Un guide du vélotaf publié chez Gallimard
Voilà un livre qui sort à point nommé. C’est le printemps, la sève monte dans les plantes, la pression dans les pneus et les fourmis dans les jambes. Comme le souligne lui-même Jérôme Sorrel, l’auteur de Vélotaf. Mode d’emploi du vélo au quotidien, la saison qui commence est certainement un des meilleurs moments pour se (re)mettre au vélo utilitaire. Les éditions Alternatives, qui appartiennent au groupe Gallimard, tentent donc un joli coup éditorial en sortant le premier guide pratique sur un sujet dont (presque) tout le monde parle1.
Un guide pratique
Le livre est divisé en quatre parties de taille inégale : « Ce qu’il faut savoir avant de s’y mettre », « Le vélotaf en pratique », « Petit code de (bonne) conduite » et « Pour aller plus loin ». Tous les conseils donnés, et plus largement tous les questionnements abordés, sont judicieux, et on peut dire que la question de la remise en selle à des fins utilitaires est bien traitée in extenso.
L’auteur traite en détail la question du VAE (vélo à assistance électrique). Et c’est agréable de lire sous sa plume ce conseil de bon sens que certains vélocistes ne reprennent pas à leur compte (comme il le souligne2) :
Essayez un vélo traditionnel, moderne et bien réglé et vous vous rendrez compte que si vos déplacements se déroulent principalement dans un rayon de 10 km, il sera amplement suffisant.
p. 78-79
On ressent à la lecture un certain tropisme d'(ex)motard francilien, sensible notamment dans l’attachement de l’auteur au port du casque. D’ailleurs il met les pieds dans le plat en écrivant en lettres capitales qu’il recommande « très fortement » son usage « quoiqu’en pensent les militants pro-vélo » (p. 105)3. Une autre prise de position curieuse, mais beaucoup moins clivante, concerne l’utilité de la béquille, équipement jugé « un peu futile » (p. 113).
On pardonne volontiers à Jérôme Sorrel les très rares imprécisions/erreurs du texte : la description du fixie (p. 87) aurait pu être complétée par celle du singlespeed (roue libre). Tel que le propos est formulé au bas de la page 106 on pourrait comprendre que le port du gilet réfléchissant est obligatoire hors agglomération en toute circonstance. La marque d’équipement haut de gamme Chrome Industries n’est pas française mais états-unienne (p. 122). Bon, je chipote.
Un néologisme
Dans un encart page 18, l’auteur explique qu’il trouve le mot vélotaf « vraiment pas beau » et également « réducteur, limitant l’usage du vélo aux déplacements domicile/travail ». Alors il propose un mot-valise formé des mots « vélo » et « utilitaire », ce qui donne le vélut, qu’on peut donc décliner en « véluter » et « vélutiste ». Un avantage de ce dernier qualificatif est d’être unisexe. Pourquoi pas ? L’éditeur a en tout cas préféré jouer la prudence pour la couverture.
Un bémol
J’ai été surpris quand le libraire m’a tendu le livre. Je m’attendais à un plus grand format de type album. Rien à redire sur la qualité de l’édition elle-même4 mais ce petit format ne met pas assez en valeur les chouettes illustrations d’Eve Coston5.
Tout au long de l’année 2018, cette architecte de profession a régalé la cyclosphère sur Twitter6. Un exemple :
Échappée finale
Ai-je appris quelque chose à la lecture du livre ? Non7. Ai-je pris du plaisir à ma lecture ? Oui. Ne serait-ce que parce que le texte fait la place belle à l’humour. Mention spéciale à la description du vélo couché comme « idéal pour ceux qui ont du mal à se lever le matin » (p. 92).
Au final, de l’enthousiasme et une écriture pleine d’allant. Tout le contraire d’un livre écrit avec les pieds donc. Pour filer la métaphore on pourrait même dire que c’est un livre énergiquement écrit avec les cuisses, celles, toniques et musclées, d’un vélotaffeur au long cours.
D’autres en parlent
- Vélizienne pour Elles font du vélo : Le livre « Vélotaf » de Jérôme Sorrel, mode d’emploi du vélo au quotidien, 25 mars 2019
- Isabelle Lesens sur son blog : Vélotaf mode d’emploi, 27 mars 2019
Notes
- Anecdote : mon libraire a l’habitude de prononcer à haute voix le titre des livres commandés par ses clients. Là, il avait le sourire, un petit sourire complice. Parce que lui aussi, il sait.
- Il écrit que pour ces vélocistes qui orientent leurs nouveaux clients vers le VAE, ceux-ci « ne viennent au vélo non pas par amour de la petite reine mais par défaut » et cherchent donc avant tout un moyen de locomotion tout confort – ou presque (p. 79).
- Concernant la militance, l’auteur écrit qu’il ne croit pas « que cela serve la « cause » des cyclistes que de dénoncer systématiquement les méchants automobilistes » (p. 53).
- Je réserve les quelques coquilles relevées
au papeà l’auteur et/ou l’éditeur. - Celles et ceux qui estiment que ma vue baisse n’ont peut-être pas tort. Rendez-vous pris chez l’ophtalmo pour fin juin.
- Eve Coston raconte brièvement son parcours ici.
- En fait si : j’ai découvert la marque française – très haut de gamme – Heroïn.
L’idée qu’on puisse promouvoir l’usage du vélo autrement qu’à titre de loisir est en soi une bonne démarche qui peut réconcilier vélo et usage utilitaire. Maintenant il est vrai que titrer « vélotaf » n’évoque rien pour le néophyte. Dans mon livre visant le même but j’ai préféré utiliser « l’ABC du vélo ». Bonne route à vélotaf!
Il est vrai que le terme « vélotaff » n’est pas encore très répandu, mais RDV à Strasbourg et parlez-en aux entreprises, elles sauront tout à fait de quoi il s’agit. 🙂
Il me semble que c’est avant tout un clin d’œil (culturel) à la communauté pour favoriser l’adoption du livre. Le sous-titre permet de rapidement comprendre de quoi traite le livre.
Mais si, ce terme est connu et bien compréhensible pour les non cyclistes. « vélo » et « taf » : c’est clair et puisque même Audrey Pulvar peut dire « je suis une vélotaffeuse » (Lyon, mars 2018 en introduction de sa prise de parole) alors c’est qu’il ne s’agit pas d’un terme uniquement interne aux échanges entre militant et militantes. 😉
Merci Jeanne pour ce partage ! Je vais commander le livre de ce pas ! Pour aller plus loin, je vous invite à lire les articles que j’ai réalisés pour l’association du CADR67, dans le cadre du Challenge « Au boulot à vélo » qui fête ses 10 ans cette année et rencontre un succès sans précédent dans l’Eurométropole de Strasbourg.
Vous y trouverez des interviews de plusieurs entreprises qui ont pris part à l’évènement : https://cadr67.fr/category/au-boulot-a-velo/
Et, ce mois-ci il y aura une nouvelle édition du challenge breton « à vélo au boulot », la 4ème pour Lannion, la seconde pour Quimper et pour Brest ainsi que la 1ère pour Douarnenez (mais en direction des écoles et collèges).
Après lecture du compte-rendu, cet ouvrage ne me tente pas du tout : je pense que je n’apprendrai pas plus de chose qu’avec le livre « Moins d’auto pour aller au boulot » de Corentin Le Martelot paru l’an dernier (il me semble), un livre théorique et non pas un témoignage.
Il me semble que ce genre de livre s’adresse aux non cyclistes voire même non militants. Nous nous connaissons tout cela au point que les erreurs et les prises de position strictement personnelles (type gilet, casque) nous sautent aux yeux.
Concernant les dessins, ils me font penser au style d’Insolente Veggie mais contrairement à cette dernière, j’ai l’impression qu’il n’y a pas de solution comique proposée (cf. la planche où elle répond à « mais tu manges quoi alors ? » en citant toute la liste des aliments et des mets consommés au point de fatiguer l’interlocuteur tellement la liste est longue), qu’il s’agit uniquement de dessins des situations que nous vivont au quotidien bien trop souvent. :-/
J’irai le feuilleter si je le vois à la médiathèque.
bah moi en saison le vélotaf à Orléans Métropole, ça donne ça : https://couriraorleans.wordpress.com/2015/08/09/orleans-mappartient/
euh… je veux dire : que ce soit en mode « running » ou en mode « biking » 😉
C’est Jérôme, non pas le chanteur mais l’auteur de ce livre. D’abord merci Jeanne pour ce billet. Merci pour vos commentaires et critiques constructifs. Je vous rejoins complètement sur le format du livre, il aurait probablement mérité un format plus grand. Surtout les illustrations d’Eve qui semblent un peu compressées au milieu de ce texte. Il doit y avoir des contraintes techniques et financières du côté de l’éditeur. Par exemple nous avons proposé de mettre une dizaine de pages en plus pour aérer le texte et les illustrations mais ce n’était pas possible.
Pour la mention de Chrome Industries, j’ai vu ça aussi. La boulette!!! Pour la petite histoire l’annonce de l’arrêt de la marque Louison Bobet (marque citée initialement) est tombée le lendemain de la relecture / validation du BAT. J’ai tenté une modif en catastrophe, et comme je n’avais pas en-tête de marque française qui me venait à l’esprit là-comme ça. J’ai glissé Chrome en demandant à retirer le commentaire.
Pour les autres commentaires sur le contenu, exemple la béquille. C’est évidemment discutable et le propos du livre d’une manière générale est de tenter de ne pas donner de réponses définitives. Je n’ai pas souhaité faire un tutoriel mais aider les personnes qui souhaitent se mettre au vélotaf à se poser les questions. Je mentionne donc la béquille comme un accessoire qui existe. Personnellement, je m’en passe très bien… et comprends ceux qui en veulent une sur leur vélo.
Le titre du livre. C’est avec le choix de la couverture la chose la plus difficile à concevoir. Eve a proposé ce visuel qui est à mon sens exactement le reflet de ce que nous voulions montrer.
Le mot VELOTAF n’est pas parfait. Mais effectivement il rentre dans les moeurs beaucoup plus que Vélut’!!
Pour finir, je pense bien qu’il y a d’autres coquilles, je n’ai pas encore pris le temps de lire le livre (l’objet final), besoin d’un peu de recul avant de me remettre dedans et noter les manques ou autres fautes de frappe ou erreur.
Merci en tout cas et à disposition de vos lecteurs s’ils ont d’autres questions ou commentaires
Merci Jérôme pour ce commentaire (et pour l’explication concernant Chrome Industries, c’est en effet rageant !).
Oui, j’ai bien compris votre livre davantage comme un témoignage (très élaboré) que comme un simple tutoriel. Et franchement j’ai cherché la petite bête concernant la béquille (et puis je crois deviner que c’est votre profil de « cyclosportif » qui parle, comme lorsque vous évoquez les distances envisageables en vélotaf, distances que je laisse les lecteurs et lectrices découvrir 😉 ).
Pour les coquilles je vous envoie ça par mail (il y en a vraiment peu).