Entre piste de running et boulevard urbain bussophobe

Depuis la rive droite de la Loire, et donc la partie nord d’Orléans, rejoindre le jardin des plantes via le pont George V a déjà fait l’objet d’un billet ici même. A l’occasion des travaux de requalification de la RD2020 en boulevard urbain au sud du pont Joffre, il était tentant d’atteindre la même destination en passant par le pont de l’Europe qui, depuis fin 2000, inscrit la blancheur de son unique arc oblique dans le ciel ligérien. La levée de la rive gauche accueille entre ces deux ponts une piste de running rectiligne qui fait la fierté sportive de la ville et le bonheur des joggeurs.

Deux lieux, deux ambiances.

Running isn’t cycling

Orléans propose donc à celles et ceux qui aiment courir une boucle de 5,8 km inaugurée fin 20161. Bien matérialisée et éclairée, cette piste de running était un projet mené par l’infatigable adjoint aux sports orléanais. Depuis fin 2017, elle est agrémentée d’agrès de street workout2.

A l’époque la presse évoquait même un (autre) projet de passerelle3 :

Un projet d’installation, sous le pont Joffre, d’une passerelle longeant la Loire est à l’étude. L’encorbellement permettrait, ainsi, aux coureurs d’éviter la traversée de l’avenue de Trévise pour rejoindre le chemin piéton du quai de Prague.

Il faut toujours se méfier des projets de passerelle… Inutile de préciser que ça ne s’est pas fait et que les joggeurs continuent de courir le long de l’avenue de Trévise pour quelques hectomètres d’ambiance à la Buffet froid4.

Au bout de la levée, la piste continue sur un étroit trottoir le long de l’avenue de Trévise.

Ce circuit de running a été lauréat de l’édition 2017 des Défis urbains dans la catégorie « Paysage urbain ».

En juin 2018, la ville a souhaité dresser un premier bilan en interrogeant les usagers du circuit5. Parmi les points négatifs :

Le partage de l’espace parfois délicat avec les cyclistes.

Nous y voilà. On peut imaginer que cette gêne est particulièrement ressentie sur ce trajet rive sud car le cheminement de « calcaire renforcé » est manifestement trop étroit. Deux personnes peuvent se croiser mais pas plus. On devine sur le côté une ligne de désir : trace vélo antérieure à l’aménagement ?

A droite de la piste, une ligne de désir continue est visible.

Il semble qu’il y avait l’espace disponible pour faire plus large (considération technique ? budgétaire ?). C’est dommage car c’est très agréable à vélo. Entre rive de Loire arborée et hippodrome verdoyant, le trajet est plaisant.

Quand on pousse le plus gros c’est le plus petit qui trinque

Du côté de la RD2020 toute proche, la transformation en boulevard urbain est en train de s’achever. A l’occasion d’une visite de chantier en octobre dernier, il avait été constaté que la ville avait choisi de placer les arrêts de bus « en encoche » (conduisant les chauffeurs de la TAO à opérer des manoeuvres pour rejoindre et quitter le point d’arrêt). L’espace étant malgré tout contraint, cela a conduit tout bonnement à interrompre la piste cyclable – tranquille mimile. L’indispensable continuité des itinéraires cyclables attendra. Le pire c’est qu’il semble qu’en vertu de l’arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l’accessibilité de la voirie et des espaces publics, ce soit une configuration interdite en ville :

En milieu urbain, sauf en cas d’impossibilité technique, les arrêts [de véhicule de transport collectif] sont aménagés en alignement ou « en avancée ».

Il faut dire que dans la conception orléanaise du réseau de transport en commun le bus est, semble-t-il, un gêneur comme en témoigne l’accompagnement politique du dispositif de l’arrêt à la demande en soirée :

Cela dit la piste est roulante et les bordures aux intersections relativement indolores. Comme dans l’autre sens (sud – nord), la piste s’arrête net et ne débouche sur rien. En l’état actuel – le futur parvis du jardin des plantes étant encore en travaux – impossible de le rejoindre par cette piste. Il faut prendre de l’autre côté… à contre-sens.

Allez, en selle pour une minute trente sereine sous un beau ciel de juin !

Pendant ce temps-là dans Orléans.mag

Dans le numéro 169 de juin, à la page 36, on trouve l’article « Co-construire l’avenir des Groues » dont le chapeau est ainsi rédigé :

Aménagement. Le futur éco-quartier des Groues est désormais associé à l’architecte de renom Patrick Bouchain, qui implique les habitants et les élèves du collège voisin dans sa démarche de co-construction du site de près de 40 hectares.

Si vous avez lu le billet précédent – Les Groues à vélo – vous savez qu’il n’en est rien. Le chapeau de cet article pêche par raccourci et le corps de l’article ne vient en rien dissiper le malentendu.

Inutile donc de crier « Patriiiiick ! » à moins que vous ne vous rendiez aux deux concerts que donne l’inoxydable Patrick Bruel au Zénith cette semaine6. Il n’y est pas attendu à vélo.

Notes

  1. « Les Joggers dans la boucle », jeudi 8 décembre 2016.
  2. « Fin des travaux de la première boucle de running à Orléans », La République du Centre, 20 novembre 2017.
  3. « Un itinéraire pour les coureurs tracé sur les bords de Loire », La République du Centre, 16 octobre 2016.
  4. On parlait aussi à l’époque d’autres boucles : « Le projet ne se limite pas à cette première boucle de 5,8 kilomètres. Une deuxième devrait émerger d’ici à fin 2017. Cette fois, 8 kilomètres entre le pont Thinat et le pont de l’Europe. À une échéance un peu plus lointaine, mais pas encore déterminée, une troisième boucle sera aménagée. 14 kilomètres entre le pont de l’Europe et l’île Charlemagne. » Rien du côté du pont Thinat à ce jour ni du côté du futur « Parc de Loire » (voir « Le circuit de running en bords de Loire inauguré ce samedi soir à Orléans », La République du Centre, 10 décembre 2016).
  5. « Que pensent les Orléanais du parcours de running et des agrès de street workout en bord de Loire ? », La République du Centre, 16 octobre 2016.
  6. « Une deuxième date à Orléans pour Patrick Bruel », La République du Centre, 25 octobre 2018.

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4 réponses

  1. janpeire dit :

    La vidéo montre que avec un peu moins de verditude, un meilleur traitement des intersections et des arrêts-bus, l’équipement n’aurait pas besoin de travaux lors de l’arrivée des 100 cyclistes aux horaires de travail dans l’avenir proche.
    Jp

  2. Yann d'Orléans dit :

    Ah on parle enfin d’un vrai sport : le running 🙂

    Le parcours rive droite entre le pont de l’Europe et le pont George V (aka le pont de l’omerta) est très (trop) bruyant. Partant de chez moi je préfère rester sur le Fbg Madeleine jusqu’au pont de l’Europe. Ensuite, sur toute la rive droite, la cohabitation est parfois difficile avec les piétons alors qu’il y a de la place pour séparer les flux.

    Concernant la rive gauche, je préfère courir en bas de la digue car c’est plus calme et plus sauvage et ca m’évite le passage sur la route…

    Toujours rive gauche, ta vidéo commence après le rond point du LabO pourtant les pictos sont mal placés :

    https://twitter.com/rat_orleans/status/1109415789378105349

    Alors qu’il faut traverser un rond point à vélo en restant au milieu :

    https://www.youtube.com/watch?v=ApojJHrYzVE

    Enfin, toujours rive gauche, dommage qu’il n’y ait pas de continuité cyclable après le pont George V (normal c’est le pont de l’omerta) en direction de l’Ile Charlemagne cela créérait un semblant de continuité avec St Marceau.

    Dommage que tu n’aies pas fait rock’n roll en traversant le pont Joffre à vélo… Bon ton espérance de vie aurait considérablement baissé.

    A bientôt,
    Bien à toi.

    • janpeire dit :

      Je fais réponse ici à ton touitte sur les sévices municipaux qui posent mal les pictos… c’est une entreprise privée qui réalise le marquage. La mairie devrait contrôler la qualité du rendu avant de payer, mais, cela suppose un service qualité. Le thermomarquage a été en place environ 3 mois (bvd A. Martin) par exemple.

      Pour revenir au projet de continuité entre le pont Voldemort et l’île Carolus Magnus, ce serait un bien beau sortilège de voir un⋅e candidat⋅e sortir sa baguette magico-électorale pour le jeter sur la Loire à vélo et annoncer laisser l’itinéraire au sud, sans les complications inutiles d’entrée et sortie du pont Thinat ou la supercherie des quais du Châtelet. De plus, les commerçant⋅e⋅s qui ne peuvent pas nous encadrer seront satisfait⋅e⋅s.

      Autrement, il y a la route des Hautes Levées dont le traitement aurait mieux mérité que ce qui a été commis lors de la construction des sanitaires. Y circuler aux heures de pointes est anxiogène. Un après midi de juin pour dessiner un dauphin, selon le niveau de cyclabileté du cycliste, ça passe, et cela évite le conflit avec les running-man ; n’est pas Schwarzenegger qui veut.

      • Concernant les pictos dans le giratoire, on peut quand même signaler le fait suivant (tiré d’une publication officielle) concernant la « trajectoire matérialisée » (car c’est de ça dont il s’agit) :

        « L’arrêté du 23 septembre 2015 introduit le concept de trajectoire matérialisée pour les cycles. Les gestionnaires de voiries ont à présent la possibilité d’indiquer au sol une trajectoire conseillée aux cyclistes, sans que cette dernière n’entraine aucune contrainte pour le cycliste. »

        Donc on peut avancer que c’est au mieux inutile, et au pire nuisible (les totomobilistes pouvant penser que notre place est sur le picto et nulle part ailleurs). Le seul cas d’utilisation intéressante est celui des pseudo-vélorues à la française où le picto est mis au milieu de la voie.

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