Une saison en jaune : quand le provisoire dure

Orléans Métropole compte ses sous et les vélos : c’est la valse des millions et des tours de pédalier ! D’un côté une augmentation du trafic vélo de 25 % comparé à la même période l’année dernière et de l’autre l’abandon coûteux de coûteux projets1. Le serpent de mer de la passerelle vélo sur la Loire est venu s’échouer et expirer sur un de ses nombreux bancs de sable et c’est tant mieux2. Contrairement à d’autres collectivités qui avaient vu plus grand, et qui ont effacé une bonne partie des aménagements tactiques réalisés en sortie de confinement, la métropole orléanaise a été très mesurée dans ses réalisations. Sur les mails, l’aménagement temporaire d’une voie de bus autorisée aux vélos, abusivement assimilée dans l’esprit de l’opinion à une authentique voie cyclable3, a donc réussi à passer l’été et, surtout, l’empressement automobile de la rentrée. Il n’a été retouché qu’à la marge. Voyons cela en détail.

Du côté du pont royal

La nouvelle est tombée le 1er septembre par voie de communiqué aussitôt repris par la presse locale4. J’ai eu l’occasion de saluer ici la décision historique du maire sortant Olivier Carré mais le moins qu’on puisse dire c’est que la nouvelle équipe municipale a la pérennisation discrète et pas du tout festive. L’interview qu’a accordée l’adjoint au maire en charge du stationnement et de la circulation Charles-Eric Lemaignen deux jours plus tard5 ne se distingue pas par son enthousiasme6 :

« Les chiffres de fréquentation 2020 sont très bons, puisqu’on a dessus +50% de deux roues par rapport à 2019. Le record a été atteint le 24 juin, avec 4.670 cyclistes comptabilisés. Ces chiffres sont naturellement liés à la baisse de fréquentation dans les transports en commun, depuis la fin du confinement. Les Orléanais font davantage de vélo. »

N’y aurait-il pas tout de même quelques ex-automobilistes parmi ces personnes qui découvrent le plaisir qu’on peut ressentir à traverser le pont George V sans être immanquablement englués dans les bouchons ?

Un peu de couleur sur les mails

Revenons un instant sur le moment où, au début du mois de juin, la peinture jaune a commencé à couler à flot sur les mails.

En même temps que l’annonce de la pérennisation de la piste cyclable du pont royal, les autorités avaient annoncé deux retouches sur les boulevards destinées à diminuer un peu la congestion pendulaire de la circulation automobile dans le sens sud-nord.

Au niveau de la trémie Jaurès, la pénétrante passait de une à deux voies avant de rejoindre le boulevard Rocheplatte :

Ces flèches jaunes ont donc été effacées mais la voie de droite débouche sur un cédez-le-passage. Une forme habile de compromis :

Si les bus perdent leur voie en site propre, les cyclistes gagnent une bande cyclable de bonne largeur sur quelques mètres devant le FRAC :

C’est encore une histoire de trémie qui s’est jouée du côté de Place d’Arc à cause sans doute du tourne-à-gauche vers la rue Emile Zola :

Encore une fois le bus perd sa voie propre et le cycliste retrouve l’ancienne bande cyclable augmentée de la largeur d’une ligne et protégée tout du long.

Par ailleurs, sur l’axe Joffre-Gare, il y a eu une tentative de sécuriser les grands carrefours que sont la place Gambetta et la place du Monopoly :

Devant Saint-Paterne, le choix est presque cornélien entre une voie de bus extra-large et une « piste » sur trottoir qu’on dirait pas qu’elle est bidirectionnelle :

Preuve que les couloirs de bus ne séduisent pas tout le monde :

Ailleurs dans l’agglomération

Il y a les travaux en cours et ceux qui sont annoncés. Le camarade Yann est en train de se faire une spécialité des visites de chantier – et on en redemande !
Au menu sur son blog, deux communes différentes dont l’une – Olivet – est dirigée par un maire qui se montre parfois à vélo, et dont l’autre – Ingré – est dirigée par un maire également vice-président métropolitain à la politique cyclable :

Il a par ailleurs mis le doigt sur une curieuse annonce dans le dernier numéro d’Orléans.mag :

En février dernier, alors que la campagne des élections municipales était bien lancée, j’écrivais dans « Municipales 2020 à Orléans : la « coulée verte » en trompe-l’œil de Serge Grouard » : « il ne s’agit pas de rendre souterraine la circulation des véhicules tout au long des boulevards – 45000 véhicules/jour en moyenne – mais d’enterrer les parkings qui continuent d’occuper ce vaste espace anciennement dévolu à la promenade […] » Me serais-je trompé ? C’est toujours possible mais comment peut-on imaginer que la ville ou la métropole aient dans un avenir proche assez de fonds pour entamer de tels travaux (titanesques) ? Et puis ce serait oublier que les boulevards opèrent une distribution latérale de la circulation qui aurait bien du mal à passer par des tunnels. Le plus probable est que Serge Grouard envisage simplement – si l’on peut dire – de mettre un couvercle végétalisé sur la trémie Jaurès à proximité immédiate de l’ancien hôpital Madeleine / futur campus.
La vraie fausse autoroute urbaine qui traverse Orléans c’est pas du provisoire, et ça risque de durer encore longtemps.

Notes

  1. Mention spéciale aux 7 millions d’euros (!) qu’auront coûté un téléphérique qui ne survolera jamais les voies ferrées jouxtant la gare des Aubrais : « Michel Martin, le vice-président de la métropole chargé des finances, a révélé que la collectivité avait versé cinq millions d’euros au titre de ce projet « pour les études et pour les marchés confiés à la société Poma« . Et il y aura ensuite les indemnités à verser aux entreprises qui avaient remporté le marché – le chiffre de deux millions d’euros circule mais il n’a pas été confirmé. » (« Après l’abandon du téléphérique de Fleury-les-Aubrais, les questions ne manquent pas », France Bleu Orléans, 29 septembre 2020)
  2. Ce qui rend caduque un de mes premiers billets du début 2017 : « Sur le pont on n’y danse pas » – désormais, on pourrait même y faire des claquettes !
  3. Comme l’écrit le camarade JP : « Pour rappel, un coronacouloir est un… couloir de bus ouvert à la circulation des vélos ; ce n’est pas une « piste cyclable » super large. » Voir aussi « Voie cyclable pérennisée sur le pont Royal à Orléans : « Une bonne nouvelle, mais on attend la suite » », France Bleu Orléans, 2 septembre 2020.
  4. « Aménagements cyclables temporaires à Orléans : la Métropole pérennise la voie douce sur le pont George-V », La République du Centre, 1er septembre 2020.
  5. « Pourquoi la piste cyclable « provisoire » du pont George-V, à Orléans, ne disparaîtra pas ? La réponse de l’élu Charles-Eric Lemaignen », La République du Centre, 3 septembre 2020.
  6. Alors que de son côté, Isabelle Lesens, après l’avoir emprunté, a écrit tout le bien qu’elle pense de l’aménagement du pont et de son caractère éminemment pratique et utile : « Franchir un pont sur la Loire : des ambitions très variables entre Tours et Orléans » (26 septembre 2020)

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12 réponses

  1. Existe-il une mesure d’une éventuelle élongation du temps de trajets pour les automobilistes qui empruntent l’A2020 entre l’échangeur du pont Joffre jusqu’à la barrière de la place Gambetta ?

    Les critiques sont féroces sur les réseaux sociaux sur « la piste cyclable » (ils l’appellent tous comme ça) des mails. J’aimerais bien donner le change.

    L’équipe actuelle n’allait pas sabrer le champagne avec les tweets dubitatifs sur les coronapistes de leur grand manitou à la veille du deuxième tour…

    tweets

    • Très honnêtement je pense que les deux opérations que j’ai décrites ont fait sauter le bouchon qui se formait aux heures de pointe. À l’heure actuelle il n’y a je pense plus aucune différence en matière de temps de trajet de Joffre à Gambetta. Il reste sans doute quelques crispations au niveau du passage rue du fbg St Jean -> bvd Rocheplatte mais, comme je l’ai écrit par ailleurs, entre un peu plus ou un peu moins de congestion…

  2. Mentalo dit :

    Bonjour,
    Merci pour ce récapitulatif très instructif. Pour les trajets que je fais, je trouve le pont royal et ses abords vraiment opérationnels.
    Je passe plusieurs fois par semaine place Gambetta en venant de la Gare vers la rue Bannier, et je ne comprends vraiment pas ce qui est attendu de moi. L’aménagement actuel n’a pas l’air plus lisible pour les automobilistes que pour moi. Je me suis copieusement fait insulter par une automobiliste mal lunée parce que j’avais osé sortir des potelets jaunes. Manifestement dans sa tête je devais prendre le carrefour par la droite même si je tournais à gauche.
    Et je me demande également où je suis sensée rouler Rue de la République et dans les autres rues tram/piétons : sur le trottoir, sur la voie du tram, entre les deux voies de tram ? Je déteste croiser les rails de tram, ça glisse et j’ai la trouille d’y coincer mon pneu…

    • Bonjour et merci pour votre commentaire.

      Je connais bien ce carrefour Gambetta. Avec ces bandes protégées par des balises jaunes les services ont souhaité « sécuriser » les trajectoires des cyclistes. Le problème de cette bande-là, à côté de feu le kiosque à journaux, c’est qu’elle n’est pas dans l’axe de la rue Bannier. J’imagine que vous souhaitiez ensuite tourner à gauche rue de la Bretonnerie. Cette automobiliste irrascible ferait bien d’observer qu’il y a des sas sur toute la largeur. Il est donc loisible à toute personne circulant à vélo de se positionner dessus y compris à leur extrême gauche.

      Sas

      Rue Bannier, les services ont oublié de matérialiser une trajectoire conseillée à base de picto et de double chevron sur la voie de gauche (alors qu’ils en ont peints côté droit). J’espère que ce sera corrigé.

      • Mentalo dit :

        Merci ! Il faudra que je fasse une photo in situ, la google car n’a pas dû passer à Orléans depuis le déconfinement 🙂
        J’ai l’impression qu’une campagne de com sur le sas cyclable ne serait pas du luxe, un paquet d’automobilistes n’ont pas l’air au courant de leur existence 🙂

        • Je me rends compte que j’ai oublié de vous répondre à propos des rues où passe le tram. En théorie, il y a des endroits où circuler sur la plateforme du tram est interdit mais ce n’est pas le cas rue de la République ou des Carmes par exemple puisque l’accès livraison ou riverain y est conservé. Reste que, comme vous le soulignez, ce n’est pas confortable. J’évite la zone lisse d’alimentation par le sol, je préfère la zone pavée pour l’adhérence et, m’étant déjà fait avoir, je croise toujours les rails à plus de 30 °… La partie la plus centrale rue de la République est roulante mais on ne se croise pas à deux dessus hélas.

  3. laurentb dit :

    Si vous me permettez d’intervenir concernant le tourne à gauche sur les grandes intersections, je me suis fait une réflexion suite à des reportages sur les pays du cycle.
    Il est souvent pris l’exemple du Danemark ou des Pays-Bas mais si je ne m’abuse dans ces 2 pays pour la sécurisation des cyclistes le tourne à gauche sur les grandes intersections ayant des voies cyclables, n’est pas autorisé. Les cyclistes doivent donc le faire de manière séquentielle.
    Nos infrastructures ne laissant pas autant de place au vélo dans nos villes que dans ces pays, je me posais la question de justement profiter des sas vélo pour imiter cette pratique. Concrètement, si je prends la photo présente dans la discussion avec Mentalo. Je viens à vélo de la gare en suivant la voie cyclable, je continue sur le boulevard mais arrivée à la hauteur du SAS de faubourg Bannier, je me range dans celui-ci. Ainsi dès que le feux est vert, je peux aller tout droit vers la rue Bannier.
    Je sais que pour que cela soit réalisable il faudrait que les automobilistes connaissent l’utilité du SAS vélo. Alors ça fait perdre du temps, ça peut engendrer 2 démarrages successifs, mais en terme de sécurité et de lisibilité des trajets, je ne suis pas sûr qu’il y ait mieux.

    • Ce que tu décris c’est le virage à la copenhaguoise. La manœuvre est bien décrite dans ce billet de Carfree :

      La technique pour tourner à gauche dans un grand carrefour est différente de la notre. Pas question de se placer sur la voie la plus à gauche. Dans le carrefour, on s’écarte sur la droite et on vient se placer sur la voie perpendiculaire en attendant de pouvoir aller en face lorsque le feu est vert. On signale cette manœuvre aux cyclistes qui suivent en levant la main, comme on signale aux autres cyclistes tout changement de direction avec le bras.

      Il y a un dessin d’illustration dans cet autre billet (au point 13).
      Et dans le billet de Mark Wagenbuur initulé, de manière provocatrice, « Copenhague est-elle une ville de cyclistes ? », il y a cette photo d’illustration :

      Copenhague

      Avec comme légende (extrait) : « Notez la ligne en pointillés en haut à droite. C’est l’endroit où il faut se positionner et attendre que le feu passe au vert pour tourner à gauche. »
      Et il explique qu’aux Pays-Bas, pour les grands carrefours éventuellement un peu complexes, la solution du giratoire est préférée. Un exemple récent (sur une intersection pas particulièrement complexe).

      • laurentb dit :

        Bonsoir Jeanne,
        Mes excuses, je n’ai pas vu ta réponse (je pensais avoir mis un avertissement).
        Oui j’ai bien lu aussi ce post sur le giratoire et encore une fois pour la sécurité des cyclistes, la traversée se fait en plusieurs temps.

  4. Gilles dit :

    Bonjour, article intéressant.
    Mais Je vois qu’à Orleans comme chez nous à Montpellier, les nouveaux aménagements cyclables des métropoles se font à grand renfort de bandes jaunes, de bornes en plastique jaunes, et de peintures vives au sol… ce qui est à mon sens une grossière erreur de conception et une hérésie.
    Le jaune n’est pas visible car il se pâlit très vite, contrairement au blanc dont la pérennité reste supérieure dans le temps. Les peintures au sol (vertes, bleues, rouges, sont d’une part abominables visuellement parlant – et personnellement cela me dégoute de faire du velo – mais elles se salissent aussi à grande vitesse sous les traces de pneus et se dégradent rapidement dans le temps. enfin les bornes en plastique, solution signalétique séparative très laide mais de facilité car pouvant être mise en oeuvre rapidement n’importe ou n’importe comment, ne sont certainement pas une option écologique ni durable dans le temps, car la plupart se retrouvent totalement explosées quelques jours après leur mise en place (c’est du moins le cas chez nous). Comme elles ne sont et ne seront évidemment jamais remplacées avant des mois voire des année, tout ceci nous donne un paysage urbain parfaitement déguelasse, pour rester poli.

    Je plaide donc pour des pistes cyclables qui restent en goudron (ou en enrobés teintés dans la masse, mais de couleurs neutres- beige, gris…), avec des bandes blanches qui ne prêtent pas à confusion dans des signalétiques de trafic dissociés qui puissent restent cohérentes visuellement (car jaune + blanc = incompréhension totale). Je plaide aussi pour des panneaux signalétiques traditionnels en remplacement des logos de vélos au sol dont la multiplication inutile vire à l’indigestion.

    Il parait que les poteaux en métal sont devenus interdits en séparation pour des raisons de sécurité en cas d’accident : alors il reste les bordures basses maçonnées ou en pierre, de loin une des solutions les plus efficaces, pérennes et esthétiques pour séparer des voies cyclables d’une chaussée (même sur un rond point) sans pour autant bousiller le paysage urbain. Je suis absolument catastrophé de voir ce qui se passe actuellement dans nos métropoles, où la démagogie communicante remplace la simple réflexion d’usage.

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