Comment des rues vertes, praticables à pied, à vélo et adaptées aux jeux favorisent une bonne santé mentale

Traversons l’Atlantique à pédalo pour voir ce qui se dit de l’apaisement de la ville dans un pays qui a tout cédé à l’automobilisme au travers d’un urbanisme particulièrement hostile. Les leçons tirées des expérimentations lancées dans le cadre de la pandémie à Chicago sont parfaitement transposables au vieux continent.
Voici la traduction de « How green, walkable, bikeable, play-friendly streets promote good mental health » de Sharon Hoyer, publié le 16 juin 2021 sur Streetsblog Chicago.
NB : pour une meilleure compréhension, j’ai agrémenté le texte d’origine de liens qui ne s’y trouvaient pas initialement.

Lors d’une récente visite à New York, je me suis promené au milieu de l’avenue Vanderbilt à Brooklyn, l’un des vingt sites du programme Open Streets de la ville, créé en réponse à la pandémie, et qui a été rendu permanent. Les bonnes vibrations sur Vanderbilt en ce samedi après-midi étouffant étaient palpables dès que j’ai aperçu les barrières qui réservaient un espace pour des centaines de personnes de tous âges marchant, faisant du vélo, patinant et jouant. C’est un espace qui procure une sensation immédiate de joie, et un soulagement bienvenu du bruit, des gaz d’échappement et du stress général de la circulation automobile.

Le programme Slow Streets de Chicago (la ville les appelle « Shared Streets »), par comparaison, a été adopté tardivement et n’est pas aussi étendu que celui de beaucoup de ses homologues, mais cela ne devrait pas empêcher la ville de l’étendre et de le rendre permanent. Comme l’a montré une récente conférence du cycle « Downtown Futures Series » organisé par la Chicago Loop Alliance, l’aménagement urbain qui permet aux habitants d’interagir facilement et en toute sécurité avec leur environnement et entre eux joue un rôle majeur dans le bien-être physique et psychologique.

Le webinaire d’une heure s’intitulait « Designing Cities for Mental Health » et comptait deux intervenants : Jennifer Roe, auteur du livre à paraître Restorative Cities : Urban Design for Mental Health, et Margaret Frisbie, directrice exécutive de Friends of the Chicago River. Le modérateur Dave Broz, directeur du cabinet d’architecture et de design Gensler, a commencé par observer que « la pandémie a montré à quel point l’aménagement urbain peut affecter la santé mentale. Les citadins dont l’infrastructure piétonne ou cycliste est médiocre, qui n’ont qu’un accès limité aux parcs ou aux places, ou qui ne disposent pas de lieux d’interaction publique à proximité, ont souffert de leur isolement. »

Frisbie, Broz, et Roe.

Groz a déclaré que, selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, l’anxiété était trois fois plus répandue en 2020 qu’en 2019 et la dépression quatre fois plus. Alors que nous sortons de la pandémie, la sensibilisation accrue aux problèmes de santé mentale offre l’occasion de repenser l’espace public, en donnant la priorité au bien-être des citoyens sur les intérêts de l’industrie et sur la vitesse et le stationnement des voitures.

Mme Groz a ensuite introduit Mme Roe, qui a exposé les sept piliers des « villes réparatrices » qu’elle identifie dans son livre : des villes vertes qui disposent d’espaces verts équitables et bien entretenus ; des villes bleues qui disposent d’un accès équitable à l’eau ; des villes sensorielles qui sont conçues avec des sons, des odeurs et des éléments visuels agréables tels que l’éclairage et l’art public ; des villes de voisinage qui facilitent les relations sociales ; des villes actives qui favorisent le transport multimodal et intègrent l’activité physique dans la vie quotidienne ; des villes ludiques qui offrent des espaces pour des jeux structurés et non structurés ; et des villes inclusives conçues pour des personnes de tous âges, sexes, orientations sexuelles, couches socio-économiques et capacités et besoins cognitifs.

Les piliers d’une « ville réparatrice ».

Il est clair que ces concepts se chevauchent : les programmes comme Open Streets peuvent être conçus avec des plantations, des œuvres d’art public et des espaces de jeu, et même des éléments bleus comme des fontaines, tout en offrant un espace pour les rencontres entre voisins, la mobilité active et le jeu. Comme Courtney Cobbs l’a récemment écrit pour Streetsblog, la piétonnisation des routes autour des écoles rend non seulement ces rues plus sûres pour les enfants qui vont et viennent à l’école, mais ajoute également un espace bien nécessaire pour qu’ils puissent courir librement.

Comme Cobbs, Roe a cité les superblocs de Barcelone comme un exemple de conception urbaine qui intègre l’activité physique et la mobilité active dans la vie quotidienne. « Ce sont des communautés à usage mixte, des rues multimodales, avec une connectivité des rues, des transports en commun subventionnés et intégrés, des arbres et un verdissement urbain », a expliqué Roe. « Les avantages pour la santé mentale d’une telle conception comprennent la réduction du risque de dépression, d’anxiété, une meilleure régulation du stress, une meilleure santé cérébrale et un meilleur fonctionnement de la mémoire – tous importants pour un vieillissement sain et le développement de l’enfant. »

Mme Frisbie a présenté l’importance de l’accès à l’eau, aux parcs, à la faune, aux paysages restaurés et aux sentiers pour le bien-être mental. Elle a également souligné que les sentiers le long de la rivière peuvent sensibiliser le public aux questions environnementales. Mme Frisbie a expliqué que les médias ont commencé à contacter Friends of the Chicago River au sujet des eaux usées dans la rivière et des inondations après la construction de la Riverwalk. « La Riverwalk a été conçue pour être inondée, la ville savait que cela arriverait, mais personne ne s’en est soucié parce qu’ils ne comprenaient pas qu’il y avait des eaux usées dans l’eau, mais lorsque la Riverwalk a été submergée, ils s’en sont soudainement souciés », a-t-elle déclaré. « Le problème a été grandement atténué – de 85 % – mais cela se produit encore, et les gens doivent en être informés et dire que c’est inacceptable. »

Au cours de la séance de questions-réponses, un participant a demandé s’il existait des données permettant d’établir une corrélation entre, par exemple, les kilomètres de pistes cyclables et les statistiques sur la santé mentale, afin de soutenir le plaidoyer en faveur des investissements dans les infrastructures. Roe a répondu qu’il fallait davantage de données sur le lien entre l’activité physique et la santé mentale. Toutefois, Mme Frisbie a cité une étude qui a révélé que pour chaque dollar dépensé pour le développement des corridors bleus/verts, 1,77 dollar était créé en richesse locale. Elle a également souligné le risque de gentrification lié à l’aménagement du bord de la rivière. « En même temps que nous rendons la rivière aux gens parce qu’elle était clôturée, nous devons faire attention à ne pas la reprendre », a-t-elle déclaré. « Le développement des corridors bleus/verts augmente la valeur des terrains, mais pas au point de faire exploser la valeur des propriétés. »

Crédit photo : Friends of the Chicago River

Broz a clôturé le webinaire en disant qu’un retour à l’ancienne normalité, avec des employés qui se déplacent quotidennement en nombre pour remplir des bureaux, est une « mauvaise prise en compte du comportement humain. »

« Il y a certains aspects d’une nouvelle normalité qui sont meilleurs qu’avant », a-t-il dit. « Nous avons découvert le réseau fluvial, nous avons découvert nos quartiers, nous avons découvert nos voisins et nous avons réalisé que nous n’avons pas besoin de prendre l’avion pour une réunion de 45 minutes à l’autre bout du pays. Nous n’avons pas besoin de nous asseoir dans une voiture pour nous rendre au bureau pour avoir du temps de concentration. Les quartiers d’affaires du centre-ville se transforment en quartiers sociaux. Et avec le fleuve, le Millennium Park et les musées de classe mondiale, Chicago est bien placée pour réussir cette transition, peut-être même mieux que de nombreuses villes dans le monde. »

M. Broz a cité comme un pas dans cette direction le programme Sundays on State de la Loop Alliance, qui débutera le 11 juillet et permettra de rendre piétonne State Street entre Lake et Madison tous les dimanches d’été pour une fête de quartier.


Crédit photo de couverture : Tichnor Brothers, Publisher, Public domain, via Wikimedia Commons

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