Un itinéraire cyclable, neuf traversées de frontière — par Bicycle Dutch

Mark Wagenbuur nous emmène au guidon d’un vélo en libre-service à la découverte d’une curiosité politico-géographique entre les Pays-Bas et la Belgique.
Voici la traduction de « One cycle route, nine border crossings » publié le 16 novembre 2022 sur Bicycle Dutch.

Ce billet est consacré à un itinéraire cyclable international qui traverse une frontière. Bien que la Belgique et les Pays-Bas soient des voisins directs, cette piste cyclable reliant Tilbourg à Turnhout traverse la frontière neuf fois ! L’itinéraire emprunte l’ancienne ligne de chemin de fer entre les deux villes. Cette fois-ci, je suis allé jusqu’à Turnhout, soit une distance de 32 kilomètres (à l’aller).

Les neuf passages de la frontière entre les Pays-Bas et la Belgique. La dernière photo, en bas à droite, montre la frontière internationale réelle, les 8 premières photos sont des frontières à Baarle qui a un certain nombre d’enclaves belges.

Dans mon précédent billet, en 2018, j’avais écrit que je reviendrais ici, pour entrer à vélo en Belgique proprement dite et découvrir à quoi ressemblaient les 7,5 derniers kilomètres de ce parcours là-bas. Mais après avoir attendu trop longtemps, la pandémie a encore reporté mon voyage. La frontière entre la Belgique et les Pays-Bas a même été fermée pendant un certain temps et les voyages internationaux ont été impossibles pendant un certain temps. Puis j’ai dû subir une opération chirurgicale, suivie d’une période de convalescence. Tout cela est maintenant derrière nous et moi, et je savais que je pouvais à nouveau parcourir de longues distances à vélo. J’ai fait l’aller-retour entre Nimègue et Clèves cet été, et j’étais donc sûre de pouvoir parcourir cette distance un peu plus longue. Malheureusement, il n’est pas possible d’apporter son propre vélo dans les trains néerlandais pendant l’heure de pointe du soir, ce qui m’a obligé à utiliser un OV-Fiets. Il s’agit d’un vélo monovitesse, mais même avec un tel vélo, j’étais certain de pouvoir le faire.

La preuve que j’ai effectivement fait tout le trajet de Tilbourg à Turnhout sur cet OV-Fiets. Vous pouvez voir ma caméra fixée au guidon.
L’hôtel de ville de Turnhout fait également office de poste de police, du moins c’est ce qui est mentionné au-dessus des deux portes cintrées.

Pour rendre mon trajet un peu différent, j’ai cette fois-ci traversé la ville de Tilbourg. En 1958, le chemin de fer avait été détourné plus à l’ouest autour de la ville et c’est l’itinéraire que j’ai emprunté dans le billet précédent. Comme je devais aller jusqu’à Turnhout cette fois-ci, j’ai décidé de prendre l’itinéraire d’avant 1958, qui est plus court de quelques kilomètres.

Quelques différences intéressantes. En Belgique, même les plus petits croisements de rues ont la priorité sur la piste cyclable.
Aux Pays-Bas, la priorité sur de nombreux carrefours mineurs (mais certainement pas tous) est donnée à la piste cyclable. La maison blanche est un bâtiment ferroviaire très typique de la fin du 19e siècle. Elle a été joliment restaurée et a même reçu l’ancien numéro pour la distinguer de tous les autres bâtiments de service à côté du chemin de fer.

Dans mon précédent billet, j’ai donné beaucoup d’explications sur l’ancienne ligne de chemin de fer. Donc si vous voulez en savoir davantage, vous pouvez aller le lire et regarder à nouveau la vidéo qui s’y rapporte. Je vais vous donner un bref récapitulatif ici. La ligne ferroviaire reliant Turnhout à Tilbourg a été construite et exploitée par une société belge et a été ouverte le 1er octobre 1867. La ligne a reçu le surnom de Bels Lijntje qui (dans le dialecte local) signifie « petite ligne belge ». La ligne n’a pas connu le succès escompté et les services de transport de passagers ont été arrêtés dès 1934. La ligne a ensuite été utilisée pour le transport de marchandises jusqu’à ce qu’elle soit également arrêtée en 1973. De 1974 à 1981, la ligne a été utilisée pendant quelques années comme ligne de train à vapeur touristique. En 1980, j’étais passager de l’un de ces trains. Cela signifie (à ma connaissance) qu’il s’agit de la seule piste cyclable « rail to trail » que j’ai empruntée à la fois en tant que passager de train et à vélo ! En 1982, les rails étaient devenus si instables que, pour des raisons de sécurité, la ligne a été fermée définitivement. À partir de 1989, la ligne a été convertie en piste cyclable. En 1993, la totalité de l’itinéraire sur le territoire néerlandais a été ouverte, mais vous pouvez maintenant faire du vélo jusqu’à Turnhout en Belgique.

Toutes les cartes ne sont pas assez précises pour montrer où se situent précisément ces frontières erratiques. Sur Google Maps, la piste cyclable (ligne rouge) ne semble pas traverser le territoire belge (la ligne blanche est la frontière). Mais la photo aérienne montre qu’une frontière est marquée sur la piste cyclable (flèche verte).
Cette carte d’ArcGys est plus précise. Elle montre que la piste cyclable croise la frontière effectivement à l’endroit que la photo aérienne montre également, puis à nouveau au milieu de la rue à un endroit non marqué. J’ai marqué les deux croisements avec un point rouge sur cette capture d’écran. Ces deux croisements ne sont distants que d’environ 15 mètres !
« Désolé madame, les sous-vêtements sont en territoire belge, vous ne pouvez pas y aller maintenant ». Les frontières n’ont jamais été un problème à Baarle, jusqu’à ce que les mesures prises au début de la pandémie en Belgique et aux Pays-Bas en mars 2020 se révèlent très différentes. Les magasins étant restés ouverts aux Pays-Bas, mais fermés en Belgique, ce magasin traversé par la frontière a fait la une des journaux. À l’intérieur, la partie belge a été bouclée pour empêcher les clients de se procurer des marchandises dans la partie néerlandaise.

Le paysage traversé par cet itinéraire n’est pas des plus attrayants, mais il y a une chose qui le rend très spécial : le fait que vous traversiez la frontière neuf fois. En effet, l’itinéraire passe par la ville de Baerle. Baerle est une seule ville dans deux pays. La partie néerlandaise de Baerle s’appelle Baerle-Nassau et la partie belge s’appelle Baerle-Hertog. Cette division remonte au XIIe siècle et existe toujours. Il existe 22 enclaves belges. Certaines d’entre elles ont à leur tour des enclaves néerlandaises en leur sein. Les frontières médiévales complexes courent maintenant au hasard des rues et même des bâtiments1. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet dans ce billet, mais il est vraiment agréable que les passages de frontière sur la piste cyclable soient presque tous marqués. Il y a également deux postes frontières non marqués qui se trouvent au milieu de la rue. Je pense que c’est pour des raisons de sécurité, les marquages à cet endroit pourraient distraire les conducteurs. Les nombreuses frontières n’ont jamais vraiment été un problème, mais cela a changé lorsque les mesures contre le Covid se sont avérées très différentes aux Pays-Bas et en Belgique. En particulier lorsque la Belgique a fermé tous les magasins et que les Pays-Bas ne l’ont pas fait. Cela a donné lieu à des situations absurdes dans les magasins situés directement à la frontière. Un magasin a même bouclé la partie belge de l’intérieur. Cela a fait les gros titres, y compris dans la presse internationale. Plus tard, les règlements ont été traités de manière plus souple. Il suffisait par exemple de regarder dans quel pays se trouvait la porte d’entrée d’un magasin et d’appliquer les règles de ce pays à l’ensemble du magasin. Les habitants belges de Baerle-Hertog étaient également autorisés à se rendre dans les supermarchés de Baerle-Nassau pour la simple raison que Baerle-Hertog n’a pas de supermarchés.

Ces deux cartes d’Alphen montrent le chemin de fer original tel qu’il existait jusqu’à la fin des années 1980 (la ligne droite rouge). Après la fermeture de la ligne, Alphen a utilisé une partie de celle-ci pour une zone industrielle. La carte de droite montre la situation actuelle qui oblige les gens à contourner cette zone industrielle à vélo. Il s’agit de la plus grande déviation de l’itinéraire original sur l’ensemble des 32 kilomètres et elle ne fait que quelques centaines de mètres.
Juste au nord de Turnhout, un nouveau pont pour piétons et cyclistes a été construit sur le canal de Dessel à Schoten pour remplacer l’ancien pont ferroviaire qui tombait en ruine. Vous pouvez voir ses culées sur le côté gauche de la photo.

J’ai été très heureux de voir la partie belge de cet itinéraire. Il est presque indiscernable de la partie néerlandaise, mais il est encore plus évidemment destiné aux loisirs. Il y a par exemple une tour d’observation pour surveiller une réserve naturelle près de la destination finale de Turnhout. Je n’ai pas choisi la meilleure date pour visiter la Belgique. Le 11 novembre, le pays commémore la fin de la Première Guerre mondiale. Tout est fermé. Vous pouvez voir beaucoup de gens marcher sur le chemin vers la fin. Tout simplement parce qu’il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire ce jour-là. Les Néerlandais ne savent pas grand-chose de la Première Guerre mondiale, car les Pays-Bas sont restés neutres pendant cette guerre. Dans l’ensemble, j’ai vraiment apprécié ce tour à vélo d’environ 65 kilomètres au total. Je suis content de pouvoir le refaire de manière insousciante. Les gens m’ont demandé si j’avais des douleurs musculaires ou si je pouvais m’asseoir le lendemain. Je peux vous dire que lorsque vous pédalez tous les jours, il n’y a aucun problème à pédaler un peu plus longtemps pour changer. Oui, je pouvais m’asseoir ! Non, je n’ai pas eu de douleurs musculaires le lendemain, mais merci d’avoir demandé !

Cette tour d’observation située juste à côté de la piste cyclable a été construite en 2009. Elle permet de voir les zones humides au nord de Turnhout.
Il y avait autrefois une grande gare internationale directement à la frontière entre la Belgique proprement dite et les Pays-Bas, appelée Baarle-Nassau Grens (frontière) ou Weelde-Etat. Deux des poutres métalliques de soutien (en surbrillance sur cette photo) ont été reconstruites.
En 2017, 150 ans après l’ouverture de la ligne ferroviaire, deux poutres métalliques de soutien ont été reconstruites pour indiquer l’emplacement de l’ancienne gare et montrer la taille du bâtiment qui était très importante. Les murs d’origine du quai sont toujours là. Au premier plan, vous pouvez voir la piste cyclable, qui passe à l’emplacement exact des anciennes voies. Les deux lignes blanches diagonales effacées indiquent la frontière, tout comme la bande d’herbe sur l’ancien quai. Les Pays-Bas sont au premier plan, la vue porte sur la Belgique.
Le trajet complet de Tilburg à Turnhout en temps réel.
La version accélérée (5x) du trajet.

Notes

  1. Représentation de la situation dans une carte disponible dans ce tweet. NdT

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