La Cremerstraat à Utrecht transformée en vélorue — par Bicycle Dutch

On commence à en parler en France, mais avant de faire n’importe quoi, voyons à quoi ressemble une vélorue aux Pays-Bas. Mark Wagenbuur nous propose un reportage sur la naissance de l’une d’elle dans la ville d’Utrecht. Voici la traduction de son billet publié le 10 octobre 2017 sous le titre « Utrecht, Cycle Street Cremerstraat before and after » sur Bicycle Dutch.

La ville d’Utrecht continue d’améliorer son réseau cyclable. Il y a deux semaines, une nouvelle voie cyclable en continu a été ouverte à la circulation pour offrir une alternative à une piste longeant une rue très fréquentée et rythmée de nombreux feux. Il ne s’agit pas tant de rendre le trajet à vélo plus rapide mais plutôt de permettre de pédaler à l’écart du trafic motorisé. C’est ce qui rend ce nouvel itinéraire si séduisant et sûr. Cela donne également à tout un chacun la possibilité de choisir l’itinéraire qui lui convient le mieux.

Un homme passe devant le nouveau panneau dans la Cremerstraat indiquant qu’il s’agit maintenant d’une vélorue : à double sens pour les cyclistes et à sens unique pour les motorisés.
Un tweet réjoui de Utrecht Fietst sur l’inauguration de Cremerstraat. Avec des photos de l’événement.

La Cremerstraat à Utrecht a été transformée en vélorue. Son inauguration festive a eu lieu le 23 septembre [2017], quand le conseil communal aux transports, Lot van Hooijdonk, a offert un bouquet de fleurs à son « premier usager ». Elle a marqué la fin d’un projet dans lequel les riverains et d’autres parties prenantes ont été impliqués depuis 2014. La ville d’Utrecht a organisé trois réunions de concertation pour informer le public et donner l’occasion à chacun d’exprimer ses inquiétudes ou proposer ses idées sur la base du projet concocté par la municipalité. Pour celles et ceux qui ne pouvaient pas y assister, il était possible de laisser des commentaires en ligne.

La « déviation horizontale » (une chicane) a été enlevée. Destinée à ralentir les véhicules motorisés, elle représentait un désagrément pour les vélos et n’avait donc pas sa place dans une vélorue.
Les données tirées de la semaine nationale du comptage des cyclistes 2016 révèlent que la Cremerstraat (axe est-ouest en haut) était déjà largement utilisée à vélo avant se requalification et qu’elle n’était pas beaucoup plus lente que le Vleutenseweg (axe est-ouest au centre). On constate cependant quelques ralentissements sur ce grand axe. Crédit illustration : Ria Glas.

Tous les riverains ne se réjouissaient pas de cette nouvelle « voie express vélo ». Le mot « express » induit toujours en erreur. « Nous ne voulons pas d’une autoroute à vélo devant chez nous ! » déclarèrent quelques personnes devant les représentants de la ville. Mais ce n’est pas la vitesse qui rend cette voie rapide, c’est le fait de ne pas avoir à s’arrêter. La surface lisse du bitume rouge permet également de maintenir une bonne moyenne sans être secoué. Faire des pointes de vitesse est absolument inutile et le trafic des vélos s’écoule à une vitesse qui est toujours inférieure à celle des voitures dans la même rue.

L’intersection dite « à voie de sortie » (et donc sans priorité à droite) a été remplacée par un plateau surélevé qui rétablit la priorité à droite. Curieux, puisque une voie express vélo est censée avoir la priorité à toutes les intersections.
A certains endroits, des ralentisseurs ont été ajoutés. Notez que la chaussée a été élargie.

La requalification de la rue a été menée de manière coordonnée avec deux autres projets dans le quartier. La voie ferrée parallèle à la Cremerstraat juste derrière le parc a été élargie pour passer de 2 à 4 voies. L’autre projet a consisté à remplacer une conduite de chauffage urbain (qui utilise l’eau chaude produite par l’industrie pour chauffer les logements) elle aussi parallèle à la rue et aux voies ferrées. La requalification de la rue est donc peu de chose comparé à ces deux opérations. Pour en apprendre plus sur les raisons de ce projet cyclable, le rapport contenant les réponses de la ville à toutes les remarques qui lui ont été faites après sa présentation est une mine d’or. Retrouvez ci-dessous quelques unes des réponses apportées aux questionnements des riverains.

La maquette montre comment un parking va laisser la place à une chaussée droite et continue (en incrustation, une photo de la situation initiale). Crédit : ville d’Utrecht.
Les emplacements de stationnement avant et après requalification.

Des extraits du rapport dans lequel la ville d’Utrecht répond aux questions que lui ont adressées divers intervenants (n’est plus accessible en ligne).

En raison de l’expansion de la ville du côté de Leidsche Rijn, beaucoup de gens rejoignent désormais le centre ville à vélo depuis cette zone résidentielle. Nombre d’entre eux empruntent la Cremerstraat. Celle-ci sera transformée en vélorue parce que nous voulons augmenter le nombre d’axes sûrs et tranquilles à notre réseau cyclable. Elle offrira une alternative au très fréquenté Vleutenseweg. Cela permet d’améliorer l’offre cyclable dans la ville.

Des vélorues récentes, comme Troelstralaan, Zandweg et Vaalserberg/Oeral/Hondsrug ont été conçues de la même manière. Nous estimons que c’est un bon choix pour ce type de rue. Et qu’il est adapté à la Cremerstraat.

Les voies express vélo font partie des grandes infrastructures urbaines. Nous n’aménageons pas cette infrastructure pour les riverains mais pour toutes les personnes qui se déplacent à vélo dans Utrecht et les environs. Cela signifie que les intérêts des riverains ne peuvent pas toujours prévaloir.

La chaussée a actuellement environ 3 m de large. Dans le projet, celle-ci sera portée à 3,5 m avec deux bandes latérales en briques de 0,2 m. On aboutira ainsi à une largeur de 3,9 m [très légèrement inférieure aux 4 m recommandés] mais il a fallu optimiser l’espace pour perdre le minimum d’espace vert.

Il y a relativement une faible rotation des véhicules en stationnement et le volume de trafic est bas. Beaucoup de riverains se garent ici car aucun magasin ou service n’attire de visiteurs. C’est pourquoi nous considérons le risque d’emportiérage comme très faible et une largeur minimale de 3,9 m comme acceptable.

Nous avons choisi de construire les ralentisseurs et les plateaux surélevés en brique, principalement pour l’aspect visuel (pas trop de bitume) et pour faire ressortir ces éléments. Les plateaux surélevés indiquent aux usagers qu’ils arrivent à un « endroit spécial », bien plus clairement qu’avec un seul panneau de signalisation. Automobilistes et cyclistes sur la Cremerstraat et la rue perpendiculaire doivent redoubler d’attention à cet endroit. Cela réduit les écarts de vitesse. Un plateau surélevé est un aménagement particulièrement indiqué en zone 30 alors que l’aménagement en « voie de sortie » convient mieux aux rues latérales limitées à 30 km/h qui débouchent sur des rues principales limitées à 50.

Le gain de temps n’était pas un objectif pour cette vélorue. Proposer une alternative apaisée et sûre et développer la qualité du réseau cyclable sont les raisons qui nous ont conduit à transformer la Cremerstraat en vélorue. »

Au niveau du jardin, la route a été rétrécie de manière conséquente.
Le virage resserré a été redressé. Le traffic motorisé doit tourner à droite ici. Jusqu’ici aucune borne n’a été installée. Ce sera fait si on constate que les automobilistes empruntent illégalement la piste cyclable comme raccourci.

Dans la situation initiale, la rue était déjà utilisée comme itinéraire cyclable alternatif, mais elle n’était pas au niveau. Côté ville, l’extrémité de la Cremerstraat ne reliait pas l’itinéraire principal via le Daalsetunnel ce qui contraignait à faire un détour. Il suffisait d’un petit raccourci qui a été intégré dans la requalification. Un des riverains, très enthousiaste après la présentation du projet municipal, a listé les différents problème potentiellement réglés :

Nous sommes très contents que la rue soit requalifiée. Tout les problèmes actuels sont pris en compte !

  • les trois petits arbres qui rétrécissent si dangereusement la rue dans sa partie ouest ;
  • l’étrange césure avec son virage désagréable ;
  • les excès de vitesse au niveau de la place arborée ;
  • l’endroit étroit où il est quasiment impossible de croiser une voiture ;
  • l’affreux revêtement de la rue ;
  • l’étrange et tortueux itinéraire pour rejoindre le Daalsetunnel.

Le projet a connu des changements demandés par les riverains. Les arceaux à vélo ont été déplacés. Les riverains ne souhaitaient pas qu’ils soient installés devant chez eux sur le trottoir. Ils souhaitaient les mettre du côté des places de stationnement. Ces changements ont été intégrés dans le projet final en mars 2016 et le 5 juillet 2016, le conseil municipal a voté l’exécution des travaux ainsi arrêtés.

A cet endroit, la chaussée a été élargie et un nouveau ralentisseur installé.
A cet endroit, la chaussée a été rétrécie et l’ancien plateau surélevé supprimé.

Maintenant que les travaux sont achevés, des gens se plaignent auprès de l’antenne locale du Fietsersbond de certains détails. « La forme des nouveaux ralentisseurs n’est pas assez bonne » m’a confié Ria Glas, une déléguée du Fietsersbond. « Les ralentisseurs sont de simples biseaux, très inconfortables. Des ralentisseurs bien conçus ont une forme sinusoïdale. Ils sont franchissables à vélo sans heurt même s’ils sont plus hauts, comme ceux qu’on trouve dans les rues adjacentes, bien réalisés ceux-ci. » Les plateaux surélevés aux intersections sont un autre sujet de préoccupation. « Tels qu’ils se présentent, ils donnent la priorité à droite. » Cela signifie que toutes les rues adjacentes à la Cremerstraat ont la priorité. « C’est curieux, parce que la Cremerstraat, en tant que voie express vélo, est censée avoir la priorité. Je me demande quand les panneaux de signalisation vont être installés » m’a écrit Ria dans un mail.

Travaux préparatoires à l’installation d’une borne. Elle ne sera mise en place que si des automobilistes utilisent illégalement la voie cyclable. Photo Ria Glas.

Ria Glas a pris une photo d’ouvriers en train d’installer le piètement d’une borne. Elle est destinée à fermer la rue au trafic motorisé. Elle est sera bien visible avec ces marques blanches, donc ce n’est pas un problème, mais il y a trop d’espace de chaque côté. Avec presque 2 m, la majorité des voitures pourraient passer. La réglementation prescrit une largeur maximale de 1,6 m. La borne n’est pas encore installée. Elle le sera si des automobilistes utilisent illégalement la voie cyclable, mais la ville devra aussi faire quelque chose concernant la trop grande largeur du passage. Je pense cependant que c’est un problème mineur dans un si gros projet.

Mark Treasure, président de la Cycling Embassy of Great Britain, veut s’assurer qu’on comprenne bien que cette rue tranquille vient en plus d’une piste cyclable déjà praticable sur un autre axe, et ne représente donc qu’une nouvelle possibilité de transit cyclable. « Alternatif » est donc le mot-clé ici selon Mark.

J’ai parcouru cette nouvelle vélorue ainsi que l’autre axe principal afin que vous puissiez vous rendre compte par vous-même de ce que ça donne. Les début et fin des deux vidéos sont situés au même endroit. Dans les vidéos la route la plus fréquentée s’est révélée la plus rapide, ce qui semble étonnant avec cinq carrefours à feu, mais il semble que ça arrive de les avoir tous au vert. J’ai également réalisé un avant/après sur la seule Cremerstraat. La film est à vitesse réelle, vous pouvez ainsi vous rendre compte de tout ce qui a été fait pour transformer une rue résidentielle standard avec ses différents dispositifs et équipements en une vélorue au design unifié de bout en bout.

Un avant/après de la Cremerstraat à Utrecht.
Le parcours (en accéléré) vers le centre ville d’Utrecht via le très emprunté Vleutenseweg – et ses nombreux feux.
Le parcours (en accéléré) vers le centre ville d’Utrecht via la nouvelle vélorue Cremerstraat.

Vue des deux itinéraires sur Google Map. En vert Cremerstraat et en violet Vleutenseweg, l’axe principal. J’ai pédalé d’ouest en est.

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1 réponse

  1. laurentb dit :

    pas mal les modif faites.
    Sinon 2 petites remarques :
    1) j’ai vu plus de parking vélo sur ces vidéos que sur l’ensemble de la métropole. Il y a peut-être des questions à se poser.
    2) même dans le pays du vélo, certains cyclistes ont du mal avec les feux rouges (et ne parlons pas du scooter 😀 ).

    Bon pas prêt de voir ça par chez nous…

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