Que font tous ces scooters ici ? — par Bicycle Dutch
Aux Pays-Bas, depuis 1974, certains cyclomoteurs ont l’obligation d’emprunter les pistes cyclables : il s’agit des light moped, dont la vitesse maximale est, en principe, de 25 km/h1. La cohabitation ne va pas de soi, en particulier à Amsterdam où non seulement ces 2RM sont de plus en plus nombreux mais où, d’autre part, les pistes cyclables sont relativement étroites (d’un point de vue néerlandais bien sûr). Les cyclistes protestent depuis longtemps contre cette cohabitation forcée. En 2017, Mark Wagenbuur avait couvert une manifestation demandant une évolution de la réglementation.
Voici la traduction de « Why are all these scooters here? » publié le 26 septembre 2017 sur Bicycle Dutch.
Vendredi dernier, des centaines de personnes ont pédalé ensemble pendant l’heure de pointe du soir à Amsterdam. Ils ont scandé « Pistes cyclables… sans scooters » et – dans le plus pur style amstellodamois – « Pourquoi tous ces scooters sont-ils ici ? Jetez ces ordures dans le canal ! » Bon, de quoi parle-t-on exactement ?
Si vous n’avez jamais connu les grandes manifestations procyclistes à Amsterdam (et dans d’autres villes des Pays-Bas) dans les années 1970, vendredi dernier vous en aurait presque donné un aperçu. Dès lors qu’ils l’estiment justifié, les Néerlandais descendent encore dans la rue sur leurs vélos armés de drapeaux, de banderoles, de sifflets et de klaxons. En l’occurrence, pour une cause très louable : les scooters et les cyclomoteurs empruntent toujours les pistes cyclables d’Amsterdam et du reste des Pays-Bas. Ils mettent en danger et ennuient les personnes qui y circulent à vélo, par leur volume, leur vitesse, leur bruit et leur pollution. Étrange, car Amsterdam avait déjà convaincu le ministre des transports en juin 2014 que cela devait changer. Le ministre avait en effet proposé aux législateurs de décider d’envoyer les scooters sur la chaussée, mais ceux-ci n’ont pas légiféré sur le sujet. Plus étrange encore, en janvier 2016, une motion visant à reporter la décision et à faire d’abord plus de recherches a été rejetée, mais on attend toujours une décision – près de deux ans plus tard.
Pour convaincre le législateur qu’il doit agir sans délai, une manifestation a été organisée le vendredi 22 septembre 2017. Plusieurs groupes, tels que la branche amstellodamoise du Fietsersbond et un groupe d’habitants luttant pour une ville apaisée et respirable, se sont joints à cette action.
Une campagne bien connue est celle intitulée « Nuisances des scooters« , avec le slogan : « Rendez la piste cyclable aux cyclistes ». J’avais réalisé une vidéo pour cette campagne en 2014. Depuis, le problème n’a fait que s’aggraver. Le nouveau site internet « Give the cycle path back » résume très bien les problèmes actuels sur leur page en anglais.
- Il y a aujourd’hui quatre fois plus de scooters qu’il y a dix ans.
- 96 % des scooters roulent beaucoup trop vite et sont souvent illégalement débridés.
- Les scooters sont impliqués dans trois fois plus d’accidents que tous les autres usagers de la route.
- Les scooters sont très polluants et malsains, jusqu’à cent fois plus que les vieilles voitures diesel.
Il existe également une contre-organisation : « Défense du scooter » (Scooterbelang). Ils ont eux aussi organisé une manifestation, deux semaines plus tôt. Sur leur site web, ils signalent « qu’avec un groupe de sympathisants », ils ont roulé sur la chaussée à 25 km/h pour montrer combien ce serait dangereux et à quel point la circulation serait bloquée. La chaîne d’information AT5 d’Amsterdam a eu l’amabilité de mentionner la taille du groupe : 14 conducteurs de scooters ont participé à cette action.
Le Fietsersbond signale que les experts ne sont pas d’accord sur le fait qu’il serait dangereux d’envoyer les scooters sur la chaussée. Dans un article récent, ils écrivent :
Déplacer les scooters lents sur la chaussée n’est pas dangereux, selon l’autorité néerlandaise de sécurité routière SWOV. Au contraire : la conclusion préliminaire du rapport SWOV de 2013 est : « L’envoi des scooters sur la chaussée avec l’introduction d’une législation sur le port obligatoire du casque permettra de réduire le nombre annuel de blessures d’environ 261 victimes. Cela représenterait une réduction de 38 % par rapport à la situation de 2012, où le nombre était de 689 ».
Les partisans du maintien des scooters sur les pistes cyclables affirment que la solution consiste simplement à faire respecter la limite de vitesse de 25 km/h. Cependant, en 2014, le maire d’Amsterdam avait convaincu la ministre en lui écrivant que l’application de la loi n’était pas la solution. J’ai déjà cité cette lettre : « En 2013, 4 000 des 16 000 heures de police disponibles pour la gestion du trafic ont été consacrées à essayer de faire respecter la limite de vitesse des cyclomotoristes légers. En 2012, 50 % des cyclomotoristes ont été arrêtés une ou plusieurs fois. En 2013, ce pourcentage était passé à 56%. »
Le Fietsersbond annonce maintenant que ce chiffre a encore augmenté, passant de 77 % à 81 % dans les années qui ont suivi. En 2016, le pourcentage de conducteurs de 2RM qui roulent à grande vitesse est passé à 87 % (certaines recherches affirment même qu’il est de 96 %). Lorsque une telle proportion de personnes enfreignent les règles, l’application intensive de la loi est devenue en pratique encore plus impossible qu’elle ne l’était déjà en 2014.
Ce conducteur de scooter – qui voulait couper la manifestation – a été arrêté par la police. Il y a une certaine application de la loi !
Actuellement, en 2017, il y a plus de 40 000 scooters rien qu’à Amsterdam et plus de 700 000 dans tout le pays. Il est en effet temps que les choses changent : les scooters doivent être écartés des pistes cyclables. C’est pourquoi j’étais présent à la manifestation.
Mise à jour de juin 2018
Il semble qu’enfin les scooters vont être boutés hors des pistes cyclables d’Amsterdam (et d’autres villes des Pays-Bas) à partir du 8 avril 2019 ! Pour en savoir plus, cliquez ici.
Amsterdam a publié une carte des pistes cyclables qui ne seront pas empruntées par les scooters (lignes vertes).
Une fois n’est pas coutume, je me permets d’ajouter un complément à cet ancien billet de Mark Wagenbuur, après l’avoir consulté. La décision d’Amsterdam de bannir les scooters des pistes cyclables est un succès2 :
- Le nombre d’accidents impliquant des scooters entre avril et octobre 2019 a diminué des deux tiers (30 accidents contre 100 en moyenne).
- Le nombre de scooters enregistrés a diminué d’un tiers (26000 en octobre 2019 contre 37000 en janvier 2018).
- Le nombre de trajets en scooter a diminué de moitié.
Pour faire respecter la nouvelle réglementation, la ville d’Amsterdam compte davantage utiliser la vidéoverbalisation qui, d’après une étude de 2016 conduite au niveau de la piste cyclable du tunnel du Rijksmuseum, est 2,5 fois plus efficace que les agents sur le terrain3.
La prochaine ville à se lancer dans l’aventure pourrait bien être Utrecht. Affaire à suivre.
Notes
- Dans les faits, comme le relevait déjà Mark Wagenbuur en 2013, plus de 9 usagers sur 10 roulent trop vite, à 37 km/h de moyenne ! Lire « The Moped Menace in the Netherlands » où l’histoire de la réglementation et celle de l’évolution des modèles de 2RM est clairement retracée : « En 1999 le type de cyclomoteur le plus lourd a été renvoyé sur la chaussée principale. Mais à partir de ce moment-là, le type plus léger – light moped – est devenu étonnamment attrayant. Les gens ne voulaient pas se mêler à la circulation automobile et ne voulaient pas porter de casque, alors ils sont passés en grand nombre au type plus léger. Les fournisseurs ont remarqué cette nouvelle tendance et ils ont également remarqué que les cyclomoteurs légers ressemblant aux modèles lourds se vendaient le mieux. Aujourd’hui, il n’y a plus vraiment de différence. Les deux types sont généralement exactement les mêmes, mais l’un est contrôlé pour ne pas dépasser 25 km/h et l’autre est équipé d’un limiteur qui l’empêche de dépasser 45 km/h. Ce limiteur est facilement désactivé et c’est ce que font la plupart des conducteurs. »
- « Amsterdamse snorfietsmaatregel effectief: andere steden willen volgen », RTL Nieuws, 10 décembre 2019.
- « Amsterdam wants to use cameras to enforce the scooter ban », Iamexpat, 18 septembre 2019.
Hans Kremers a déjà publié un article sur ce sujet, et celui-ci l’illustre très bien. Mais qu’en est-il aujourd’hui ? Existe-t-il des engins intermédiaires comme les pedelecs ou vae ?
Pardon, je lis bien : « La décision d’Amsterdam de bannir les scooters des pistes cyclables est un succès » ou un demi-succès, j’ai l’impression. Les deux types d’engins se ressemblent à s’y méprendre, n’est-ce pas, et les débridages fréquents?
Finalement la situation peut être comparée à la française où existent des « pedelecs rapides » difficiles à distinguer d’un VAE (dans les deux cas pédalage requis quand même), mais où existent aussi des motocyclettes, par contre très différentes d’aspect et sans pédalage. En tous cas s’il y avait obligation du casque pour les cyclistes la différence serait encore plus difficile à établir entre ce qui relève du vélo et ce qui relève du … vélo très rapide, habile maquillage de motocyclettes légères à assistance par pédalage. Vous suivez ?
D’accord je comprends mieux.
Disons que dans le cas d’Amsterdam la situation est quand même bien plus limpide qu’avant : plus d’engins sans pédales dans les pistes cyclables.
Il me semble que les EDPM sont très peu développés aux Pays-Bas.
Il serait intéressant de savoir si les speedbikes le sont, eux (comme j’ai pu le constater en Belgique sur la véloroute entre Bruxelles et Louvain).
Ta question porte-t-elle sur la réglementation ?
Car concernant la pratique – au moins du point de vue du marché – il semble que le VAE est en plein boom aux Pays-Bas (420000 VAE vendus en 2019 pour un prix moyen de 2067 €).