La bataille pour Beaumonts est un désastre
Cent mètres. Cent petits mètres de rue requalifiée et c’est déjà un désastre alors que le chantier n’est pas terminé. Je parle ici de la rue des Beaumonts dans le quartier Madeleine. Les travaux ont commencé en septembre 20231. Il y a quatre ans, j’avais publié un billet sur ce projet de requalification intitulé « La bataille pour Beaumonts est lancée ». Il faisait suite à une réunion publique où élu(e)s et techniciens avaient détaillé le projet (qui concernait aussi les rues Gustave Vapereau et Alfred Cornu dont la remise à neuf est achevée depuis le début de l’année 20232). J’invite mes lecteurs à s’y reporter pour se rafraîchir la mémoire si nécessaire. Si le chantier dans la rue des Beaumonts a tardé à démarrer c’est parce que la mairie a longtemps cherché comment concilier en pratique des objectifs inconciliables, c’est-à-dire « intégrer les cycles, certes, mais aussi garder le plus possible de places de stationnement »3. Ces cent premiers mètres achevés nous donnent un très bon aperçu de ce qui ne va pas du tout fonctionner en pratique.
En ordre de bataille
Pour bien comprendre ce qui se joue, je reposte la diapo sur les « objectifs de l’aménagement » projetée en réunion publique en 2019 :
Notez bien le « améliorer la sécurité et le confort des piétons et cycles ». C’est important pour la suite (si les mots ont un sens).
Et concernant les normes PMR, rien de tel que ce tweet de l’association DAMMO en novembre dernier :
Des riverains montent au front
Des riverains de la rue ont pris la peine d’alerter la mairie par courrier fin janvier.
Voici un extrait de cette missive pas piquée des hannetons (c’est moi qui souligne) :
La Mairie a décidé de requalifier la rue des Beaumonts et de l’aménager en zone de rencontre afin de faire cohabiter de manière apaisée dans un même espace, piétons, véhicules, et vélos. Force est de constater qu’à ce jour l’objectif n’est aucunement atteint.
En effet, la voie de circulation des véhicules a été réduite, et il n’existe plus de différence de niveau entre la voie destinée aux véhicules et le cheminement des piétons. De nombreux véhicules roulent beaucoup trop vite compte tenu de la dimension de la voirie, et ces véhicules se déportent, et empruntent systématiquement une partie du cheminement piéton. Ce qui a pour conséquence une insécurité permanente des piétons, ainsi qu’une nuisance sonore importante :
1) Sécurité des piétons :
Comme vous le savez, de nombreux piétons empruntent quotidiennement cette rue dont de jeunes enfants pour se rendre à l’école « La Chouette » rue Basse d’Ingré, et nous constatons que les parents doivent être particulièrement vigilants pour que leurs enfants ne s’écartent pas trop au risque d’être heurtés par une voiture. De même, à plusieurs reprises en sortant de nos maisons (côté cheminement piétons), nous avons été surpris par des voitures qui nous ont frôlé alors que nous étions au pied de notre porte !
2) Nuisances sonores :
Lorsque les véhicules roulent sur les blocs bétons (pour l’évacuation des eaux pluviales), et sur les pavés, et ce quelle que soit la vitesse, cela engendre des bruits importants qui résonnent et qui créent des vibrations dans nos maisons. De plus, nous constatons que de nombreux joints ciments ne tiennent déjà plus après seulement 1 mois de mise en service !
Enfin, nous constatons quotidiennement de nombreux stationnements de véhicules en dehors des places prévues. Certains véhicules étant même stationnés face à l’entrée de maisons, limitant ou interdisant totalement l’accès à toute personne à mobilité réduite, à une poussette, à un vélo ou autre.
Quelques photos pour une mise en perspective de ces constats :
En ce dimanche après-midi de mi-janvier, douze véhicules stationnés pour environ cinq places matérialisées :
Deux piétons empruntent l’espace piéton – mais alors il est où le double-sens cyclable ? – :
Marcher côté ouest de la rue ou même rentrer chez soi ? A vous de voir :
Précisons que si « de nombreux véhicules roulent beaucoup trop vite » c’est bien parce que ces cent mètres de rue vont rester un axe de transit malgré la mise en sens interdit du reste de la rue vers le sud. Des automobilistes vont continuer à utiliser ce tronçon pour s’engouffrer à gauche ou à droite dans la rue Basse d’Ingré.
Nouvel épisode de la politique municipale qui consiste à laisser la part belle au stationnement automobile quelle que soit la largeur de la rue considérée4, cette requalification de la rue des Beaumonts est aussi une nouvelle occasion manquée de revoir sérieusement le plan de circulation dans les quartiers. Une promesse de la majorité municipale qui n’est pas près d’être tenue.
Des potelets à la rescousse
Le courrier catastrophé des riverains a certainement poussé la mairie à avancer les travaux de finition, c’est-à-dire les quelques marquages et la pose de potelets (mais étaient-ils seulement prévus au départ ?) :
Et d’arceaux vélo (ah !) :
Ces obstacles sont sans doute bienvenus pour discipliner l’automobiliste mais dans une rue aussi étroite, une seule place de stationnement suffit à gâcher le cheminement (comme on l’a vu par le passé ailleurs dans la ville) et incite à essayer de l’obtenir…
Bonus (vert)
Sur les réseaux sociaux, ça trolle, évidemment :
Le chantier désastre se poursuit vers le sud :
Notes
- « 2,5 millions d’euros de travaux pour trois rues », La République du Centre, 15 décembre 2023.
- Ce qui a donné l’occasion au camarade JP d’ironiser sur la communication municipale dans « Nouvelles rumeurs d’Orléans » (19 février 2023) – lire la section « Dans la feuille brassicole (fév. 2023) Ça rigole, ça rigole ».
- Propos tenus (et réitérés pourrait-on dire) lors d’une autre réunion publique qui s’est tenue à l’été 2021 : « Une réunion publique sur le devenir des axes de circulation », La République du Centre, 10 juillet 2021.
- Ils ne vont pas tarder à refaire le même coup quartier Dunois : « La rue des Villas requalifiée », La République du Centre, 13 février 2024.
Le cahier des charges est intenable. Il conduit à goudronner tout l’espace, puis à planter des potelets, des arceaux, peindre, ajouter des panneaux pour défendre des espaces (qui à la fin sont neufs, mais pas satisfaisants). Un compromis entre des principes contradictoires, il y a forcément des déçus.
Si on veut améliorer et sécuriser le cheminement piéton, cycle et pmr, alors il faut réduire la circulation, la ralentir et diminuer le nombre de stationnements. Cela offre de la place pour végétaliser et on peut en profiter pour revoir l’éclairage.
Avant cela, il faut discuter longtemps avec les habitants et faire des travaux à la fin. Après avoir enlevé le transit et le stationnement opportuniste. Ce n’est pas facile, ça ne marche pas toujours, ça peut être long.
La méthode travaux est parfaitement rodée, les services et le entreprises savent faire. Le calendrier et le budget sont maîtrisés. En revanche, aider les habitants à redessiner ensemble leur quartier, le plan de circulation, le règlement interne de mobilité c’est une démarche expérimentale.
Un jour ce sera peut-être la norme (mais j’ai l’impression que ce n’est pas demain la veille).
j’y suis passé ce matin voir l’étendu des dégâts.
Déjà, l’entrée dans la rue témoigne de cette maladie locale de la bordure pour « séparer » les circulations. Une fois le pâté de bitume enlevé, cela sera peut-être moins pire que pour le jardin Anjorrant, mais une bordure reste une bordure ; ils n’apprennent visiblement rien de leurs erreurs et font montre d’une totale absence de volonté.
Présentement, toutes places de stationnement occupées, la voie semblait étroite ; le double-sens cyclable est une plaisanterie, alors la continuité cyclable de station de tramway au Beaumont jusqu’au commissariat (par exemple) n’apparaît pas comme avoir été envisagée une seule fois le long d’un itinéraire sécurisé.
Les arceaux sont posés comme font les chiens leur besoin, comme une variable d’ajustement.
La partie encore en travaux annonce une constance dans la médiocrité.
JP
La nouvelle martingale pour caser du stationnement à tout prix.