Municipales 2020 à Orléans : Serge Grouard s’installe derrière le volant

Depuis hier soir, et la proclamation du résultat du second tour de l’élection municipale orléanaise, le premier billet que j’avais consacré à la campagne des municipales – « Serge Grouard n’est pas rangé des voitures » – a de nouveaux lecteurs. Il faut croire que le positionnement de la tête de liste « Les Orléanais au coeur » qui vient de s’installer derrière le volant pour un quatrième mandat – filons gaiement la métaphore automobile – n’a pas fini d’intéresser certains citoyens. De fait, pendant la campagne électrorale, Serge Grouard s’est montré encore plus ambitieux pour Orléans que le malheureux maire sortant. Alors qu’Olivier Carré voulait placer la métropole orléanaise « parmi les 15 villes qui comptent en France » – un sacré défi – son ancien acolyte et successeur veut carrément faire d’Orléans « la première ville décarbonée de France ». Alors je pose la question : ce nouveau conseil municipal va-t-il réussir à dépasser le greenwashing par la droite ?

Taquinerie twittesque de soirée électrorale.

Continuum électoral

Il faut croire qu’à Orléans, le temps s’est arrêté pendant le confinement.
Si le second tour avait eu lieu comme prévu en mars nous aurions eu sans doute le même résultat, c’est-à-dire celui du premier tour, à un pouillème de voix près1. Il ne s’est donc strictement rien passé en trois mois et demi.
Zéro mobilisation.
Encéphalogramme électoral plat.
Et je ne mets pas en cause l’engagement des listes concurrentes, ni celle conduite par Jean-Philippe Grand, ni celle emmenée par Olivier Carré qui en tant que maire a bien géré la ville pendant la crise sanitaire. Ce doit être très décourageant2.

François Guéroult le souligne dans sa fine analyse du résultat de cette élection orléanaise pour France Bleu Orléans3 :

Avec 32% des voix, Jean-Philippe Grand obtient un score bien décevant. C’est le même score que si on additionne les résultats de sa liste OSE et de celle de Baptiste Chapuis au premier tour (un gain de seulement 47 voix entre les deux tours !) : il n’y a certes pas eu de déperdition avec la fusion, mais il n’y a eu aucun effet d’entraînement, ce que traduit aussi l’absence de surcroît de participation (+0,4 point).

J’ai cependant du mal à être d’accord quand il écrit que Serge Grouard a accompli la performance d’ « apparaître comme un homme neuf, 19 ans après sa première victoire à Orléans ». J’ai le sentiment au contraire que sa nouvelle victoire électorale est le fruit de l’attachement très conservateur de 9098 électeurs à une figure connue4.

Et le vélo dans tout ça ?

Jolie façon d’exprimer son désarroi de soirée électrorale.

Le camarade Yann a publié dès hier soir ses impressions dans « Serge Grouard repart pour un tour de piste » en évoquant notamment le programme du candidat. Il conclut son billet ainsi :

Sans motivation forte et une réelle volonté de prendre de l’espace à la voiture, il y a peu de chance que la place du vélo évolue favorablement dans les six prochaines années. On se tournerait alors vers un statu quo tel qu’il perdure depuis plusieurs années.

C’est possible en effet. Au moins, celles et ceux qui attachent de l’importance au développement de la pratique du vélo urbain – pour tout ce que ça apporte à la ville dans son ensemble – ne risquent pas d’être déçu(e)s. Mais c’est long six ans. Pour tout le monde.

On relèvera toutefois que sur la fin de la campagne, Serge Grouard s’est montré prudent sur la question de l’avenir des aménagements cyclables temporaires réalisés dans le cadre du déconfinement5. Interrogé par Marie Guibal pour La République du Centre deux jours avant le second tour, il a déclaré6 :

Je ne suis pas pour détricoter ce qui a été fait. Il faut poursuivre l’expérimentation et on en tirera les conséquences après une large consultation avec les personnes intéressées : usagers, riverains, commerçants… Il y a notamment des soucis rue Royale, notamment de livraison chez les commerçants. ça été fait à la va-vite, il faut revoir ça. Quant aux mails, ils ont été aménagés sur notre proposition. Cela restera.

Après tout, le plus difficile a été fait par son prédécesseur qui a osé trancher la question du pont George V. Il faudrait être particulièrement sourd et aveugle au mouvement de fond qui se manifeste dans la France urbaine – dont la réélection d’Anne Hidalgo à Paris est la manifestation la plus évidenté7 – pour jeter le bébé avec l’eau du bain (dans la Loire)8.

Ce qui reste très flou à l’heure actuelle, c’est la façon dont le nouveau maire d’Orléans va se positionner vis-à-vis de la métropole, car c’est à ce niveau que tout se joue, ou devrait se jouer. En particulier le plan vélo métropolitain. Sur cette question Olivier Carré avait le mérite d’avoir une position claire et assumée. Les suppositions vont bon train dans la presse, comme chez Magcentre par exemple9 :

Les maires élus hier soir seront installés en fin de semaine. Mais l’incertitude pèse désormais sur la Métropole. Serge Grouard a toujours affirmé qu’il ne cumulerait pas les deux sièges sans pour autant dévoiler quel serait son candidat. L’ancien président Charles-Éric Lemaignen a déjà décliné ce poste.  Mais pourquoi pas Florent Montillot, bras droit de Serge Grouard, son « âme damnée » selon ses opposants et qui pourrait ainsi été récompensé pour services rendus.

Florent Montillot et Serge Grouard — jeunes années.
Allégorie.

La roue continuera de tourner

Quoi que nous réserve l’avenir, les nouveaux élus aux différents conseils municipaux de l’agglomération sont cordialement invités à participer à la prochaine vélorution orléanaise samedi prochain, le 4 juillet. On comprend toujours mieux les enjeux d’une ville décarbonée apaisée quand on se place derrière un guidon.


Crédit photos :

Notes

  1. Les résultats du scrutin bureau de vote par bureau de vote sont consultables ici.
  2. Même si on peut estimer que la participation électorale n’épuise pas le sujet de l’engagement citoyen. On peut lire avec profit cet article de Fabien Escalona pour Mediapart : « Misères et vertus du rituel électoral » (26 juin 2020). Réservé aux abonnés, je peux le fournir sur demande.
  3. « Municipales à Orléans : les trois leçons du second tour », France Bleu Orléans, 29 juin 2020.
  4. Par ailleurs, je ne sais pas si il existe des données sur la répartition par tranche d’âge des suffrages exprimés à Orléans, mais les bureaux de vote ressemblent fortement à des antichambres de maisons de retraite. La vieillesse n’est pas toujours un naufrage – heureusement – mais elle est très souvent conservatrice.
  5. Aménagements qui, comme le soulignait quelqu’un sur Twitter, ont fait plus en 3 semaines pour le vélo à Orléans que des années de mandat.
  6. « Le vélo plus que jamais au cœur du programme de second tour des trois candidats aux municipales, à Orléans », La République du Centre, 26 juin 2020.
  7. « A Paris, l’improbable «remontada» d’Anne Hidalgo », Mediapart, 29 juin 2020.
  8. Au moment où je mettais sous presse, La République du Centre publiait un premier entretien avec le maire fraîchement élu dans lequel il réitère sa position pré-scrutin (c’est moi qui souligne) : « Je ne suis pas là pour détricoter. Les pistes cyclables provisoires par exemple ? On va pousser l’expérience sur le pont George-V, pas seulement pendant l’été, mais à la rentrée. Il faut améliorer des choses sur la partie rue Royale et mails, mais pour le pont je souhaite que ça fonctionne. Même s’il y aura de la concertation, avec les commerçants notamment. »
  9. « Serge Grouard reprend Orléans, Fleury bascule à gauche », Magcentre, 28 juin 2020.

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2 réponses

  1. Nicolas Pressicaud dit :

    Ah, merci Jeanne pour ce billet qui m’a fait sourire et même rire. J’étais complètement déprimé ce matin en ma bonne ville de Moulins où le maire sortant a amélioré son score du 1er tour, passant à 48 % (+2 points) tandis que notre liste qui portait le vélo en bandoulière a régressé d’un point (21 %). Une liste dissidente de la majorité, qui parlait aussi de vélo, a atteint 31 % (+ 2 pts). Bref, il va falloir prendre son mal en patience. On devrait voir bientôt surgir un deuxième pont (il faut bien ça pour une ville de 20 000 habitants, non ? Coût attendu 40 à 50 millions d’euros, autant dire une paille) avec des pistes cyclables dessus et il a déjà été dit qu’on pourrait en profiter pour faire de même sur le premier pont (qui doit être réparé vu sa fatigue), étant donné que son trafic (justement responsable de son usure) sera soulagé. On peut par ailleurs espérer que les bonnes dynamiques qui apparaitront ou se conforteront à Paris, Lyon ou Bordeaux finiront aussi par se traduire en bonnes ondes vers les villes moyennes… Et puis, comme le rappelle Jeanne, il y a aussi les mobilisations vélorutionnaires pour secouer les habitudes des édiles. Bon courage, ne lâchons rien !

    • Quand je remarque que la liste de votre maire rélu (pour la cinquième fois !) s’intitulait (c’est moi qui souligne) « Moulins au coeur, plus fort ensemble » je me dis qu’une élection se joue davantage au niveau du muscle cardiaque que des mollets !

      Parmi ses 2307 électeurs, combien de propriétaires-bailleurs reconnaissants pour le fameux « amortissement Périssol » de la fin des années 1990 ?

      Blague(s) à part, merci pour votre commentaire. Espérons que les bonnes ondes futures soient vertes.

      Pour paraphraser Mao qui s’y connaissait en matière de longue marche, la vélorution n’est pas une soirée électorale.

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