Au bonheur de l’angle droit
Le trottoir cyclable a la cote un peu partout en France. Par la magie de pochoirs, plus ou moins habilement disposés, surgissent des infrastructures cyclables à moindre coût (financier mais surtout politique). Et tant pis pour les conflits d’usages avec les piétons et le renforcement chez les conducteurs d’engins motorisés du sentiment que le vélo n’est pas un véhicule comme les autres. En juin dernier, Vélorution Orléans a publié une tribune qui fait bien le point sur le sujet.
Le trottoir cyclable offre très souvent des passages pittoresques (bordures plus ou moins traitresses, tracés hasardeux, signalisation douteuse etc.) et on a vu récemment qu’il permettait même de faire se croiser deux cyclistes dans un espace de 1,20 m de large. Jeanne – tuyautée par un fin connaisseur de l’agglomération – est allée filmer un exemple récent d’aménagement trottoiresque aussi discret qu’incongru.
Par la grâce des pictogrammes
Dans le quartier Sonis – dans et autour duquel les grues continuent de s’activer – la rue Henri Duvillard a été prolongée jusqu’à la rue Croix Fauchet (pour « désenclaver le quartier » comme le précisait La République du Centre en septembre 2016 dans l’article « La ZAC Sonis finit de sortir de terre »).
C’est dans cette partie-là de la rue, qui longe le terrain militaire, que Jeanne vous emmène, sous un joli soleil d’automne :
Un quartier sans aménagement cyclable
De manière plus globale, il est intéressant de relever que la SEMDO – société d’économie mixte à laquelle a été confiée l’édification du quartier – n’avait manifestement rien prévu en matière d’aménagement cyclable sur le site de la zone d’aménagement concerté. Sur son site, à la page ZAC Sonis, on peut lire (nous soulignons) :
Nous avons traité les espaces publics dans un souci de confort et de bien-être des habitants : un arboretum vitalise le cœur d’îlots, une piste cyclable longe la ZAC, l’accès des véhicules se fait par des rampes extérieures pour préserver un espace de vie piéton entre les immeubles […]
Il doit s’agir de la piste cyclable (sur trottoir elle aussi) du boulevard de Châteaudun. Mais longer – sur un seul côté ! – n’est pas irriguer. Certes, l’espace piéton entre les immeubles, ainsi que les allées du parc, permettent la circulation des vélos, mais pour entrer et sortir du quartier, rien n’a été prévu pour les cyclistes. C’est donc encore plus étrange, alors que l’aménagement du quartier touche presque à sa fin, qu’ait été décidé d’implanter ce bout de « piste » rue Duvillard. Explication possible : l’idée de respecter l’article L228-2 du Code de l’environnement a fait du chemin dans l’esprit des décideurs ces dernières années.
Bon, il manque actuellement la signalisation verticale. Panneau rond ou carré ? Autrement dit : la piste sera-t-elle obligatoire ?
Question subsidiaire : la piste sera-t-elle bidirectionnelle ?
Les paris sont ouverts.
Bonus
Le quartier a été doté au printemps dernier d’une station Vélo’+. Ce n’est pas rien quand on sait combien les habitants d’autres quartiers de la ville aimeraient beaucoup être dotés d’une telle station.
Bravo pour ce reportage, mais qui passe à vélo dans ce quartier 🙂
« Nous avons traité les espaces publics dans un souci de confort et de bien-être des habitants » cela est à traduire par « piste anonyme et inutilisable » à cause des angles droits induits par les stationnements autos ; mais à l’armée, on pense carré.
Sans vouloir dénoncer qui-que-ce-soit, les espaces de préservation « d’espace de vie piéton entre les immeubles » sont régulièrement occupés par des voitures.
Bonjour Jeanne,
La ville de Strasbourg, en 2013, a du revoir sa copie, après avoir été déboutée par le Tribunal Administratif. Plus d’informations sur sosconsoblog de Raphaëlle Rivais avec un lien de la décision du TA du 23 janvier 2013.
http://sosconso.blog.lemonde.fr/2014/12/08/pietons-poussez-vous-les-velos-arrivent-sur-les-trottoirs/
[…] »une expérimentation a été mise en place dans la communauté urbaine de Strasbourg. Tant sur la période 2007-2010, que pour l’évaluation plus formelle organisée entre 2010 et 2012, elle n’a enregistré aucun accident corporel impliquant un cycliste responsable, ces derniers ayant l’obligation de rouler à l’allure au pas. »
Petit détail: cette expérimentation a été annulée par le tribunal administratif de Strasbourg, le 23 janvier 2013, faute d’assise juridique suffisante. Pour lire l’arrêt, cliquer ici.
C’est l’association Piétons 67, soutenue par les Droits du piéton, qui a fait un recours. Elle estimait que l’arrêté du 1er juillet 2006 qui créait des trottoirs mixtes était illégal, le code de la route réservant, selon elle, l’usage des trottoirs aux seuls piétons ou cyclistes de moins de huit ans. Elle a demandé l’annulation d’une décision implicite de rejet de leur suppression.
Le tribunal administratif juge que le code de la route n’interdit pas la création d’une piste cyclable sur des trottoirs (alors même qu’ils auraient été réservés antérieurement à l’usage exclusif des piétons et usagers assimilés), à condition qu’elle soit délimitée et séparée de l’espace réservé aux piétons, « qui doit rester normalement praticable par eux« .
Il juge donc que la communauté urbaine de Strasbourg a pu mettre légalement en place sur les trottoirs des « zones mixtes« , dès lors qu’y sont aménagés des emplacements réservés aux cycles et d’autres aux piétons, séparés et délimités par un marquage au sol.
En revanche, les zones pour lesquelles aucun espace réservé aux cycles ou aux piétons n’est identifié et délimité matériellement étant « illégalement instituées », elle donne raison à l’association.
« Si d’autres zones mixtes sont instituées de manière illégale, nous ferons d’autres recours« , promet Jean-Paul Lechevalier, président de l’association les Droits du piéton.
Merci pour ces utiles précisions. J’avais déjà lu quelque chose sur l’expérimentation strasbourgeoise. Le Cerema a relativement récemment rendu un rapport très précieux sur la question de ces « espaces partagés ». La tribune du collectif Vélorution Orléans vers laquelle je renvoie en début de billet en fait de larges citations.
A ma connaissance, il n’y a jamais eu de démarche contentieuse au TA à Orléans sur ces questions. Ou alors elles sont restées confidentielles ou n’ont pas dépassé le stade du recours gracieux…
Ça rappelle cet article:
http://www.copenhagenize.com/2013/01/a-short-history-of-traffic-engineering.html
Oui, bien vu !