Un dimanche après la neige, le grésil et la pluie – une transition
Samedi 16 janvier 2021 il a donc neigé à Orléans. On a même vu brièvement de gros flocons. Mais pas de quoi revivre ces quelques jours de neige de février 2018 que le camarade JP avait racontés sur son blog et dont j’avais tiré une petite vidéo. La neige a tourné au grésil puis à la simple pluie comme pour mieux faire accepter la mise en place du couvre-feu à 18h. Il n’a pas été nécessaire d’interrompre une bataille de boule de neige ou la confection d’un bonhomme. Chacun chez soi et le virus sera bien gardé ! Alors échappons-nous même virtuellement là où la neige est abondante et pour un petit supplément de vitamine C poésie. Avant de revenir soupirer à Orléans après les langueurs de la transition.
Aller chez Lidl en Finlande
Voici la traduction rafraîchissante d’un thread Twitter du Finlandais Pekka Tahkola qui est une grande source d’information sur le vélo dans ce pays scandinave que Mark Wagenbuur a eu la chance de visiter un peu (voir « À vélo sur la neige finlandaise » et « Retour sur le Winter Cycling Congress 2020 à Joensuu »). Là nous sommes encore plus au nord dans une ville de plus de 200 000 habitants, à 150 kilomètres au sud du cercle polaire arctique, où la part modale du vélo est de 20 % (c’est trois fois plus qu’à Orléans !).
Inspiré par @AmericanFietser, voici des courses à vélo à Oulu.
Il faisait -9 ou -10°C, il faisait donc assez chaud pour nous.
J’ai reçu une carte Lidl d’une valeur de 100€ en guise de cadeau, et j’ai aussi dû ramener à la consigne du supermarché ce sac Ikea rempli de bouteilles et de canettes vides. Peut-on utiliser toute cette carte et tout transporter à vélo ?
Première étape. Débarrassez votre vélo de l’excès de neige. Nous avons plusieurs hangars à vélos sécurisés à l’intérieur, mais ils sont mal conçus, du type des années 70 : la porte ne fait que 80 cm de large, et mon vélo en fait 95. Un vélo avec plus de deux roues peut légalement avoir une largeur de 125 cm :
Deuxième étape : charger les affaires et partir. Ce vélo est un Pyrkijä de fabrication finlandaise, probablement des années 1950, et pèse 48 kg :
De notre cour, il y a une distance de zéro mètre jusqu’à cette piste cyclable, que tout le monde peut utiliser en toute sécurité :
Vous pouvez aussi faire vos courses en tirant une luge :
Quelque 500 m sur cette piste cyclable de faible qualité (encore relativement bonne) et nous sommes sur l’une de nos supers véloroutes. On peut facilement y circuler à quatre de front, y compris avec des affaires de hockey. Bien sûr, il y a aussi une autre super véloroute à 200 m de mon appartement, également accessible par une piste de 2ème classe.
Après un total de 1,3 km de trajet, nous sommes arrivés à destination. Il y a aussi un petit supermarché moitié plus près de mon appartement, mais la carte cadeau était exclusivement valable chez Lidl. Les supports à vélos ne sont pas très bons et il n’y en a pas assez. Je suis là tôt pour éviter la foule & le Covid.
Insérez les bouteilles et les canettes et hop :
Prenez un chariot à côté de votre vélo et remplissez-le :
117 € de courses, -11,75 € de consigne & un trop-perçu, et voilà la carte cadeau de 100 € utilisée avec succès !
(pourquoi est-il écrit « rundung » ici ? Un oubli de traduction de l’allemand au finlandais) :
Chargez tout le bazar sur votre vélo et rendez le chariot :
Pédalez pour rentrer chez vous sans embouteillages :
De retour à la maison avec mes 49 kg de courses sur un vélo de 48 kg.
Merci de m’avoir rejoint pour ces 55 minutes de ma vie, dont peut-être 40 passées à Lidl à essayer de décider quoi acheter !
La saison des mandarines
Kent Peterson continue de taper à la machine un peu chaque jour depuis sa petite maison d’Eugene en Oregon.
Je vous ai proposé un florilège de ces petits textes pour marquer la nouvelle année. En voici un nouveau, daté du 13 janvier qui évoque le Jack Kerouac d’après le succès fulgurant de Sur la route, plus alcoolique que jamais.
Remarque : Kent Peterson utilise le mot tangerine que j’ai préféré traduire par mandarine, un fruit très proche et plus immédiatement parlant il me semble.
Mandarine
Octobre 1957, Jack Kerouac en Floride tente de décider s’il faut appeler Dieu « ça » ou « lui ».
Une mandarine tombe directement sur la tête de Jack :
« En plein sur ma tête, en plein sur le sommet du crâne, tout droit tombée d’un arbre. »
écrit Jack à Joyce, sa chérie, à New York.
Septembre 2003, je suis à vélo sur la Lost Coast de Californie ; il fait nuit et la lumière est mandarine.
Des chauves-souris se lancent à travers les arbres à la poursuite d’insectes
et je suis étonné qu’elles ne se heurtent jamais entre elles ou avec quoi que ce soit d’autre et à ce moment précis,
l’une d’entre elles frappe mon guidon et meurt dans ma main.« En plein dans mon guidon, en plein dans ma main, tout droit venue du ciel. »
Je l’ai raconté peu après à Christine et maintenant je vous le raconte.Si Jack était là en ce moment (et parfois je pense qu’il l’est),
je ne pourrais pas lui préciser le bon pronom pour Dieu,
mais je pourrais lui parler d’un moment
où la lumière était mandarine.
Très chères études
On ne peut pas dire qu’à Orléans l’ambiance soit au changement. Il ne se passe rien – en dehors de l’activité des promoteurs immobiliers bien entendu. Les marquages jaunes des aménagements tactiques du déconfinement de printemps n’ont pas été repris en blanc et commencent à s’effacer par endroits. En revanche la machine à commander des études continue de fonctionner à plein régime. Le camarade Yann a repéré deux appels d’offre dont l’un concerne la ZAC des Groues et l’autre une « étude urbaine sur le secteur du faubourg Bannier nord ».
Comme je l’ai raconté dans « Les Groues à vélo » en juin 2019, le parc promis dans ce futur « écoquartier » est un vrai-faux parc. La nouvelle majorité a promis de revoir le sujet et souhaiterait revenir devant les habitants avec un authentique parc de 15 ha. C’est tout l’objet de cette « mission d’assistance à maitrise d’ouvrage pour une étude de capacité portant sur la ZAC de l’Eco-quartier des Groues ». Dit dans la langue de ce type de document :
Le prestataire devra proposer un plan de composition intégrant l’augmentation de la surface en espaces verts du site, passant des 12 ha correspondants au schéma de principe du dossier de création, aux 15 ha souhaités par la métropole. […] Ce nouveau schéma, repartant de celui du dossier de création de ZAC, devra se fonder sur la trame écologique existante du site afin de maintenir, voire renforcer, la biodiversité existante. Un parc d’un seul tenant de 15 ha et reliant les communes d’Orléans et Saint-Jean-de-la-Ruelle doit être proposé, (en évitant qu’il soit traversé par des voies carrossables) […]
Ça va bientôt faire 20 ans que les élu(e)s se penchent sur le projet des Groues… alors on se dit que pour « renforcer » (!) la « biodiversité » le mieux serait sans doute de renoncer à cette ZAC.
Du côté du faubourg Bannier nord – quartiers des Blossières et des Aydes – les objectifs de l’étude urbaine sous-traitée brassent large. On apprend dans le CCTP de l’appel d’offre :
Une étude de circulation et d’accidentologie a été réalisée en 2020, pilotée par le Service Mobilités d’Orléans Métropole. L’axe du Faubourg Bannier y est identifié comme une voirie secondaire sur laquelle il y a nécessité de renforcer son caractère d’entrée de ville.
Le diagnostic a fait émerger plusieurs problématiques sur le faubourg Bannier : un aménagement hétérogène, la densité du trafic, la difficulté d’appropriation pour les riverains et les conflits d’usages.
Les propositions d’aménagements visent à une requalification globale de l’axe permettant une meilleure cohabitation entre les différents modes de déplacement. Cela doit passer par une requalification profonde (adaptation aux usages, partage de voirie en fonction des profils) et un renforcement de la hiérarchisation du réseau viaire. Trois scénarios sont ainsi envisagés dans l’étude.
Et juste après, mise en exergue par l’italique :
Les éléments de l’étude circulation et les arbitrages retenus devront être intégrés par le prestataire dans son étude.
Donc il existe déjà une étude qui a abouti à trois scénarios en passe d’être arbitrés.
Le document poursuit :
De manière plus générale en termes de mobilité, l’axe faubourg Bannier est identifié dans le plan vélo et les solutions pour répondre à cette demande de déplacement sont particulièrement impactantes pour les autres modes. De plus, la ligne principale du réseau de bus (ligne 1, ligne à haut niveau de fréquence) est présente.
Là on sent poindre la mission impossible – sans Tom Cruise.
La dernière fois qu’un faubourg orléanais a été requalifié en profondeur, c’était du côté de Madeleine à l’occasion du passage de la ligne B du tramway et rien, absolument rien, n’a été prévu pour le vélo.
Tout ça pour dire que j’aimerais bien connaître le détail des trois scénarios dont il est question pour la rue du faubourg Bannier.
Par ailleurs figure aussi dans le document une carte sur laquelle j’espère que j’aurai l’occasion de revenir en détail :
Et quand on ne lance pas des études aux frais du contribuable1, on lance des assises.
Celles d’Orléans relatives à la transition ont leur site web. On ne sait pas trop à quoi ça va servir puisque les deux poids lourds de l’exécutif métropolitain ont prévenu tout le monde comme s’en gausse Yann :
Plus fondamentalement, si les élu(e)s y voyaient clair sur le sujet et étaient véritablement décidés à agir, ils n’auraient pas besoin d’organiser un tel raout. Citons ces propos de Christophe Chaillou recueillis par France Bleu Orléans pour justifier le choix de ne pas intégrer de citoyen lambda dans le comité de pilotage de ces assises2 :
« On voit bien les limites de la convention citoyenne pour le climat et l’incapacité du gouvernement à reprendre à son compte ses conclusions. Mais surtout on a vu les limites de l’exercice, parce que sur des sujets aussi complexes, on doit veiller à prendre en compte la diversité des points de vue, et ça ne peut pas se résumer à quelques citoyens tirés au sort. […] »
Ce ne sont pas des propos frappés au coin du bon sens : c’est justement en tirant au sort des citoyens qu’on est certain d’atteindre « la diversité des points de vue ». Et même si on peut légitimement critiquer l’idée de s’en remettre à ce type d’assemblée citoyenne, il ne faut pas perdre de vue que la lutte contre le réchauffement climatique et la prise en compte de l’épuisement des ressources énergétiques ne relèvent pas du « point de vue ». Et là vous me voyez venir : le point de vue de l’amateur de gros SUV ne peut pas entrer en ligne de compte dès lors qu’il est établi que la part déplacement de notre bilan carbone figure parmi les plus importantes et que c’est celle sur laquelle nous avons collectivement la plus grande marge de manœuvre à l’échelle locale3.
Crédit photo : Griffinrocco1, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Notes
- La presse locale nous apprend que du côté de la région aussi on aime bien creuser virtuellement toujours le même sillon. Du côté de la réouverture de la ligne de train Orléans-Châteauneuf, « une nouvelle étude [est] actuellement en cours » (« Pour ou contre la réouverture de la ligne de train entre Orléans et Châteauneuf-sur-Loire ? », La République du Centre, 17 janvier 2021). Ça va finir (si on cesse d’amuser la galerie un jour !) comme l’histoire du téléphérique des Aubrais, avec des millions d’argent public dépensés en pure perte.
- François Guéroult, « Orléans Métropole lance ses « assises de la transition écologique » », France Bleu Orléans, 13 janvier 2021.
- Pour ne pendre qu’un exemple, on parle beaucoup de rénovation énergétique des bâtiments alors qu’il apparaît aujourd’hui que les résultats de ce type de travaux (et de politique) sont très décevants à cause de l’effet rebond. Lire par exemple « En Allemagne, les rénovations énergétiques des bâtiments n’ont pas fait baisser la consommation » (Le Monde, 4 octobre 2020). Relevons que le passage à la voiture électrique ou encore autonome risque de souffrir du même phénomène. Il n’y a qu’à pied ou à vélo que l’effet rebond est bénéfique !
Je ne ferai pas de commentaires politiques sur la difficulté à agir … mais relève des approximations regrettables : « [augmentation de la surface en espaces verts du site,] passant des 12 ha correspondants au [schéma de principe du dossier de création] ». Ainsi que « [identifié comme une voirie secondaire] sur laquelle il y a nécessité de renforcer son caractère [d’entrée de ville].
Dans les CCTP pas dans mon billet, ouf ! 😅
Du reste j’ai beaucoup aimé ton billet sur la motivation des élus (ainsi que le commentaire de F. Héran).
Rien à dire sur les Groues, un lieu qui devrait être sanctuarisé « parc urbain » sur sa totalité et être déclaré « non constructible ». Son sort est davantage entre les mains des communicants que des politiques.
J’ai dévoré le § Finlande, équipements cyclables de qualité & neige.
Comme l’auteur de l’article se lève tôt pour éviter le Covid 🙂 j’espère en postant ce commentaire, passé le couvre-feu, pouvoir croiser la neige en local d’ici une quinzaine de jours, le temps qu’il nous la porte avec son tricycle.
JPB
Et même pas une petite vacherie sur Lidl ? 🙃
Je ne suis pas sur « mon » cyber-cahier, j’essaye de bien me tenir.
Déjà que j’ai noté son problème d’heure & de Covid en pensant avoir vu un zeugma.
Ce qui me turlupine c’est qu’on puisse offrir des cartes cadeaux Lidl.
Bon, j’oserais pas lui poser directement la question. J’espère que c’est un truc lié au boulot, un équivalent des chèques restaurants ou quelque chose comme ça.
PS : je viens de me rendre compte que mon blog fête aujourd’hui même ses quatre ans. 🎉
Le terrain des Groues dans mon souvenir se trouvait pas éloigné de l’enseigne citée dans le billet. En lisant que c’était l’anniversaire de ce jouèb et en pensant à mon micropoème chaperonnesque et matinal, trouvé sur le chemin vespéral :
Entre chiens et loups
Ni bleu ni jaune*
Close l’enseigne « discount »
Le livre de Ginette M.
À garder encore un an.
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* l’enseigne est celle d’un concurrent.
Il n’est pas top-top, mais l’esprit est là : bon anniversaire !
Le sel est un conservateur bien trop utilisé dans les produits des enseignes de rabais, mais une pincée de temps, même sans rire, fait du bien dans les billets que l’on souhaite voir fleurir encore nombreux, au moins d’ici les 5 ans.
JPB