilométrage, émission de CO2) d’un an de boycott de la voiture et de l’avion. Alors, ça donne quoi ?

Première question, Google est-il fiable? Sur la voiture et la marche, c’est bluffant : les traçés sont reconstitués avec précision.

Pour le vélo, c’est nettement moins bon, les traçés ne sont pas toujours affectés. Pour retrouver la valeur kilométrique réelle j’estime qu’il faut rajouter 30% de distance.

Les résultats : sur un jour ouvré standard je fais 10 km de vélo. Le weekend c’est la marche à pied qui prend le relai à raison de 8 km/j. J’ai été moi-même surpris de ces chiffres.

Finalement les seuls moments où je dois prendre la voiture, c’est quand j’accompagne des gens qui sont en voiture et ça arrive de temps en temps, par exemple 17 km en mai avec des collègues.

Mais ce qui est le plus marquant, c’est que quelques déplacements occasionnels en train suffisent à accumuler 1000 km sur un mois standard ! Suprenant mais logique, puisque ça fait un aller-retour pour aller voir la famille ou trois allers-retours dans les Alpes.

Cette année j’ai du faire plusieurs déplacements pro à l’étranger, que j’ai fait en train. Le train de nuit OBB aide bien pour faire les 3000 km aller-retour entre Lyon et le Danemark.

Ce mois d’août était un peu exceptionnel, puisque j’avais une bonne raison de faire un (très) grand voyage. Résultat : 7500 km de train et de bus ! Heureusement que je n’ai pas fait tout ça en avion.

Au global sur l’année, j’ai fait 29000 km sans avion et avec seulement 1,6% de voiture. Qui a dit qu’arrêter l’avion était synomyne d’assignation à domicile?

Si on fait le bilan carbone, on voit que 160 km ou je suis monté dans une voiture pèsent autant que 9000 km en TGV ! Merci le 1,7 g CO2/km.

Et si j’avais eu une mobilité « normale », c’est à dire la marche pour aller à la boulangerie, le TGV pour aller à Paris, mais la voiture sinon et l’avion dès que ça dépasse 4h de train, ça aurait donné quoi?

Ma mobilité kilométrique est donc « normale » puisque mes 11000 km de déplacements régionaux correspondent à ce que roule une voiture en moyenne. Plus 10000 km de déplacements internationaux exceptionnels qui correspondent à ce qu’aurait fait une personne qui aurait pris un peu l’avion.

Par contre, mon bilan carbone est 8 fois meilleur que mon homologue virtuel « normal » qui est à 4 t de CO2 pour les déplacements, quand je plafonne à 0,5 t malgré les grands déplacements exceptionnels.

En temps passé dans les transports je m’en sors bien : 3 km/h de différence entre vélo et voiture en ville (en faveur du vélo) pèse, à la fin de l’année, presque autant que 700 km/h de différence entre avion et train sur quelques trajets ponctuels.

La conclusion pour moi, c’est que si faire les déplacements quotidiens à vélo/pied est un prérequis indispensable, il ne faut surtout pas négliger les trajets de longue distance. Un seul trajet de 1100 km AR pèse autant en CO2 que 220 jours à aller au travail à 5 km…

Et si ça vous interesse, voici les facteurs d’émissions que j’ai utilisés (en vert).
Je me suis basé principalement sur l’outil « Mon impact transport » de l’ADEME, en différenciant en plus les types de TER et d’autocar.

Exposé sur l’euro par J.-B. Villemur

J.-B. Villemur se présente comme correcteur (un beau métier !) et membre du bureau exécutif de Génération Frexit, .
J’ai trouvé cet exposé sur un thème économico-politique majeur particulièrement lumineux.
Celui ou celle qui arrivera à aborder cette question monétaire dans un repas famille aura droit à une double part de bûche.

Originally tweeted by J.-B. Villemur (@VillemurJB) on 15 December 2021.

Alors il faut sortir de l’euro, mais le préalable indispensable est de bien comprendre ce qu’est l’euro et pourquoi il faut en sortir. Ce qui revient à se demander : que se passera-t-il si nous restons dans l’euro ?

Cette vidéo est plutôt bien faite, elle aborde même le sujet des Target, mais elle pèche sur plusieurs points, et à mon sens assez gravement, bien que, soulignons-le, il ne semble pas que ces écueils soient majoritairement dus à un biais idéologique.

Une méprise fondamentale

Pour comprendre la nature de la méprise, il faut se reporter à la conclusion de la vidéo. L’euro serait une « monnaie unique » et là résiderait la pierre d’achoppement. Il suffirait donc de la changer en « monnaie commune », en la transmutant en une sorte de bancor européen.

@FunalotPierre parle d’« eurobancor ». Celui-ci servirait pour les règlements internationaux (règlements entre banques centrales), tandis que les monnaies nationales serviraient pour les transactions nationales.
Bien.
Ce genre de subterfuges revient régulièrement à la surface.

On peut même dire que c’est une sorte de serpent de mer (monétaire 🙃). Mais cela abolirait-il le vice originel de l’euro ? Non. Pourquoi ? Parce que l’euro n’est pas une monnaie unique. On ne saurait donc la convertir de cet état (fictif) à un autre.

Une monnaie est une créance sur une banque centrale (BC). Mais les euros français ne sont pas des créances sur la BCE. Ils sont des créances sur la Banque de France et la BCE. Et ça change tout.

Le vice originel de l’euro est précisément que le pouvoir d’émission monétaire n’est pas détenu par une seule banque centrale, mais par 19 BC nationales + la BCE, soit 20 entités légales, de compétences strictement égales. Les euros possèdent tous cours légal et forcé dans chacun des 19 pays de la zone et ils ont même pouvoir libératoire.Toutes les difficultés viennent de là. Et un hypothétique eurobancor ne ferait que les escamoter. L’euro repose sur le principe suivant : les créances d’une banque centrale sont endossables par n’importe quelle autre BC du système au taux fixe et irrévocable de un pour un sans limitations d’aucune sorte (ni en durée, ni en quantité). Introduire le moindre changement, la moindre modulation dans ce principe, et c’est la fin de l’euro.

Avec un eurobancor, ou un équivalent, ces conditions ne seraient pas remplies. D’abord, il deviendrait impossible de payer en francs ailleurs qu’en France, alors que l’euro suppose que vous puissiez faire valoir votre créance (votre euro français) de la Banque de France sur la Banque d’Espagne, ou la Bundesbank. Les monnaies nationales ne seraient plus fongibles entre elles.

Partant, elles s’échangeraient à des taux différents de un pour un.

Conséquences de cette méprise

Cette méprise permet de comprendre pourquoi le sujet des Target est aussi rapidement survolé, alors que c’est là que se noue le problème. Non, le système Target n’est pas un « simple livre de compte » des échanges entre les pays de la zone euro. Il est la matérialisation du PEG et il est l’euro lui-même en un sens. Le système Target est l’ensemble des soldes positifs et négatifs des BC de l’eurozone vis-à-vis de celui-ci et de chacune d’entre elles respectivement.C’est donc un système de créances et de dettes entre banques centrales du système. Et l’introduction d’un hypothétique eurobancor ne modifierait en rien cette donne inédite. Les créances et dettes Target perdureront tant que perdurera le système Target quel que soit le subterfuge sous lequel on tenterait de le maquiller. L’écueil de l’euro se résume à cela : les pays du Sud sont endettés vis-à-vis des pays du Nord, par l’entremise du système Target, à des hauteurs pharaoniques et ces dettes sont impossibles à recouvrir, puisqu’elles sont libellées dans des monnaies différentes de celles des créanciers mais néanmoins parfaitement fongibles avec elles et que ceux-ci sont contraints d’accepter sans restriction aucune.

Pour donner un aperçu de l’énormité du problème, exposons le cas de l’Italie et de l’Allemagne. L’Italie doit quelque 500 Md € au titre des soldes Target, majoritairement à l’Allemagne (mettons 350 Md). Qu’est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que l’Allemagne est en droit de réclamer 350 Md à l’Italie, mais que celle-ci est en droit de les lui payer en euros italiens, et non pas en euros allemands. Autrement dit en équivalent lires et non pas en équivalents Deutsche Mark.

Ce qui ne satisfait pas du tout l’Allemagne, bien entendu. Dans les faits, l’Allemagne ne réclame rien, et l’Italie ne s’acquitte de rien. Tant que les deux restent dans l’euro, la dette court et se renouvelle de jour en jour en ne faisant que croître. Mais si l’Italie se retirait ?

Si l’Italie, effrayé par le gigantisme de sa dette Target, décidait de se retirer de l’euro, que se passerait-il ? Eh bien, elle devrait s’acquitter au moment même de l’ensemble de ses dettes Targets (+ les billets). Pas dans 10 ans, pas dans 1 ans. Non, le jour même.

La chose est bien sûr proprement impossible. La Banque centrale d’Italie ferait immanquablement défaut, et l’eurosystème accuserait une perte de 500 Md € (sans tenir compte des 150 Md au titre des billets italiens en euros). Mais qui essuierait cette perte ?

Les actionnaires de la BCE, à savoir l’Allemagne et la France au premier rang, à hauteur de 30 % pour la 1re et de 25 % pour la 2de. Une sortie de l’Italie coûterait donc à la Banque de France 125 Md € ! Elle serait alors forcée de se retourner vers l’État français, qui lui-même endosserait la perte qui finirait par se répercuter, d’une façon ou d’une autre, sur les Français (hausse des impôts, ponction des comptes, hausse des taux d’intérêts, etc.). Il est possible que l’Italie paie en partie, qu’un arrangement bancal soit formé, etc., qui fait que le montant final soit moindre que 125 Md €. Mais même divisé par 2 ou 3, il restera considérable.
Voilà donc exposée la seconde autre grave méprise de cette vidéo.
Donner corps à l’idée que « sortir de l’euro pourrait s’avérer risqué, voire très dangereux » est absurde. C’est exactement l’inverse qui est vrai !
Rester dans l’euro nous fait courir un risque extrêmement grave, puisque ce sont les pays restants qui finiront mécaniquement par payer l’addition finale, et elle sera très salée, à l’image de celle qui se prépare en cas d’Italexit.

C’est ne rien avoir compris au mécanisme vicieux intrinsèque à l’euro que de soutenir une telle chose et entretenir une telle peur.
Affirmer ensuite que « l’Allemagne est la gagnante de l’euro » trahit la même incompréhension de ce qu’est fondamentalement l’euro.

Comme expliqué ci-dessus, l’Allemagne ne gagne rien à l’euro. Certes, elle exporte comme jamais un pays de cette taille ne l’a fait dans l’histoire. Mais ses excédents sont majoritairement faits avec les pays de l’eurozone. Autrement dit, au bout du compte, elle est rétribuée en créances Target, et non pas en Deutsche Mark ! Plus l’Allemagne exporte vers les pays du sud de la zone euro, plus sa banque centrale engrange des créances irrécouvrables ! Son excédent commercial astronomique se traduit par la dégradation continue du bilan de celle-ci ! Ce paradoxe est littéralement sans issue, à part décider de cesser les frais en liquidant la « monnaie unique ». Ce à quoi une partie de la classe financière et politique allemande semble bien résolue.

Autre affirmation absurde : « Si on sort de l’euro, on ne sait pas ce qu’il se passera. » Au contraire, on peut assez bien l’anticiper. Il ne s’agit pas du tout d’un saut dans l’inconnu comme l’était l’entrée dans l’euro. Nous reviendrons à une situation antérieure bien connue.

Situation qui ne se résume pas à des « des dévaluations et dépréciations permanentes ». Il fut un temps où la France mangeait l’Allemagne au commerce international et où notre compétitivité était meilleure. Notre monnaie était moins forte, mais notre économie était meilleure.

Porter la disparition du « risque de change » au rang des avantages de l’euro traduit aussi une mauvaise intelligence de l’euro. Puisque, si ce risque a disparu, ce qui stimule le commerce, il a été remplacé par un risque nouveau, et bien plus nocif : le risque de redénomination.

C’est le risque qu’une dette contractée en euros par un État ne soit pas acquittée en euros (lesquels auraient cours légal en Allemagne, ce qui est intéressant), mais en… pesetas, escudos, lire, etc., au cas où l’euro ait disparu dans l’intervalle.

C’est ce risque qui est à l’origine — partiellement — de deux phénomènes étranges à première vue : la divergence des taux d’intérêt des dettes souveraines (et l’apparition de taux négatifs au sein de la zone €) ; la préférence de l’épargne des pays du Nord pour les pays hors zone €.

Autrement dit, l’euro est une zone d’incertitude permanente pour les marchés financiers, ce qui ne peut pas être sans répercussions négatives sur l’économie des pays de la zone. Les investisseurs ont conscience que l’euro peut disparaître, et agissent en conséquence.

Ce qui rend aussi absurde l’idée « tétanisante » suivante : que « les marchés financiers n’aiment pas le changement ». Certes, mais ils aiment encore moins l’incertitude ! Imaginer que les investisseurs appliqueraient des mesures de rétorsion à la France pour la « punir » d’avoir quitté l’euro n’est crédible que si l’on fait l’hypothèse irréaliste que l’euro est une valeur plus sûre que le franc ! Mais on vient de voir que, précisément, les marchés considèrent l’euro comme une zone d’incertitude. Si la France quitte l’euro, c’est celui-ci qui va perdre en attrait et en crédibilité, pas la France ! Puisque cela confirmera les craintes qui se font déjà jour. Il y aura sans doute quelques remous passagers, mais les choses rentreront rapidement dans l’ordre. Au reste, la vidéo expose bien que la réputation et la solidité de la France la prémunissent des attaques ou des désordres boursiers intenses et durables. Voilà, c’est tout sur le sujet. La vidéo vaut tout de même le coup d’être regardée, et il faut féliciter l’initiative de mettre le sujet de la sortie de l’euro sur la table. Mais elle démontre aussi que le chemin est encore long avant que cette sortie ne s’impose comme une évidence, et une urgence, au sein même des eurosceptiques, faute, je le crois, d’une exposition erronée des données du problème. À @GenFrexit, nous travaillerons à exposer ce problème et à faire connaître cette urgence ! C’est la principale clé pour faire basculer toute une frange de la population du côté du Frexit.

Toute la matière de ce long thread est tirée de l’œuvre du génial et regretté Vincent Brousseau, qui nous a hélas quitté il y a bientôt un an. 😢
Je recommande en particulier la toute dernière conférence qu’il a donnée, en 2019. Elle est remarquable.


Crédit image de couverture : Caran d’Ache, Public domain, via Wikimedia Commons

Notes

  1. Chanson présente sur l’album Bang Goes the Knighthood (2010, réédité en 2020 avec de nombreux bonus). À écouter ici dans sa version album et ici en live au piano (avec verre de vin et faux-départ).

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1 réponse

  1. janpeire dit :

    Comme nous ne festoierons pas à la même table, je peux donc faire ma mauvaise tête icitte sur un détail de la vidéo dont je n’ai absolument pas compris ni le point de vue, ni les aboutissants.

    La présentatrice/journaliste/ioutoubeuse invente un titre, celui de prix Nobel d’économie ; ça la fiche mal dans une vidéo qui se désire « pédagogique ».
    De plus, elle est bien gentille de poser une question pour servir des intérêts de « on ne sait qui », mais elle ne se pense que comme « française ».
    C’est dommage pour l’Union et son futur à venir, la confédération européenne, loin des baronnies franchouillardes sur le modèle johannique de l’ostentation gestuelle e/o clignotante dans les marais bruns de petits intérêts personnels ; je la souhaite même, cette confédération, sur un modèle suisse et avec une rigueur protestante propre aux pays du « nòòòòòrd » de l’Union.

    Et parce que la musique adoucie, une petite citation de quelques paroles de l’hymne de l’Union (non officiel & en Esperanto dans le film lié et pour faire rager la tatie jacobine qui « baragouine » (ce mot est un racisme) 3 mots d’anglois) :
    « Ho Europe, notre foyer,
    Il y a trop longtemps que règne la division.
    Que maintenant resplendisse ta beauté,
    Chacun de nous est ton enfant. »

    https://youtu.be/hu07R-NwuIs

    Mi deziras al vi bonajn jarfinajn festojn 🙂
    Bonnes festes de fin d’année.

    JPB

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