Municipales 2020 à Orléans : Jean-Philippe Grand OSErait-il la transition des mobilités ?

La liste OSE (Orléans Solidaire Ecoloqique) organisait sa première réunion publique de la campagne des municipales le vendredi 21 février sur le thème de « la ville en transition ». Est-ce à dire que son programme s’inscrit pleinement dans celui des villes en transition ? C’est en tout cas un des quatre « piliers » retenus par Jean-Philippe Grand et ses co-listiers – les autres étant « la ville rassemblée », « la ville solidaire » et « la ville innovante ». Pour la composante transport, cette longue soirée à la salle Eiffel n’a pas permis d’en avoir le cœur net.

Côté salle

C’est une bonne idée de donner à entendre des « porteurs de projet » ou des personnes engagées dans des actions qui, pour marginales qu’elles puissent apparaître aujourd’hui, pourraient bien préfigurer la vie future de l’Orléanais(e) lambda.

J’ai particulièrement apprécié l’idée de voir circuler – pas avant 2021 cependant – des personnes à vélo pour collecter des biodéchets chez les professionnels. J’ai appris que la valorisation de ces déchets serait bientôt obligatoire1.

Côté vélo

Gonéri, vélotaffeur émérite2 déjà croisé sur ce blog (voir par exemple une de ses photos à la fin de Plein sud en site presque propre) était le dernier des invités à prendre la parole. En début de soirée, il avait su faire remarquablement bref pour se présenter : « bonjour, je me déplace à vélo. » Lors de son intervention, il a souligné non sans raison qu’une infrastructure cyclable de qualité est le principal levier pour inciter les gens à adopter le vélo utilitaire. Il a rapporté que sur les deux derniers mois, trois de ses collègues du BRGM avaient eu un accident à des endroits depuis longtemps signalés aux autorités comme problématiques à vélo. Jean-Philippe Grand a souhaité réagir là-dessus en estimant qu’une telle situation n’était pas acceptable – oui, en effet. Le candidat tête de liste a poursuivi expliquant qu’il n’est pas toujours possible de créer des pistes cyclables et qu’il est donc parfois nécessaire de partager l’espace public et de tenir compte des différents usagers. Et puis il s’en est curieusement pris au double-sens cyclable qui, comme chacun sait3, a été (presque) généralisé dans l’intramail à l’été 2018. Prenant exemple de la rue d’Escures qu’il emprunte souvent, il a fustigé le manque d’espace pour se croiser et a annoncé vouloir revoir la distribution de ces « contre-sens cyclables ».

Emporté par son élan au micro, il a ensuite atteint le point ne pas opposer les modes en disant qu’il souhaitait le « partage de l’espace et non le diktat d’un mode » (il n’avait pas en tête l’automobile !). Une position proche de celle du maire en exercice (voir La roue voilée de la communication officielle) ou du vice-président métropolitain aux transports (voir Entretien pour La Tribune-Hebdo : making-of et prolongements).

Une intervention dans la salle a porté sur le budget vélo d’ores et déjà considérablement augmenté dans le cadre du nouveau plan vélo métropolitain (voir Réunion publique sur le plan vélo d’Orléans Métropole). Jean-Philippe Grand a fait remarquer avec gourmandise que jusqu’à présent « on a beaucoup acheté de peinture » puis a considéré que l’effort budgétaire devrait être encore plus conséquent que les 5,3 M€ prévus par an, de l’ordre de 7 à 7,5 M€ pour « rattraper le retard ».

Il y a eu une autre réaction quelque peu courroucée dans la salle à propos justement des double-sens cyclables jugés dangereux et impraticables. Gonéri a répondu que le double-sens cyclable n’est pas accidentogène et qu’il invite simplement à négocier intelligemment le passage de chacun. Aussi inconfortable que puisse être cette négociation à hauteur de guidon – et elle l’est souvent – il ne faut pas oublier que le double-sens cyclable est la première étape d’une reconquête de la ville par les modes actifs4. Le sens unique a été inventé pour les automobilistes dans une logique de gestion des flux et de fluidification. Avec le succès que l’on connaît.

Côté politique de stationnement, et toujours en réponse à une réaction dans la salle, Jean-Philippe Grand a là aussi tenu un discours très modéré en citant l’exemple de commerçants en difficulté en raison de leur accessibilité en voiture. Il a cependant aussi fait le lien avec l’extension des zones commerciales périphériques. Bref, à ses yeux on ne peut pas soutenir « on ne veut plus de voiture du tout [dans l’intramail] »5.

On peut essayer de se rassurer avec un texte programmatique présent sur le site de la liste : « Avec OSE, dix mesures emblématiques pour la mobilité à Orléans », 27 janvier 2020. On y reste cependant au niveau général de la déclaration d’intentions, avec toujours une grande insistance sur les transports en commun à l’instar des autres candidats (voir speed dating électoral dans le tram). Seule proposition un peu punchy : l’ « extension du stationnement payant ». Dans le huit-pages papier distribué dans les boites aux lettres on trouve mentionnée « une réflexion approfondie sur la place de la voiture en ville ». Une réflexion en acte ?

Sur un mur de la salle Eiffel une carte où chacun était invité à tracer ses « pistes cyclables » idéales.

Osons la paparazzi attitude !

Le 8 septembre 2018, comme un peu partout en France, avait lieu une « marche pour le climat » à Orléans. Un succès de mobilisation inattendu6 qui devait appeler des rééditions un peu moins fournies7 – ah la magie des premières fois ! Et puis il faisait très beau. Parmi les manifestants, Jean-Philippe Grand himself, venu à vélo dans un élégant et sympathique camaïeu de bleu :

Sur l’écran du smartphone, un simple texto : « Cher client, votre costume gris garanti 22 % d’intention de vote au premier tour des prochaines élections municipales est arrivé en boutique. »

Notes

  1. Biodéchets sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire.
  2. Et cyclosportif affûté !
  3. Jean-Philippe Grand a affirmé – fort curieusement là aussi à mon avis – que la ville avait volontairement gardé la discrétion sur la mise en zone 30 de l’intramail.
  4. La seconde est la révision du plan de circulation visant à empêcher le trafic de raccourci et réellement apaiser la circulation dans les rues.
  5. En revanche on peut ouvrir les yeux et constater que si le double-sens cyclable est souvent difficilement praticable ou inconfortable c’est parce que dans l’immense majorité des cas des voitures squattent la chaussée (légalement ou illégalement).
  6. « Marche pour le climat : forte mobilisation à Orléans », France Bleu Orléans, 8 septembre 2018.
  7. « À Orléans, une semaine chargée pour le climat », Magcentre, 12 mars 2019.

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20 réponses

  1. Calcius dit :

    C’est pas très enthousiasmant tout ça.. un programme qui manque autant de volontarisme que de de connaissance sur le velomobillisme

    • Oui, ça manque d’enthousiasme. Les bénéfices concrets pour tous d’un apaisement sensible de la ville ne sont pas assez soulignés (silence, inclusion etc.). Mais c’est raccord avec la promotion de la gratuité des transports publics (sur laquelle, avec raison et sagesse, Jean-Philippe Grand a souligné sa grande prudence budgétaire).

  2. Hélène Migayrou dit :

    Illustration de ce que j’ai mesuré depuis bien longtemps, le vélo n’intéresse pas les écolos. Le vélo n’est pas écolo. Il n’y a pas de lien entre politique cyclable et appartenance des dirigeants à un parti écologiste. Vélo-écolo est une facilité de langage.

    • On peut même s’interroger sur la portée réelle ou même l’intérêt objectif d’une offre politique « écologique » lorsque toutes les listes en présence rivalisent de verditude.

    • janpeire dit :

      Exactement.
      L’article « vélo » paru dans le Monde Diplomatique du mois de février 2020 (re)dit que l’engouement pour le vélo (à Copenhague) ne s’explique pas par le souci de l’environnement (16%), ni même par le faible coût ou le besoin d’exercice, mais d’abord par la rapidité et la facilité d’utilisation (56%).

      JPB

    • Julien dit :

      Peut-être que les écolos politiques ont pensé que l’équation vélo=écolo était acquise et ne se sont pas remis assez en questions ces dernières années. Cependant regardez les étiquettes politiques des personnes qui ont été en charge des politiques cyclables en France dans des villes cyclables (Strasbourg, Grenoble, Nantes, Paris, …) et des villes disons moins cyclables (Marseille, Nice, …) on ne peut pas honnêtement dire qu’il n’y a pas historiquement de lien entre politique cyclable et étiquette politique (en France) : le sujet a été presque exclusivement porté par des élus de gauche et en particulier par des écolos. C’est vrai aussi pour le vélo-loisir (Loire à vélo).

      • Isabelle dit :

        Non, ceci est faux. Il y a quelques années j’avais fait un compte en cherchant tous les gens du club des villes cyclables dont je connaissais l’étiquette, qui avaient été élus aux municipales.
        C’était en mars 2014 (ici : https://www.isabelleetlevelo.fr/ancienblog/des-elus-pro-velo-en-france-895076.html ) et très équitablement partagé.
        Pour Paris, l’adjoint est écolo, mais le seul arrondissement où il y ait un élu chargé du vélo est de droite. Au Havre le conseiller est aussi de droite. Après bien sûr il y a « siéger » et agir… et cela n’est pas en défaveur de la droite.

        • Julien dit :

          Je ne doute pas que certains élus de droite fassent du bon boulot à ce sujet et que certains écolos laissent complètement de côté le vélo. Mais quelques exemples ne font pas une généralité et une corrélation ne fait pas une causalité. En tant que scientifique j’aimerais voir un bilan complet des politiques cyclables en France et je suis prêt à revoir mon jugement.

          • isabelle dit :

            Ben « pour un scientifique » votre 1ère affirmation était peu étayée ! Sinon, je ne crois pas qu’il existe de « bilan complet » et mon sondage est faible, mais peut-être significatif grâce à son caractère aléatoire. Juppé, Crépeau, Tibéri n’en faisaient pas partie mais comptent. En tous cas, ce bilan reste à construire. Il y a des traces avec le baromètre de la Fub ou les compilation du Club des villes cyclables. Ce serait un trop gros boulot pour moi en tous cas.

      • janpeire dit :

        Le sujet est porté par ceux et celles qui y « croient ».
        Pierre Pflimlin à Strossburi n’était pas un gauchiste, Juppé à Bordeu n’est pas passé à gauche, Michel Crépeau pour la Rochelle… et ainsi de suite. ce sont des têtes d’affiche et la politique est portée par un ensemble… d’individualités dont certaines pro-vélo.
        Le fait de savoir monter à vélo doit être découplé de la politique menée.
        [Le paragraphe suivant n’est pas à prendre comme un soutient d’une liste ou d’une autre] En local, cela donne un Lemaignen, cycliste urbain, qui n’a rien fait, un Sueur qui faisait du vélo en Grèce (car pour nombre de politiques français, le vélo est un truc de pue-la-sueur). La seule élue en local que l’on peut croiser régulièrement de son cintre, c’est Dominique Tripet.

  3. Héléne dit :

    Jeanne devrait leur offrir un des deux guides des politiques de mobilité parus récemment : https://www.isabelleetlevelo.fr/2020/02/14/2-guides-pour-les-candidats-aux-municipales/
    Celui du club des villes cyclables ne parle que de vélo, ce sera peut-être plus facile.

  4. Thib dit :

    Rien à voir avec le vélo, mais une liste qui se veut écolo et qui est la seul à distribuer sa plaquette dans une grande enveloppe ça respire pas l’écologie il me semble… Ca donne quand même l’impression qu’il y a un truc qui tourne pas rond.

    • Je l’ai reçue hier dans ma boite et j’étais déçu en ouvrant l’enveloppe de découvrir un document… que j’avais déjà eu par ailleurs. C’est OSÉ de faire dans le teasing électoral (explication : sur la dite enveloppe on lit la phrase « OSErez-vous l’ouvrir ? »).

      • Julien dit :

        La décision de faire distribuer le programme par voie postale a été discutée et réfléchie. Même si certaines personnes le recevront en effet 2 fois, cela fait au final moins de papier que de bourrer toutes les boites aux lettres y compris celles qui ne sont jamais relevées ou d’inonder les paliers d’immeubles. Ça ne fait pas plaisir de gâcher du papier et on a essayé de minimiser au maximum le nombre d’impressions.

    • janpeire dit :

      Cela n’a rien à voir avec le vélo, peut-être, mais cela renseigne sur l’absence de respect d’une simple étiquette « pas de propagande dans ma boite, même pour les partis politiques, les croyances… ». Certes, ce n’est pas l’autocollant « officiel » du ministère de la verditude, mais l’enveloppe, comme tout imprimé sans adresse, a terminé directement dans le bac jaune.
      À quoi a été utile la réunion avec les 0déchets si c’est pour ne pas appliquer le dogme de base « le meilleur déchet, c’est celui qui n’a pas été produit » ?

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