D’un urbanisme pensé pour la voiture à un urbanisme au service des populations — par Bicycle Dutch
Continuons à profiter des ressources offertes sur son blog par Mark Wagenbuur, Dutch Cycling Ambassador. Dans ce texte et la saisissante vidéo qui l’accompagne – sous-titrée en français par mes soins – il propose un aperçu historique de l’urbanisme néerlandais et prend en exemple l’évolution d’une rue d’Utrecht.
Voici la traduction de « From car centric to people friendly urban planning » publié le 1er décembre 2011 sur Bicycle Dutch.
Les centres historiques des villes ne s’accommodent pas bien de la circulation automobile. Les différentes fonctions de la vie urbaine sont en compétition dans l’allocation de l’espace limité du vieux réseau viaire. Dans beaucoup d’endroits il va de soi que le trafic motorisé privé s’arroge la plus grosse part de cet espace limité, mais dans de nombreuses villes néerlandaises ce n’est plus le cas. Ce changement de paradigme dans la manière d’envisager l’organisation de l’espace public a eu lieu dans les années 1970. Cela a également eu d’énormes conséquences en matière de vélo. Beaucoup de villes aux Pays-Bas sont très anciennes. Leur réseau viaire s’est développé dans des conditions de circulation très différentes d’aujourd’hui. Pendant des siècles les piétons et quelques tombereaux ou charrettes à bras arrivaient à se croiser dans les étroites rues médiévales. Mais au début du XXe siècle cette situation changea. Le nombre et la fréquence des déplacements augmentèrent et les véhicules en circulation changèrent de nature tout en voyant eux aussi leur nombre augmenter. Les trams, les vélos puis les véhicules motorisés contraignirent les autorités à prendre des décisions radicales. À Utrecht par exemple, des rues furent élargies dans les années 1920 par la destruction d’îlots bâtis entiers, parfois des deux côtés de la rue. Et c’était avant l’avènement de la voiture individuelle.
Quand après la Deuxième Guerre mondiale, l’augmentation constante du nombre de voitures dans les rues a commencé à devenir un gros problème, on cherchait à nouveau à élargir les rues. Au lieu d’une unique rue c’est désormais l’ensemble de la ville qui était visée par une requalification au bulldozer. Il a fallu des décennies pour planifier et exécuter ces travaux. Le nombre de maisons destinées à la démolition était énorme mais les gens des années 1950 et 1960 ne portaient pas le même regard que nous sur la valeur patrimoniale des villes. De leur point de vue c’était une aubaine de se débarasser de ces vieux et sombres habitats qui tombaient en ruine. Ils appréciaient ces rues élargies bordées d’immeubles modernes et lumineux. Cependant, lorsque ces vastes opérations de démolition eurent fait place nette, plusieurs éléments devinrent évidents. Les nouvelles rues étaient adaptées aux flux de véhicules mais pas aux être humains. Il n’est pas agréable de se trouver dans une rue environné de grands immeubles et cerné par un flux de voitures roulant vite. C’est le profil et l’athmosphère de la ville qui changeaient. Dans les années 1970, la ville était parsemée de trous béants laissés par des chantiers d’élargissement de voirie à moitié terminés. Ironie de l’histoire, ces terrains vagues étaient utilisés comme parkings. Il y avait toutefois de la contestation dans l’air. Les gens commençaient à se rendre compte de la valeur patrimoniale du bâti ancien. Les anciennes rues à échelle humaine étaient encore plus appréciées à mesure que les rues venteuses du modernisme se multipliaient. Elles étaient difficiles à traverser à pied. Et il devenait évident aussi que la motorisation fonctionnait à une telle échelle que le vieux centre historique des villes ne pourrait pas s’y adapter. Si on démolissait toute la ville pour faire place aux flots de véhicules motorisés, quelle destination resterait-il à atteindre ?
Les années 1970 ont représenté une période charnière. Une nouvelle génération de décideurs ont abandonné les plans de leurs prédécesseurs et ont entrepris de faire exactement l’inverse. Au lieu de modifier les rues pour permettre le trafic de transit ils ont progressivement banni le trafic de transit des centres-villes. De grandes zones piétonnes pourvues de magasins ont été créées, en rendant ces zones agréables à fréquenter. La circulation automobile fut éloignée de ces quartiers. De grands parkings furent construits à l’extérieur des centres-villes afin de permettre aux gens de rejoindre les commerces ou d’autres destinations à pied. Supprimer les parkings dans les centres-villes avait déjà considérablement réduit le trafic automobile. Il n’était pas nécessaire de bannir les voitures de toutes les rues. En ne bloquant que quelques rues-clés, les villes étaient divisées en « compartiments » composés de seulement une à deux rues d’accès. Il était toujours possible d’atteindre sa destination en voiture mais le trafic de raccourci était devenu impossible. Effet bonus, les rues ainsi préservées pouvaient être destinées aux cyclistes comme des itinéraires cyclables directs et représenter un avantage sur le trafic motorisé.
Toutes les villes néerlandaises n’ont pas connu cette évolution de la même manière. Certaines villes n’avaient fait qu’ébaucher des plans de requalification et détruit que quelques immeubles. Une situation plutôt favorable pour inverser la vapeur. Utrecht avait déjà démoli beaucoup de bâtiments. Des rues avaient été élargies et resteraient larges. D’autres rues furent restraurées dans leurs anciennes proportions. De nouveaux immeubles furent construits en respectant les proportions du bâti historique. Les bâtiments les plus récents sont ceux qui cherchent le plus à produire un effet architectural « historique ». Pour l’oeil averti, les cicatrices dans le tissu urbain restent visibles mais il est agréable de constater que la manière de penser à « la voiture d’abord » appartient au passé. L’urbanisme contemporain rend les villes plus agréables à vivre et donne également plus de place au vélo.
Le poème dit ceci :
TOI L’HOMME CONTEMPLE MON PIED GEANT
QUI A ECRASÉ TOUTES LES MAISONS DU QUARTIER
LES TROUS BEANTS QUE TU VOIS
SONT MON OEUVRE
CAR C’EST AINSI QUE JE PROCÈDE
QUAND ON ME LAISSE LIBRE DE MES MOUVEMENTS
1983
Excellent !
Qu’attendons-nous pour faire Pareil ?
En ce moment en France les rues sont libres des voitures mais elles vont bientôt revenir nous gâcher la ville.
Actuellement il est suspect de circuler à vélo tant nos élus et les forces de l’ordre le considèrent comme un véhicule de loisir.
Par l’interdiction de circuler à vélo pour faire de l’activité physique alors que le jogging est autorisé ils trahissent leur étroitesse d’esprit et leur abrutissement à l’automobile.
Le ministère des Sports a donc décidé ce jeudi 19 mars d’apporter quelques précisions à ce sujet : « footing 1km, 2km max, Il n’est pas question de s’éloigner de chez soi ».
En ce qui concerne les cyclistes, le ministère des Sports recommande de suivre la recommandation de la Fédération française de cyclisme. « L’activité physique individuelle des personnes ne peut se pratiquer qu’à proximité du domicile et dans un temps assez limité. De ce fait, la pratique du sport cycliste communément admise n’entre pas dans les conditions prévues au décret et constitue donc une infraction susceptible de verbalisation »,
Pensez à changer d’élus aux prochaines élections !
tintin82@laposte.net
On notera que l’Allemagne (en plus d’avoir un service hospitalier bien plus solide que le nôtre) a une position différente sur le sujet :
Le montage vidéo sur l’évolution d’Utrecht est absolument passionnant, comme pense visiblement Gilles.