Circuler à vélo à Malmö, c’est comment ? — par Bicycle Dutch
Après « Un carrefour urbain ordinaire aux Pays-Bas » et « Un nouveau pont dans une zone résidentielle » voici une nouvelle traduction tirée du blog de référence Bicycle Dutch de Mark Wagenbuur : « How convenient is cycling in Malmö (Sweden)? », article publié le 11 décembre 2018.
En Suède, Malmö a été élue deux fois Cycling Friendly City of the Year1. Qu’est-ce que ça signifie à l’échelle internationale ? D’un point de vue néerlandais, est-ce que se déplacer à vélo dans la troisième plus grande ville de Suède est agréable ? Après avoir visité Copenhague il y a quelques semaines, j’ai pris le train qui passe sur le pont de l’Øresund pour me faire directement ma propre idée sur la question. En 2013, la ville affichait l’ambition de « devenir encore plus cyclamicale, en créant un environnement cyclable de classe mondiale ». J’avais donc de grandes attentes. Découvrons maintenant ce que j’en pense.
Malmö, à l’extrême sud de la Suède, est une ville de 340 000 habitants, mais l’aire métropolitaine atteint les 700 000 habitants. Ce qui fait de Malmö la troisième plus grande ville de Suède (après Stockholm et Göteborg) et une ville tout à fait comparable à Utrecht où j’ai grandi. Malmö apparaît pour la première fois en 1275 et était alors une ville danoise. Elle n’est devenue suédoise qu’en 1658. La ville est très dense. Il y a environ 10 km entre son centre et sa périphérie. Installée sur un territoire plat, elle se prête très bien au vélo. Le centre historique est relativement petit et a été largement piétonnisé dans sa partie commerçante. La ville s’est légèrement étendue avant-guerre mais la ville moderne date principalement de l’après Deuxième Guerre mondiale. Ces zones comportent des routes plus larges à même d’accueillir un trafic motorisé important et tout un réseau de rues résidentielles à l’écart de cette circulation. Les nombreux espaces verts entre ces zones sont équipés de pistes cyclables totalement séparées des routes. Là où les deux types de voies se croisent les carrefours sont le plus souvent sécurisés notamment par des passages en-dessous, ou au-dessus, de la route. C’est ce qui explique que me déplacer à vélo dans Malmö m’a semblé agréablement familier, comme aux Pays-Bas, et a singulièrement contrasté avec mon expérience danoise de la veille.
En 2006, Malmö a lancé une campagne grand public. Intitulée « Pas de déplacement ridicule en voiture », cette campagne avait pour objectif de convaincre les habitants d’arrêter de prendre la voiture pour de courts déplacements (moins de 5 km). Presque 10 000 personnes affirment avoir changé de comportement à l’occasion de cette campagne de sensibilisation et faire davantage usage du vélo. Désormais, 100 000 déplacements à vélo sont effectués quotidiennement sur plus de 500 km de piste cyclable. Toutes ces pistes sont en site propre et protégées. Il n’existe aucune bande cyclable à Malmö. La ville ne croit pas à la peinture comme infrastructure et les élus ont bien raison sur ce point ! Malmö a été désignée Sweden’s Cycling Friendly City of the Year en 2011 et 2012. La ville a élaboré un ambitieux programme cyclable pour 2012-2018. Il visait à faire passer la part modale du vélo de 23 % (en 2008) à 30 % (en 2018). Les sources les plus récentes semblent indiquer que l’objectif est quasiment atteint (pour les déplacements domicile/travail ou domicile/étude on atteint presque 40% de part modale).
En 2013, la ville a publié un magasine en anglais dans lequel Olle Evenäs déclarait : « Malmö est une ville parfaite pour les cyclistes, c’est plat, la plupart des choses sont à portée de main, et nous travaillons continuellement à rendre les déplacements à vélo sûrs et faciles. » À cette époque, Olle était chargé de mission mobilité pour la ville. Depuis 2015, il est à la tête d’une équipe de consultant en matière de planification urbaine et des transports, toujours à Malmö. Olle a eu la gentillesse de me montrer l’infrastructure cyclable de la ville sur son temps libre un samedi. C’était super qu’il puisse m’expliquer de vive voix des choses qui ne sont pas évidentes au premier regard. Par exemple, pourquoi toutes les pistes cyclables sont bidirectionnelles à Malmö. Olle m’a expliqué que les Suédois n’aiment pas installer trop de panneaux de signalisation. « Par défaut, toutes les routes et donc toutes les pistes cyclables ,sont bidirectionnelles selon la réglementation suédoise. Si vous voulez faire autrement, vous devez placer un panneau à chaque extrémité de la voie, pour informer les usagers du sens de circulation. Et, pire, vous devez placer ces mêmes panneaux à chaque intersection. C’est compliqué et coûteux, il est donc préférable de se passer de signalisation, accepter les pistes cyclables bidirectionnelles et concevoir toute l’infrastructure en gardant cet état de fait à l’esprit. »
Le souhait suédois d’avoir le moins de panneaux de signalisation possible conduit malheureusement à des situations où la règle de priorité n’est pas immédiatement compréhensible, du moins pas pour moi en tant qu’étranger. Olle m’a expliqué qu’à une intersection tout dépend du marquage au sol. « Quand l’intersection est matérialisée avec des quadrilatères blancs (appelés « morceaux de sucre » en suédois) et les marques du cédez-le-passage, les cyclistes ont la priorité. Si ces marques sont absentes, les personnes à vélo doivent attendre que la voie soit libre. » Très bien mais ça devient délicat quand le marquage est effacé ou quand l’intersection jouxte un passage piéton ou encore lorsqu’elle se trouve à l’extérieur d’un rond-point, là où les conducteurs de véhicule motorisé doivent de toute façon céder la priorité aux autres véhicules circulant sur le rond-point. Le fait que ce soit également compliqué pour les Suédois est devenu manifeste quand Anders Norén writes a répondu à un de mes tweets : “Les règles de priorité embrouillées sont à l’origine d’un tiers des décès de cycliste. » Comme souvent, il est toujours possible d’améliorer les choses.
La ville de Malmö tente de rendre les carrefours plus compréhensibles en appliquant une conception simple et propre et en mettant en place un panneau de signalisation relativement nouveau. Il ressemble à celui signalant les passages piétons. Un carré bleu montrant un cycliste traversant la rue entre deux rangs de « morceaux de sucre ». Quoi qu’il en soit, j’ai constaté que la plupart des automobilistes se montraient courtois quand il s’agissait de négocier la priorité. Contact visuel et bon sens partagé fonctionnaient comme aux Pays-Bas. Quand votre trajectoire à vélo est lisible et que les automobilistes roulent à faible vitesse, ils sont enclins à vous laisser davantage de place que ce que prévoit la réglementation.
Le projet cyclable 2012-2018 pour Malmö comprenait un investissement de 400 millions de couronnes suédoises (environ 39 millions d’euros). L’un des projets les plus marquants est la constructions du parking à vélo souterrain de la gare centrale de la ville qui a ouvert en février 2014. Cette infrastructure peut accueillir 1500 vélos dont 700 dans une zone gardiennée. De plus, elle propose un atelier, une pompe en libre service, des toilettes et des écrans qui affichent en temps réel les horaires des trains et cars en partance. Cet espace clair et ouvert aux couleurs vives est accessible par des escaliers équipés de rainures et d’une rampe plus adaptée aux vélos cargos. Ce complexe propose également des places réservées à ces derniers, avec un arceau spécialement étudié pour faciliter leur sécurisation. Ce parking doit permettre de rendre plus facile l’intermodalité vélo/train. Les trains ont des fréquences soutenues, par exemple vers l’université de la ville de Lund et vers Copenhague via le pont de l’Øresund.
Un autre projet bien pensé est l’immeuble de sept étages Cykelhuset/Oh Boy Hotel construit en 2016. C’est un immeuble spécialement conçu pour le vélo composé de 55 appartements et 31 chambres d’hôtel4. Portes, couloirs et ascenseurs sont tous conçus pour vous permettre de rentrer chez vous avec votre vélo cargo et déposer directement les courses dans votre frigo5. Cela va presque sans dire, l’immeuble ne propose aucune place de stationnement voiture.
Des grands projets comme ceux-ci sont impressionnants mais ce qui rend vraiment une ville cyclable c’est l’attention aux détails. Ceux-ci sont très bien pensés et réalisés à Malmö. Les bordures sont toujours douces. Les passages souterrains sont légers et ouverts et sont agrémentés de fresques. Les plus modernes suivent les recommandations élaborées aux Pays-Bas : des murs inclinés et une bonne visibilité de bout en bout pour n’en citer que quelques unes.
Faire du vélo à Malmö est pratique et séduisant. Les locaux sont bien trop modestes et discrets sur tout ce qu’ils ont accompli mais peut-être est-ce ce qui rend le tout encore plus familier. J’ai souvent visité la Suède au cours de mon enfance mais je n’y étais pas retourné depuis 1989 ! Ça m’a fait du bien d’y retourner, et encore plus d’y pédaler.
Notes
- On pourrait traduire par « Ville cyclamicale de l’année » (NdT).
- C’est aussi à cet architecte qu’on doit le pont de l’Europe d’Orléans. (NdT)
- Ce type de signalisation existe en France. (NdT)
- Carfree en avait parlé en 2017. Notons qu’existe depuis 2008 à Grenoble un immeuble édifié selon le même principe : « L’immeuble à vélos » sur Vélo et Design, 12 décembre 2018. Wikipédia lui consacre même un article. Des vues en coupe et des plans sont accessibles sur le site du cabinet d’archiecte. (NdT)
- De nombreuses photos disponibles sur le site de Copenhagenize : « Malmö’s Bicycle House is Open – Cykelhuset OhBoy », 21 février 2017. (NdT)
Bravo pour la traduction !
>Voilà ce que j’aimerais voir aux Pays-Bas. Ce simple dispositif installé à quasiment chaque carrefour à feu permet de poser le bras et/ou le pied tout en restant en selle. Ça facilite les redémarrages lorsque le feu passe au vert. Ça empêche aussi les piétons de traverser en dehors des passages prévus.
À Orléans, rue d’Escure vers la rue Paul Fourche, au niveau du feu du double sens vélo, avant les rail du tramway, ont été positionnés : le feu « vélo », un espace libre pour le passage des piétons, une chaîne qui dissuade les piétons de passer ; non pas avoir positionné le feu « vélo, la chaîne et laissé l’espace libre pour que le piéton passe derrière le vélo.
En l’état actuel, il se jette dans la roue du cycliste ou passe devant le feu pour se jeter sous le tramway, c’est à ce genre de micros détails que l’on voit la différence entre une politique cyclable digne de ce nom et le bloubiboulga local.
Ah oui, bien vu, le parfait contre-exemple ! 🙂
Je retiens que le budget annuel consacré au vélo est de l’ordre de 10 euros par habitant et par an. Je note aussi la compétence des services de Malmö qui aménagent la ville pour le vélo.
Merci d’avoir traduit et partagé cet article ! J’avais déjà entendu parlé de l’initiative « No ridiculous car trips », une campagne de communication géniale (dont la France devrait s’inspirer…), mais je n’avais pas vu de reportage aussi détaillé sur les pratiques effectives du vélo à Malmö et la manière dont sont organisées les infrastructures. Inspirant !