Extension du domaine du potelet rue des Murlins

Dans son hommage posthume à Jacques Chirac – « 1er maire de Paris anti-bagnoles » – Isabelle Lesens souligne qu’en tant que maire de Paris il « fit hérisser les bords des trottoirs de potelets, seul moyen encore à ce jour de les préserver du stationnement ». Olivier Razemon de son côté qualifie les potelets de « cauchemar du piéton » notamment pour leur caractère « envahissant » tout en constatant qu’ils « font partie, qu’on le veuille ou non, de l’univers urbain ». Ce qui se vérifie à Orléans où une autre espèce envahissante, le parent d’élève en mission de récupération de sa progéniture scolarisée, impose trop souvent son tropisme bagnolard à coup de « stationnement sauvage » – autrement appelé GCUM sur les réseaux sociaux.

En novembre 2018, le quotidien local évoquait la verbalisation de ce comportement1. L’adjoint à la sécurité expliquait alors :

« Si certains pouvaient rentrer dans l’école avec la voiture, ils le feraient !  On comprend les impératifs de chacun, mais nous croisons des comportements qui ne sont pas rationnels. La phase de répression est devenue inévitable. Tous les jours, nous sanctionnons des automobilistes. »

On aimerait le croire mais quand le 2 septembre 2019, le quotidien explique que la police municipale « va redoubler de vigilance cette semaine [de rentrée scolaire] »2, le journaliste conclut sa brève sur une note sceptique : « [la verbalisation] devait également être mise en place à Orléans. » Alors vigilance sans verbalisation ?

Du côté des commentaires de lecteurs, on trouve un adepte du poil à gratter :

Entre les rues des Murlins et du faubourg Bannier se trouvent plusieurs composantes d’un établissement privé sous contrat : Sainte Croix Saint Euverte. Et absence de carte scolaire oblige, certains parents viennent de loin en SUV.

Opération « des poteaux pour les cathos »

Dans le dernier budget participatif de la ville d’Orléans, le projet « Protégeons les écoliers ! » avait été retenu par le vote citoyen. Il proposait d’installer des potelets rue des Murlins dans la partie délimitée par les rues de Coulmiers et Caban.

Il faut dire qu’aux entrées et sorties des classes c’est ambiance carpocalypse : voitures partout, sécurité nulle part. Les piétons ne peuvent plus avancer tranquillement sur le trottoir et les personnes qui circulent à vélo ne peuvent plus emprunter le double-sens cyclable sereinement.

Le chantier a été rondement mené :

Pendant le chantier, la circulation a été maintenue avec un double sens cyclable enfin praticable :

Quelques potelets vous manquent…

En situation, il n’est pas surprenant de retrouver du stationnement sauvage dans les quelques zones non protégées. Devant les sorties de garage par exemple. Une chaîne est aussi solide que son maillon le plus faible. Alors quand il manque des maillons…

Cinq potelets manquent à l’appel. Les marques au sol témoignent de cette absence.

C’est ainsi que naissent les potelets.

La volonté populaire se serait-elle heurtée à des riverains récalcitrants ? Certaines personnes considèreraient-elles le trottoir comme un extension de chez eux ? Un sujet d’enquête pour La République du Centre qui titrait « La circulation piétonne se sécurise autour des écoles » en évoquant ces travaux.

La notion d’intérêt général n’est pas comprise par tout le monde manifestement, et les élu(e)s ne sont pas non plus au clair sur la question puisqu’ils sont capables d’un côté de terrasser un jardin pour ouvrir une nouvelle rue (quartier Sonis, rue Pierre Gabelle3) malgré l’opposition des riverains mais de l’autre de laisser des riverains décider de l’avenir de deux rues qu’ils ne sont pas le seuls à emprunter (venelle de la Boëche et rue Xaintrailles4). Bref, l’intérêt général à géométrie variable mais dont la seule constante est le stationnement, encore et toujours5.

Au début de la rue des Murlins, le potelet règne. À l’époque de sa requalification, il n’y a pas eu de passe-droit.

Notes

  1. « Le stationnement sauvage devant les écoles d’Orléans verbalisé », La République du Centre, 20 novembre 2018.
  2. « Stationnement sauvage près des écoles : la police municipale d’Orléans renforce sa vigilance cette semaine », La République du Centre, 2 septembre 2019.
  3. « Le prolongement de la rue Pierre-Gabelle contesté à Orléans », La République du Centre, 8 juillet 2019. Les pelleteuses ont travaillé tout l’été. L’ancien jardin n’est plus. La politique du fait accompli permet d’accoucher d’un accord a posteriori à coup de re-verdissement. Voir « Le chantier devrait s’achever vers la fin du mois de mars 2020 », 25 septembre 2019.
  4. « Pas de consensus pour la rue Xaintrailles », La République du Centre, 27 septembre 2019.
  5. Voir aussi ce qui s’est passé du côté de la rue des Pensées, avec une issue pour une fois plus heureuse.

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5 réponses

  1. REGUIGNE REGIS dit :

    « Oui mon pote, qu’il est laid, qu’il est laid le potelet… » ; oui, mais qu’il est UTILE !

    • janpeire dit :

      Pour une fois, nous sommes d’accord.

      🎶​ Ho qu’ils sont beaux
      Mes millions d’euros
      Ho qu’ils sont laids
      Ces vilains potelets
      Millions d’euros, les laids potelets
      Les laids potelets, millions d’euros
      Mais touche pas à mon auto
      🎶​

  2. Yann d'Orléans dit :

    Salut Jeanne,

    Je suis à l’origine du projet car la situation est (comme dans toutes les écoles) vraiment dangereuse pour les enfants piétons et les cyclistes.
    En plusieurs années, je n’ai jamais vu la police municipale verbaliser un stationnement gênant. Pire, je les vois régulièrement passer et ne rien dire aux parents indélicats… Alors avec une poignée de parents d’élève nous avons pris le taureau par les cornes et le projet a été soutenu par une majorité de parents d’élèves. Il ne faut pas compter sur la police municipale (comprendre les élus) pour faire la chasse aux #GCUM malgré des discours aux antipodes de la réalité du terrain.

    Tout s’est bien déroulé dans la phase préparatoire mais au moment du début des travaux j’ai reçu un coup de téléphone de la mairie m’annonçant que des riverains étaient contre le projet et qu’il fallait retirer quelques potelets. J’ai beau eu rouspéter et dire que le vote était citoyen et que le trottoir n’appartenait pas aux riverains mais à la communauté. La conversation est montée d’un ton et j’ai eu droit aux traditionnels couplets : le stationnement est rare dans le quartier – les enfants peuvent changer de trottoir.

    Cette situation montre le manque de courage politique des élus locaux :

    1. Le stationnement est rare mais il est gratuit. Ce qui fait que les parents d’élèves (qui restent 15 minutes sur zone) ne trouveront jamais une place de parking à proximité car toute les places sont prises par le stationnement résidentiel. Il faut rendre payant le stationnement dans tout le quartier en laissant 30 minutes gratuites pour le commerce de proximité et les écoles.

    2. L’important trafic de transit aux heures où les écoliers vont et sortent de l’école ne donnent pas envie aux parents de laisser leurs enfants enfourcher un vélo pour rentrer chez eux. Même à pieds, mes enfants ne sont pas en sécurité, la place Dunois avec ses passages piétons invisibles et les stationnements jouxtant les clous rendent la situation vraiment accidentogène. Il faut complètement revoir le plan de circulation des zones résidentielles pour éviter les shunts (en gros éviter ce qui a été fait encore récemment avec la rue Duvillard).

    3. Il faut créer des pédibus ou des vélobus pour les écoles d’Orléans. Plus les enfants d’Orléans iront à pied ou à vélo à l’école moins il y aura de problème.

    Bon dimanche.

    Yann d’O.

  3. laurentb dit :

    Chère Jeanne,

    Je ne suis pas pour l’installation de potelets sur les rues souvent étroites car dans la majorité des cas, les trottoirs le sont aussi. Cela a une conséquence perverse, c’est que la réduction de cet espace engendre des difficultés de passage pour les personnes en fauteuils (surtout les motorisés généralement un peu plus large).

    Il faut cependant faire un constat bien réel :
    -les trottoirs hauts ne bloquent plus autant qu’avant depuis une généralisation de 4*4 Urbain (dont les SUV en sont une branche). Il ne reste donc que ces solutions potelets/barrières.
    -les aménagements autours des écoles ne sont clairement pas pratiques pour les personnes devant récupérer les enfants qui sont en voiture.
    -les consignes dans les écoles sont tellement strictes que le parent automobiliste n’a pas d’autres choix que de se garer 5 min pour pouvoir récupérer son/ses enfants.
    -les horaires proposés par la métropole pour les temps prérisco ne sont pas non plus cohérents avec des parents qui travaillent.

    Effectivement, l’environnement autour des écoles devraient être retravaillé pour permettre la mise en place de « dépose minute », avec une bonne organisation, cela pourrait permettre une fluidification de la circulation tout en limitant l’espace dédié à l’arrêt des parents.
    Il ne faut pas se leurrer, oui il y a des personnes qui pourraient déposer leurs enfants sans prendre leurs voitures, mais pour des raisons de praticité, ne le font pas. D’autres pensent qu’ils doivent utiliser leurs voitures car ils vont au travail par la suite et par méconnaissance ou flemme ne vont pas vers des solutions alternatives. Pour une troisième catégorie, il y a effectivement obligation de l’utilisation d’une voiture.
    Ceci est un débat bien plus large que le cadre purement scolaire.

    @Yann d’Orléans,
    Chapeau bas pour l’initiative, je n’attends plus rien que ce soit des Mairies ou de la Métropole, pour faire de la communication généraliste et enthousiasmante pour leurs projets/réalisations, là ils savent faire bouger les choses mais pour répondre à des besoins spécifiques de leurs citoyens, là c’est le vide ou du sans fond.
    Concernant le dernier point, ce serait effectivement des solutions mais pour cela il faudrait que la Mairie paye des agents pour cela et rien que pour cela, difficile de mettre en place.

    Laurent

    • Bonjour et merci pour ce commentaire.

      La réduction de la taille du trottoir est en effet un problème (souligné par O. Razemon dans son billet).

      Il y a eu pas mal de réactions sur la plateforme du budget participatif (23 réactions dans la partie discussion). L’idée des dépose-minute a été évoquée. Las, en l’absence d’une volonté politique de contrôler l’usage de l’espace public par la voiture c’est un type d’aménagement voué à l’échec.

      Exemple avec la zone pour les bus et cars le long du haut mur de Sainte-Croix :
      GCUM zone bus/cars

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