Retour aux Groues ou la ZAC fantôme

Il y a quasiment deux ans et demi j’étais allé faire un tour de vélo aux Groues, ce qui avait donné, fort logiquement, Les Groues à vélo (2 juin 2019). Je revenais brièvement dans ce billet sur la longue histoire de cette grande opération d’urbanisme – une ZAC à cheval sur deux communes – qui devrait déboucher sur un « éco quartier » – quoiqu’on mette derrière cette appellation si souvent galvaudée. J’utilise le conditionnel car pour le moment, à part une partie de poker menteur de la part de la mairie d’Orléans, il ne s’est rien passé, ou si peu, sur place. Je ne vous propose pas un billet qui envoie du rêve car le ciel gris de novembre était au rendez-vous – ce qui donne bien le ton de cette courte virée automnale en terrain vague. Si faire virtuellement du vélo en cette saison ne vous enthousiasme pas plus que ça, vous pouvez toujours visiter une riche exposition en ligne concoctée par notre dynamique service des archives sur « Les Groues : un quartier en mouvement ». Très ralenti, le mouvement1.

Dernière construction en date sur le site : un fort joli poste source de distribution.
Comme pour souligner qu’il y a « de l’électricité dans l’air ».

SAS aux Groues

Comme vous le savez sans doute, SAS est le nom d’une célèbre série de romans pour hommes de Gérard de Villiers. Notre encyclopédie en ligne préférée dit que la fin de chaque volume de la série « donne lieu, très souvent, à une conclusion amère et sans illusions ». Ce doit être un peu le sentiment des services de l’État face à l’attitude de la mairie d’Orléans qui ne veut plus d’une SAS – structure d’accompagnement vers la sortie – aux Groues. L’affaire date d’après les élections municipales et a été largement couverte par la presse locales2. L’embrouille, car c’en est une de beau calibre, est la suivante : revenu aux commandes, Serge Grouard cherche à rompre le deal conclu trois ans plus tôt entre l’État et la mairie d’Orléans, à savoir je vous vends le terrain de l’ancienne prison pour que vous y construisiez une piscine et en échange vous me vendez un terrain aux Groues pour je puisse y construire ma structure pénitentiaire. La piscine est bel et bien construite mais la pénitentiaire se retrouve le bec à l’eau.

Le retournement de veste orléanais a donné lieu à « une réunion houleuse » à la préfecture en novembre 2020 quand le préfet Pierre Pouëssel était encore aux manettes3. Menaçant carrément de ne pas réaliser les travaux de voirie et d’assainissement nécessaires à l’édification de la structure, Serge Grouard propose de… racheter le terrain vendu pour y établir une « ferme solaire », dispositif si cher au cœur du 9e maire-adjoint à la transition énergétique et au développement durable Romain Roy4.

Il propose également à l’État d’installer la SAS près du centre pénitentiaire de Saran et, aux dernières nouvelles, en appelle à l’arbitrage du Premier ministre5. Cette hypothétique ferme solaire pourra sans nul doute alimenter les hypothétiques navettes électriques qu’il promet de mettre en place pour faciliter les déplacements des ex-futurs détenus entre Saran et Orléans6. Avec cette histoire de navettes, le maire d’Orléans pense-t-il disposer d’une main forte ? Bluffe-t-il ? La question de savoir s’il serait plus convaincant aux yeux du gouvernement avec une promesse de véloroute express reste ouverte.

Difficile de savoir si les menaces de la ville de laisser au garage pelleteuses et tractopelles ont été mises à exécution.

Sur le site d’agence publique pour l’immobilier de la justice, le projet existe, avec un début des travaux annoncé pour fin 2021. Rien n’est dit de sa localisation.

Affaire à suivre…

Le mystère de la maison rouge

Si le sort de la structure pénitentiaire est en suspens, celui de la « maison rouge » semble être scellé – à tout le moins c’est le cas du bâtiment. Le dernier post sur sa page Facebook remonte au 20 octobre 20207. Est-ce à dire que l’architecte Patrick Bouchain et son équipe du projet « La Preuve par 7 » ont jeté l’éponge ?

Engagés pour « pouvoir réfléchir in situ, avec les riverains » à l’avenir du quartier, ils s’étaient lancés en avril 2019 « sur trois ans » en investissant cette maison rouge en guise de bureau8.

Le jardin de la maison rouge a cependant trouvé une utilité puisqu’il est désormais utilisé par les Cycloposteurs qui viennent y déposer et travailler les déchets verts qu’ils collectent en ville auprès de professionnels et de particuliers9.

Deux pistes néanmoins

Depuis ma première excursion aux Groues, la carte OpenStreetMap de la zone a été mise à jour et indique la présence de deux pistes :

C’est vrai qu’un écoquartier sans voies cyclables c’est un peu comme du gruyère avec des trous, tout à fait improbable. Moins toutefois qu’une « piste » dessinée sur le trottoir de la rue de la Poudrière requalifiée…

Dans les deux vidéos suivantes je parcours tout d’abord d’est en ouest la piste qui offre un bon point de vue sur sa-majesté-des-camions la centrale biomasse10 puis d’ouest en est la piste plus au nord11.

On perçoit à l’image que le revêtement, une enrobé bitumeux, a été mal appliqué et/ou a déjà souffert. C’est moins confortable que ce devrait l’être.

À refaire à la nuit tombée pour tester l’éclairage ?

Pépinière couleurs d’automne.

Notes

  1. Et ce n’est pas le coup de force métropolitain récent du maire d’Orléans contre le maire de Saint-Jean-de-la-Ruelle qui risque de faire accélérer les choses dans ce territoire à cheval sur leurs deux communes. Sur l’épilogue provisoire de cette crise politique, voir Florent Buisson, « Orléans Métropole : Serge Grouard, comme prévu », La République du Centre, 10 novembre 2021.
  2. Premiers échos sous la plume de Nicolas da Cunha dans La République du Centre le 16 octobre 2020 sous le titre « Abandon du projet d’établissement pénitentiaire sur le terrain des Groues à Orléans ».
    Voir aussi dans Magcentre sous la plume de Jean-Jacques Talpin le 27 octobre 2020 : « Les Groues, quartier sensible pour Serge Grouard ».
  3. François Guéroult, « Prison des Groues : la ville d’Orléans propose à l’Etat une alternative », France Bleu Orléans, 24 juin 2021.
  4. Gérard Poitou, « Charte de Déontologie : l’opposition saisit le maire d’Orléans », Magcentre, 8 novembre 2021.
  5. « Groues : à castex de trancher ? », La Tribune-Hebdo, 13 octobre 2021.
  6. En effet, « les services pénitentiaires misaient sur une implantation de cette structure d’accompagnement aux portes du centre-ville pour faciliter l’accès aux services et aux administrations ». Voir Nicolas Da Cunha, « Orléans propose de transférer le projet d’établissement pénitentiaire des Groues vers… les voisins de Saran », La République du Centre, 24 juin 2021.
  7. Et le dernier post Instagram remonte à juin 2020.
  8. Magali Tran, « À Orléans : concevoir un écoquartier « autrement » », 19 avril 2019.
  9. « Une initiative favorable à l’écologie prend de l’ampleur dans le quartier des Groues », La République du Centre, 29 octobre 2021.
  10. Allusion à deux commentaires publiés sous l’article d’Alexis Marie, « Aux Groues, à Orléans, le bois de chauffage n’est pas une usine à gaz ! », La République du Centre, 17 octobre 2021.
  11. Empruntée lors du voyage d’étude collectif vers le pôle 45 à l’automne 2020, aventure racontée dans Orléans – Pôle 45 : le passage du Nord-Ouest.

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5 réponses

  1. janpeire dit :

    Ces 2 voie-vertes ne sont que 2 spaghetti dans le plat de nouilles des traces malhonnêtes de la cyclabilité orléanaise :
    – Depuis les Murlins, il faut savoir où prendre l’un des deux trucs, passer de droite à droite…
    – Côté 11 octobre, les trucs se terminent en trottoirs ; aucuns aménagements a été fait pour traverser la chaussée en sécurité et circuler en direction de la salle des fêtes / l’usine / la mairie de St Jean la moche, ou, en direction d’un établissement scolaire / la zone…

    Normalement, lorsqu’un édifice est bâti, ce sont les fondations qui sont élevées les premières (la chaussée, l’emprise d’un équipement cyclable de qualité), l’ornementation est posée une fois l’édifice terminé (la signalétique).

    Présentement, nous voyons une opération commerciale, rien de plus. C’est regrettable pour ce qui pourrait être un véritable poumon vert urbain.

    Je passerai vérifier un soir, mais l’éclairage fonctionne.

    JPB

  2. JPB dit :

    Je suis passé vérifier.
    Les lampadaires sont allumés faiblement (en état de veille) et dès qu’il y a mouvement, l’éclairage augmente fortement. Cf le lien Mastodon à la fin de ce commentaire.

    Sur la qualité du revêtement aux trous multiples, ce n’est point de l’usure mais une marque de fabrique d’Orléans et son agglomération. Le revêtement d’un équipement ne doit ni faire moderne, ni faire neuf, ni être ostensible mais, comme le tramway gris, la ville grise, comme les pavés, un équipement pensé « comme dans les années 40 » doit faire ancien, être construit « comme usité », il doit montrer les marques de la patine du temps…

    https://mastodon.online/web/@faidit/107322565298191686

  3. AGG dit :

    Bonjour. Merci pour cet article très détaillé et qui reflète bien la situation. J’habite aux Blossieres et j’emprunte cette piste plusieurs fois par semaine ainsi que mes enfants. Je confirme que l’accès est un vrai cauchemar. D’abord, par le nord, côté Orléans, l’accès par la rue de La Croix Baudu est très compliqué pour les vélos. Il y a de plus en plus de circulation suite aux nouveaux aménagements de sens de circulation dans les rues adjacentes et aucun aménagement n’a été prévu pour sécuriser l’accès au parc et aux pistes cyclables. Idem côté Saint Jean de la Ruelle. Bref, comme rien n’est pensé ni aménagé globalement et de concert, on sécurise et on limite la circulation sur certains axes et on dégrade la situation sur d’autres. Côté éclairage, ça marche bien sur les nouvelles pistes cyclables, par contre sur les anciennes portions notamment dans le parc, des lampadaires sont en panne depuis des lustres. Je l’ai signalé à la mairie, mais pour l’instant rien n’a été fait. Globalement, c’est très difficile de se faire entendre auprès de la mairie sur les questions de circulation et de sécurité dans le quartier. On est sans doute trop loin du centre ville… Je vous invite à venir faire un tour rue des Murlins à la sortie du collège Jean Pelletier pour comprendre les risques encourus par les collégiens. Situation signalée depuis des années… Le passage en sens unique sur la portion nord de cette rue aurait pu être l’occasion de réaliser des aménagements pour sécuriser l’accès au collège, mais encore une fois, la mairie a fait le minimum et s’est contentée de changer le sens de circulation…

    • Merci pour votre commentaire.

      Début octobre 2019, j’ai publié un billet sur la mise en place de ce sens unique rue des Murlins sous le titre Naissance d’un sens unique rue des Murlins. Est-il bien rentré dans les mœurs (automobiles) depuis ?

      • AGG dit :

        Oui, j’ai l’impression que c’est plutôt bien respecté même s’il y a toujours quelques fraudeurs… Le problème est qu’aucun aménagement n’a été fait dans la rue pour sécuriser et ralentir la circulation. Lorsque la rue passe en sens unique au niveau de la rue Maurice Dubois, la rue est très large et les voitures accélèrent bcp. C’est un vrai boulevard pour les chauffards. Ça crée encore plus d’insécurité pour les collégiens qui viennent attendre le bus sur un trottoir qui lui est très étroit. Pas d’aménagement pour les vélos non plus. Et une circulation devenue extrêmement dense et chaotique sur les autres rues du quartier. Bref, ça a certainement répondu à qq problèmes ponctuels mais ça en a créé bcp d’autres. On aurait vraiment besoin d’un plan de circulation ambitieux, pensé globalement qui englobe toutes les problématiques du quartier et qui sécurise la circulation des piétons et des vélos. Mais la mairie reste aux abonnés absents sur ce sujet… C’est très frustrant. Surtout quand on voit la rapidité des aménagements et constructions pour la centrale biomasse, le transformateur, etc. Que de belles réalisations pour le quartier…

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