Orléans Métropole entre deux rives
Ruse de journaliste ou hasard du calendrier médiatique, se sont télescopés dans La République du Centre deux sujets qui méritent d’être rapprochés : le dévoilement du projet de téléphérique pour équiper le futur (et grandiose) quartier Interives et ce qu’on pourrait qualifier de droit de suite sur la question de la traversée cycliste de la Loire au niveau du pont George-V. Le quotidien a en effet plusieurs fois évoqué le sujet comme le 3 novembre 2016 avec un article intitulé « Des points noirs partout pour les cyclistes de l’agglomération d’Orléans » (merci la Vélorution) . La journaliste signalait déjà le cas de ce vieux et beau pont qui, selon les comptages automatiques de l’agence d’urbanisme de l’agglo, est un point de passage pour plus de 1200 cyclistes en moyenne chaque jour (les données figurent dans ce document).
Back in 1997
La problématique n’est d’ailleurs pas nouvelle. Dans le Schéma Directeur des Itinéraires Cyclables (SDIC) daté de janvier 1997 (il y a 20 ans donc) on pouvait lire, page 7 : « malgré les difficultés rencontrées, le pont George V est-il très nettement plus fréquenté [que le pont Thinat] ». Le document envisageait la construction de ce qui est devenu le pont de l’Europe et continuait ainsi : « l’amélioration des traversées par les ponts George V et Joffre pour la Loire […] doit également être envisagée ». Notre agence d’urbanisme avait déjà vu juste et proposait :
« [l’amélioration] pourrait se traduire, selon les ouvrages, soit par un aménagement modérant la vitesse et marquant sans ambiguïté le partage de la voie, soit par des passerelles en encorbellement ou parallèles, qui pourraient s’adresser également aux piétons. »
Depuis lors la ligne A du tramway est passée par là, et comme ailleurs dans la ville, rien n’a été prévu pour les cyclistes (en dehors d’une autorisation tacite de rouler sur les pavés entre deux rails accidentogènes), si bien que le brave cycliste doit se contenter de deux bandes sur la chaussée dans les deux sens de circulation toujours ouverts à la circulation motorisée. La vitesse maximale autorisée y est toujours de 50 km/h et pour doubler un cycliste, le conducteur – s’il lui vient l’envie saugrenue de respecter la distance réglementaire d’un mètre – est contraint de monter sur la voie du tram sauf à embarquer le cycliste avec lui.
Mobilité inactive
Alors que dit l’article publié le 16 janvier dans La Rép ?
« La ville précise que les discussions sont en cours en interne, au sein de ses services, « autour de plusieurs scénarios avant de formaliser un dossier ». Sans toutefois donner de délai pour un dépôt. »
Bref, comme le soulignait déjà Jérôme Beyler en juillet 2015, nous avons vraiment affaire à la « passerelle de la Saint-Glinglin » ! Mais quand il s’agit de se projeter dans le futur, et de s’imaginer en bâtisseur – « un projet ambitieux et structurant pour tout son territoire » – Orléans Métropole sait reconnaître une coupure urbaine et met 14 millions (un minimum, n’en doutons pas) sur la table pour construire un téléphérique qui permettra aux piétons de sa laisser balader au-dessus des voies ferrées qui séparent le futur quartier Interives de l’actuelle gare des Aubrais. Je ne connais pas les détails technico-urbanistiques du projet mais pourquoi ne pas avoir opté pour une simple passerelle, quitte à l’équiper d’ascenseurs à chaque bout ? On me souffle également qu’il existe déjà un tunnel sous les voies. Voilà encore une drôle de façon de promouvoir les « mobilités actives » (expression tendance pour désigner les piétons et les cyclistes). Comme la mise en service de cet équipement « très innovant » est prévue pour fin 2018, on pourra vite savoir si l’on peut emmener son vélo dans la cabine.
Entre deux rives
C’est donc toujours le même problème de volonté politique. Cela n’a d’ailleurs pas échappé à la présidente de l’association de commerçants Les Vitrines d’Orléans qui, évoquant son projet de passerelle en encorbellement, a confié à la journaliste « on met bien de l’argent dans un téléphérique ». Il existe pourtant des solutions moins onéreuses qui ne coûteraient qu’un peu d’audace politique. On peut les lister dans l’ordre croissant d’intérêt pour les cyclistes :
- Interdire le dépassement des cyclistes sur le pont (simple mesure de police) ;
- Passer les deux voies de circulation du pont en zone de rencontre ;
- Neutraliser une voie de circulation pour réaliser une piste cyclable bi-directionnelle.
Et que les commerçants du cœur de la métropole se rassurent : leurs clients n’ont pas besoin de voitures.
Au moins, les bases du débat sont posées quand au passage du pont George V et bravo pour avoir déniché une archive sur le pont Joffre. La voirie à cette endroit a été limitée par comparaison au temps de l’auto-pont.
Dans un schéma cohérent de déplacement — construction du lycée, pont de l’Europe, Lab’o (donc la volonté de faire un « truc » fun, cool, moderne) — ne pas faire un axe cyclable sur le pont Joffre est une erreur. D’autant plus que avec la roseraie, l’hippodrome, Loire, le boulodrome… il y a une carte « chlorophylle » à jouer à cet endroit, mais c’est un projet sur 5 à 10 ans.
Il manque la volonté.
Jan Peire