Un Omafiets de chez WorkCycles, l’excellence néerlandaise — par Mark Treasure
En 2012, le britannique Mark Treasure dressait un portrait richement illustré de son nouveau vélo hollandais : un Omafiets de chez WorkCycles – un fabricant de solides vélos utilitaires en acier basé à Amsterdam. Signalons que Omafiets signifie littéralement « vélo de grand mère » en néerlandais.
Voici la traduction de « Dutch Master – a Workcycles Omafiets » publié le 8 août 2012 sur As Easy As Riding A Bike1.
Au Royaume-Uni, le vélo de la photo ci-dessus est considéré comme un vélo pour dames ; il a un cadre ouvert qu’on associe (c’est un cliché) au port d’une longue jupe flottante. Même certains de mes compatriotes cyclistes les plus éclairés ont qualifié de manière désobligeante mon Omafiets de « vélo de fille ».
Mais l’idée que l’absence de top tube est destinée aux porteurs de jupes est un peu un mythe. L’ajout d’un tube supérieur à un vélo est une question de solidité. Si le vélo est assez solide, il n’a pas besoin de tube supérieur et il est plus facile de monter en selle et d’en descendre. Les vélos néerlandais comme ce Omafiets sont solides – sans tube supérieur – et vous pouvez les enfourcher et en descendre beaucoup plus facilement qu’avec un cadre triangulaire « standard ». Cela signifie que ce type de vélo est aussi communément utilisé par des hommes que par des femmes.
Un avantage particulier du vélo sans tube supérieur est que la transition entre la marche et le vélo – et vice versa – est très rapide et facile. Vous n’avez qu’à descendre du vélo, au lieu de devoir passer votre jambe par-dessus la roue arrière. Je n’avais jamais fait de vélo comme ça auparavant, ça a été comme une révélation. Il est tellement plus simple de s’élancer et de s’arrêter.
En fait, la simplicité est l’essence même de ce vélo. Tout est conçu pour rendre le pédalage aussi indolore que possible, au sens propre comme au sens figuré.
La position de conduite est glorieusement droite et confortable ; c’est comme si vous marchiez, vos jambes décrivant des cercles lents, mais bien sûr en avançant bien plus vite. Ce design intemporel est la conséquence de l’élaboration par les Victoriens de la meilleure façon de se déplacer, c’est-à-dire de manière majestueuse. Elle n’a pas été améliorée ; c’est pourquoi les Néerlandais utilisent encore des vélos avec ce type de géométrie pour leurs déplacements quotidiens.
Ironie de l’histoire, la conception de ce vélo si traditionnellement « hollandais » est en fait… britannique.
L’industrie néerlandaise du cycle a connu une croissance rapide à partir des années 1890. Comme à cette époque c’étaient les Britanniques qui avaient le marché le plus dynamique et le plus développé en matière de conception de vélos, les fabricants de cadres néerlandais les ont soit copiés, soit importés d’Angleterre. En 1895, 85 % de tous les vélos achetés aux Pays-Bas provenaient de Grande-Bretagne ; les vestiges de cette influence sont encore visibles aujourd’hui dans la forme solide et distinguée du vélo néerlandais traditionnel.
Extrait de The Bicycle Book de Bella Bathurst.
Contrairement aux Pays-Bas, où la bicyclette de tous les jours a survécu en grande partie intacte au cours du XXe siècle, elle a quasiment disparu de Grande-Bretagne en tant que mode de déplacement. Les seuls vélos restants étant utilisés par les plus rapides et les plus sportifs, et leur choix se portant sur des vélos leur permettant d’aller vite, c’est le vélo de course qui s’est imposé chez nous. Ce n’est que récemment que les vélos « droits » et décontractés sont redevenus disponibles chez les vélocistes de Grande-Bretagne, bien que les Britanniques soient en grande partie responsables de leur conception et de leur évolution.
L’Omafiets n’est pas un vélo agile. Vous ne pourrez pas démarrer fort aux feux, ni gravir rapidement des montées, ni prendre des virages serrés ; il n’est pas fait pour. C’est un vélo de croisière. En effet, pédaler sur un tel vélo c’est presque comme conduire une voiture de collection américaine, large, lourde, avec devant vous d’autres véhicules à perte de vue.
J’ai dû m’habituer à avoir près d’un mètre cinquante de vélo devant moi, ce qui m’a souvent amené à me pencher par dessus sur le guidon, la tête à peu près au-dessus de la roue avant. Mais c’est devenu très vite naturel. La direction, avec le guidon incliné vers l’arrière, est détendue et facile – pas du tout nerveuse. Il est également plus facile d’interagir avec d’autres personnes, qu’elles soient en voiture ou à pied. Vous les rencontrez en face à face. Et la position surélevée est idéale pour une meilleure visibilité (vous pouvez regarder par-dessus le toit des voitures, par exemple, même les plus grandes), et pour être vu.
L’Omafiets est également simple à utiliser. Je l’ai depuis environ six mois, et je l’ai roulé dans des conditions climatiques « estivales » britanniques assez atroces, et à part quelques gonflages de pneus et un léger réglage du câble de transmission, je n’ai effectué aucun entretien. La chaîne est complètement protégée –
ce qui signifie que vos vêtements restent sans graisse (pas besoin de pincer votre pantalon) et que la chaîne reste à l’abri des intempéries et des projections.
J’ai huit vitesses, commandées par une simple poignée tournante à main droite –
Aucune pièce de fonctionnement n’est exposée aux éléments, donc (espérons-le) le vélo n’exige que très peu de maintenance. La vitesse maximale en 8ème vitesse est d’environ 25-30 km/h, tandis que la première vitesse permet de mouliner. Malgré le poids important de l’Omafiets (probablement autour de 25 kg, à première vue), vous pouvez monter des pentes raides sur ce vélo ; il suffit de le faire lentement. Passez sur un plus petit braquet et roulez à une vitesse qui vous convient. C’est tout.
Le poids est une indication du caractère résistant2 du vélo. Tout est conçu pour être indestructible, et pour durer. Les garde-boue sont très costauds.
Leurs supports sont presque aussi larges que les haubans d’un vélo de course. À l’arrière, ils portent le câblage du feu arrière et servent également de pare-chocs.
Le poids est un avantage crucial sur un point important : vous pouvez garer le vélo n’importe où, sans grand risque qu’il soit volé.
Utilisez la béquille centrale, très stable, et retirez la clé.
Tout comme une voiture, le vélo ne peut pas rouler si la clé n’est pas sur le « contact ». En réalité, il ne peut pas être emporté – je suis raisonnablement en forme et fort, et j’ai du mal à le soulever – donc on peut le laisser stationné pendant de courtes périodes, selon le coin. Je ne laisserais certainement pas le vélo toute la nuit sans l’attacher à quelque chose, mais faire les courses est un jeu d’enfant. Il suffit de pédaler jusqu’à la porte d’entrée du supermarché et de verrouiller l’antivol de cadre.
La capacité de charge totale du vélo est très grande. Je n’avais jamais utilisé un caddie de supermarché pour charger un vélo, et je n’avais jamais veillé à garer un vélo près de ma porte d’entrée pour en faciliter le déchargement. Les sacoches Clarijs sont énormes.
Une sacoche peut facilement accueillir un fish & chips pour quatre personnes, et il reste de la place.
Si les sacoches ne sont pas assez grandes, il y a aussi un porte-bagages avant, capable de supporter 25 kg.
Il est très facile d’ajouter et de retirer le support – il suffit de le faire glisser dans les tubes du cadre, une opération qui ne prend que quelques secondes.
Même si vous n’avez pas les sacoches ou le porte-bagages avant, vous pouvez quand même transporter une bonne quantité de choses. Le porte-bagages arrière est une plate-forme robuste pouvant supporter 50 kg équipé de sangles pratiques pour transporter des bouteilles de bière –
Ou un bidon rempli d’essence –
Ou ce que vous voulez.
D’ordinaire, je ne rêverais pas d’accrocher des choses au guidon, mais le vélo est si lourd et stable que ce n’est pas un problème d’y accrocher un sac.
Un stabilisateur de direction à ressort permet de garder le contrôle du vélo, que ce soit l’arrêt ou en roulant.
À l’avant, il y a un frein à tambour et un moyeu dynamo qui alimente les feux avant et arrière. On ne remarque pas vraiment s’il est allumé ou éteint.
La seule modification que j’ai apportée au vélo concerne le phare avant d’origine, un Busch & Muller, que j’ai remplacé par autre modèle de la marque équipé d’un feu de position ; je ne me sentais pas particulièrement à l’aise de ne pas avoir de phare allumé à l’arrêt. C’est probablement acceptable sur les routes et les pistes cyclables néerlandaises, mais pas aussi sûr ici. Mon phare avant est maintenant un Lumotec Classic, qui reste allumée à l’arrêt, avec en plus un look vintage.
L’intensité baisse légèrement lorsque la dynamo ne tourne plus, mais la lumière reste vive pendant environ 4 à 5 minutes après l’arrêt. C’est un excellent phare.
Le feu arrière est lui aussi équipé d’un feu de position, qui dure encore plus longtemps. Je n’ai jamais à me soucier de recharger les feux, ni à m’assurer qu’ils sont bien fixés, ni à m’inquiéter de les enlever du vélo. Les phares font partie du vélo et ils fonctionneront toujours. Encore une autre façon de rendre peinarde l’utilisation de ce vélo.
Même sans feux, le vélo est très visible, avec des flancs réfléchissants sur les pneus, et un double réflecteur arrière (un réflecteur est également intégré dans le feu avant).
Le dernier élément est le frein arrière à rétropédalage, contenu dans le moyeu arrière avec les huit vitesses. Appliquez une pression vers l’arrière sur les pédales, et vous ralentissez.
J’étais plutôt inquiet à ce sujet, mais c’est complètement intuitif, tout comme l’utilisation d’une pédale de frein dans une voiture. C’est beaucoup plus efficace que ce à quoi je m’attendais ; le poids du corps reposant presque entièrement sur la roue arrière, vous pouvez vous arrêter très rapidement en n’employant que le frein à rétropédalage en pesant de tout votre poids sur la pédale. Le frein avant, d’après mon expérience, est simplement là pour « ajouter » du freinage ; il n’est pas aussi puissant que le frein arrière. L’utilisation d’un frein à rétropédalage justifierait probablement un article à part entière, mais il n’est vraiment pas difficile de l’adopter. Il suffit de s’empêcher de pédaler inutilement en arrière pendant que vous roulez ; sinon gare au freinage !
L’Omafiets n’est pas un vélo pour sportif de haut niveau, c’est un vélo pour les gens « ordinaires ». Alors qu’il est très agréable à utiliser, il pourrait causer des difficultés à nombre de personnes qui se déplacent à vélo au Royaume-Uni. La vitesse plus lente que vous êtes inévitablement obligé d’adopter rend les tourne-à-gauche3 difficiles et les grands carrefours et ronds-points rapides un peu plus intimidants. Le poids du vélo vous montre comment les personnes âgées – et toutes celles qui ne sont pas en pleine possession de leurs moyens – peuvent avoir du mal à emporter leur vélo dans un train. (Il n’y a que des escaliers à l’entrée est de la gare de Horsham, et je n’ai pas essayé de monter avec l’Omafiets. Je connais plusieurs autres gares du Sussex où il me faudrait fournir de sérieux efforts pour monter avec sur le quai). De même, la taille du vélo souligne vraiment à quel point certaines de nos infrastructures cyclables sont mal conçues et mal mises en œuvre ; virages serrés et portillons deviennent particulièrement délicats à négocier sur un Omafiets.
Mais dans l’ensemble, ce vélo est un vrai bonheur. Rouler avec est instinctif, confortable et amusant. Si simple à utiliser et à entretenir, voilà à quoi devrait ressembler un vélo utilitaire au quotidien.
Notes
- Huit plus tard, ce vélo est toujours le compagnon quotidien de Mark Treasure comme il me l’a aimablement confirmé. Il faut dire que les propriétaires d’un WorkCycles ont l’air enchanté par la fiabilité/durabilité de leur bécane comme en témoigne ce tweet récent d’un cycliste londonien.
- « bomb-proof nature » écrit l’auteur dans la version originale. NdT
- L’auteur évoque logiquement les « right turns ». J’ai transposé. NdT
J’adore ce type de billets « matos » dignes des plus grandes présentations des derniers SUV dans Auto-Moto, Turbo & co vantant les mérites des groooossses bagnoles (appelées maintenant « véhicules propres ») : moteur, capacité du coffre, sensation de liberté, plans larges en pleine nature… Mais ici, on se la joue plus modeste et on parle bicyclettes… Tout un monde ! 😉