Sainte Catherine priez pour les piétons

Au printemps 2016, des commerçants de la première rue pleinement ouverte à la circulation à l’ouest du centre piétonnier d’Orléans se sont constitués en collectif1 pour communiquer par courrier recommandé leurs doléances auprès de la mairie. Contactée peu de temps après, La République du Centre avait publié un article intitulé « Les commerçants de la rue Sainte-Catherine à Orléans se sentent « mal aimés » » (19 mai 2016).

RueSteCatherine_et_zonepiétonne
La rue (encadrée en rouge) jouxte le centre ancien piétonnier.

Les griefs du collectif2 s’articulaient autour de trois points : stationnement3, animation et voirie. À l’époque, le quotidien terminait son article sur :

Selon eux [le collectif de commerçants], la transformation de la rue en voie piétonne – comme ce qui a été fait et a bien marché pour la braderie d’hiver, au point que l’adjoint au commerce annonce qu’il renouvellera le dispositif – constituerait une grande avancée.

La journaliste avait parallèlement contacté l’élu adjoint au commerce :

François Foussier apporte, déjà, quelques éléments de réponse : « […] Ce qui me gêne le plus par rapport à la demande de piétonnisation, c’est que c’est la seule sortie nord du parking Châtelet. Un parking qui accueille plus de 450.000 véhicules par an ! »

On peut tout de suite relever que si le chiffre annoncé paraît énorme, ramené aux capacités dudit parking (669 places) ça traduit le fait que le parking se retrouve en moyenne presque complet deux fois par jour4. C’est vrai que la rue Sainte-Catherine – en raison du régime des sens uniques du quartier – est la seule sortie vers le nord praticable en voiture. Enfin sortie si on veut car on parle-là de se retrouver dans le réseau des rues de l’hypercentre et que pour rejoindre véritablement le « nord » il faut encore bifurquer un certain nombre de fois. Entre accès en voiture au centre ville et piétonisation, il faudrait bien finir par choisir… Ce qu’a fait l’adjointe à l’urbanisme Muriel Chéradame si l’on se reporte à ce qu’elle a confié fin 2017 à une publication confidentielle  :

A ses yeux, pourtant, les limites de la piétonisation sont aujourd’hui atteintes. Il faut laisser l’accès des visiteurs aux hôtels et permettre aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à l’ensemble des automobilistes de circuler et d’accéder aux parkings.

Les Orléanais(es) qui aimeraient une ville plus apaisée5 sont prévenu(e)s.

Sollicitude municipale

Au début de l’été 2016, le collectif exprimait sa satisfaction. Dans l’article intitulé « Les commerçants de la rue Sainte-Catherine disent avoir été « écoutés » » (5 juillet 2016) on pouvait lire :

Il [Frédéric, du magasin Shinjuku-World] raconte : « Ils sont venus à huit. Dont de nombreux élus, notamment au commerce, à la voirie, au quartier centre-ville… Ils ont reconnu qu’il y avait un certain laisser-aller. Mais ils nous ont dit que tout ce que l’on demandait ne pouvait pas entrer dans le budget actuel. »

En novembre 2016, le maire Olivier Carré venait à son tour rencontrer le collectif et annonçait dans la foulée que la requalification de la rue serait programmée en 2018. Lire « Le maire vient d’officialiser la requalification de la rue » (24 novembre 2016) :

Avec Olivier Carré, Frédéric a pu échanger autour de quelques autres pistes de réflexion.

« Le maire a notamment évoqué la possibilité de changer le sens de circulation de la rue. On a trouvé que c’était intelligemment pensé », confie le commerçant.

Pour le coup, l’échappatoire automobile nord en prendrait un sacré coup…

Près d’un an plus tard La République du Centre précisait les contours du projet retenu. Dans l’article intitulé « Bientôt, le grand changement pour les rues Sainte-Catherine et Romée à Orléans » (21 octobre 2017) on pouvait lire :

La métamorphose sera d’autant plus importante que la rue présentera un profil tout en calcaire avec un caniveau central. « Ce sera une zone partagée », précise Aude de Quatrebarbes, adjointe à la gestion du domaine public. Certains riverains avaient même émis le souhait de condamner la rue à la circulation. Cela n’a pas été retenu.

Une « zone partagée » ? S’agirait-il d’une zone de rencontre ? Cela aurait le mérite de piétonniser l’espace public tout en permettant quand même l’écoulement d’un flux motorisé. On peut souligner que se retrouvent autour de l’idée d’une piétonnisation de la rue des riverains et les commerçants.

La piétonnisation trébuche sur un plateau surélevé

Le 14 février 2018, La Rép’ publie « La rue Sainte-Catherine à Orléans sera refaite à partir de septembre ». On peut y lire :

Les travaux de requalification dans ce quartier très central consistent principalement à  : élargir de manière significative les trottoirs, créer un plateau surélevé afin de ralentir la vitesse, supprimer du stationnement pour laisser une place plus large aux piétons, valoriser le square Desnoyers, ainsi que les façades de l’ancien hôtel de ville et de l’hôtel Cabu, via une mise en lumière.

Bon, la rue ne sera pas piétonne, ni même semi-piétonne. À moins que le futur plateau surélevé ne devienne lui-même zone de rencontre (comme devant le tribunal rue de la Bretonnerie6) ? Dernier détail qui n’est apparemment pas évoqué : la rue passera-t-elle en zone 30 ?

Bien sûr, vous voyez Jeanne venir au grand galop avec ses gros sabots : et les vélos dans tout ça ? En l’état actuel du projet, ce sera toujours 170 mètres de faux-plat montant – bien coincés entre les voitures le cas échéant, exactement comme sur le pont George V. Si toutefois des réponses positives devaient être apportées aux deux questions ci-dessus, on aurait droit à un joli imbroglio réglementaire puisque le double-sens cyclable est la règle en zone 30 comme, a fortiori, en zone de rencontre.

Jeanne a d’ores-et-déjà programmé un petit avant/après. Rendez-vous en 20197. En attendant, voilà ce que donne la rue à hauteur de guidon :

Photo bonus

SteCatherine6
Comme le relevait La Rép’ : « La mairie réfléchirait aussi à transformer le petit parking sauvage en face du square Abbé-Desnoyers en « vraies » places de stationnement. »

Notes

  1. Les amateurs de facebookeries trouveront sur le réseau social une page animée par le collectif. Le collectif fédère quand même 24 des 28 commerçants de la rue.
  2. Le courrier envoyé est intégralement accessible sur la page Facebook précédemment citée.
  3. Sur la question du stationnement, le courrier ne fait pas dans la demi-mesure, en pleine polémique sur la mise en place du stationnement payant dans tout l’intramail au 1er mars 2016 (c’est moi qui souligne) : « [le stationnement payant et l’augmentation des tarifs] dissuade notre clientèle, ainsi que les flâneurs de fréquenter le centre-ville. […] Cette situation a pour conséquence une baisse foudroyante de la fréquentation de nos commerces et la quasi disparition d’une grosse partie de la clientèle, craignant d’être verbalisé à tour de bras.
    Ces faits bien réels, entrainent un changement de comportement de la population qui se trouve refoulé vers les zones commerciales extérieurs. Leur attitude, compréhensible, est à l’évidence préjudiciable à notre activité et à la vie de notre centre-ville, qui se trouve déserté et devient malheureusement une ville fantôme, comme tant d’autres !! » On peut souligner que cette attitude no parking no business est contradictoire avec le souhait des commerçants de piétonniser leur rue.
  4. 450000/365 = 1232 voitures accueillies par jour.
  5. Muriel Chéradame décrit elle-même les rues rendues aux piétons comme « plus calmes, plus belles, plus sûres et plus confortables ».
  6. Il s’agit sans doute de la plus courte zone de rencontre de France.
  7. Et pour la prière, c’est vous qui voyez mais sachez qu’en matière de sainte Catherine, vous avez le choix comme le rappelle utilement Wikipédia sur cette page

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7 réponses

  1. AURAT dit :

    Merci pour la vidéo. Elle aurait dût être effectuée un samedi après-midi, quand les piétons sont sur la rue, les vélos en contre-sens au milieu des voitures et toutes les places de parking occupées, voire même sauvagement.
    La zone trente est une bonne idée mais y a t il la place?
    Et ne faudrait pas passer ENFIN la rue Bannier en zone 30 et verbaliser toutes les voitures qui stationnent sur la partie cyclable?

    • Jeanne à vélo dit :

      Je retiens la suggestion !

      Dans le projet tel qu’il a été arrêté, tout dépendra de la façon dont seront gérées les bordures des « trottoirs élargis » ainsi que ce fameux plateau surélevé. Cela dit, il y a quelques rues orléanaises pas bien larges qui ont quand même un double-sens cyclable. Affaire à suivre…

      Concernant la rue Bannier, elle est déjà en zone 30.

  2. JanPeire dit :

    Ce qui est cocasse, c’est que le trottoir rue Ducerceau — le début du film — a été rétréci pour y loger le double-sens et le stationnement de par et d’autre.
    Par ailleurs, si le plateau est aussi mal réalisé que celui ci-devant le tribunal, autant de rien faire… pour la sécurité des piétons et des cyclistes… (lors des élections sénatoriales, j’y ai manqué en renverser un, de petit vieux)

    • Jeanne à vélo dit :

      Sur le page FB du collectif des commerçants on peut voir des visuels du projet (et repérer où commencerait et finirait le plateau). Mais ça ne dit rien en effet de la réalisation concrète de l’aménagement. Celui de la rue de la Bretonnerie est un bon exemple de « casse-roue ».

  3. Ladylys45 dit :

    Ah la rue Sainte Catherine en vélo …. dans la partie non piétonne (attention , la rue Ste Catherine est aussi celle coté brasseries et restos débouchant sur la place du Martroi), d’abord elle monte et les autos vous forcent à accélérer car elles ne peuvent doubler et ne lésinent pas sur les moyens de vous faire sentir que vous les gênez.
    Après la grimpette, vous êtes obligés de marquer l’arrêt feu rouge sur le passage piéton pour ne pas repartir en côte ce qui pour ma part est assez inconfortable ( vive les vélos électriques qui facilitent l’effort mais moi je suis une puriste et je m’accroche à l’énergie de mes gambettes).

    Par contre, cette rue dispose d’énormes atouts , le square est un très bel endroit pas assez connu et insuffisamment mis en valeur pour marquer une halte ( banc ? espaces de convivialité?) et de très beaux bâtiments à curiosités architecturales, le parking sauvage pourrait être aménagé en mixte voitures et espaces jardinés et le fameux trou de la halle ( passage pour aller à la place L-ouis XI) aurait besoin d’une petite réfection si ce n’est complète réflexion!

    Bref beaux espaces mais complètement à revoir, quel maire aura enfin l’intelligence de penser la ville par les petits espaces plaisirs plutôt que de se penser maître bâtisseur tous azimut sur des bâtiments érigés à « son » (?) intérêt général .

    Bon vélo à tous, le printemps arrive bientôt.
    PS: A quand un petit logo discret des fervents adhérents du vélo et de Jeanne à vélo?

    • Jeanne à vélo dit :

      Merci pour ce témoignage et vos réflexions.

      En effet, je n’ai pas parlé de la petite petite partie coudée et piétonne au-delà de la rue Jeanne d’Arc (et je dois avouer que sur le coup je n’y ai pas du tout pensé, honte à moi !).

      A la fin de la vidéo je déplore à juste titre l’absence d’un CLPCF (cédez-le-passage-cycliste au feu) qui pourrait permettre de tourner à droite ou à gauche. Le « va tout droit » ne serait pas autorisé à cause des rails du tram (toujours ce sourcilleux STRMTG !). Cette suggestion figure d’ailleurs sur le calque « Propositions pour l’agglo » de la carte participative du collectif Vélorution Orléans.

      Qu’entendez-vous par logo ? A arborer sur le vélo par exemple ?

  4. janpeire dit :

    Au sujet du logo, peut-être un autocollant spécifique « fier d’être cycliste à Orléans ».
    Cela existe pour les personnes chaussées de certaines tailles de pneu :
    http://confreriedes650.org/propos/

    Pourquoi pas une vignette : proud member of the cycle community of Orléans — Loiret — Centre — France — Europe — Terre.

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