Rues scolaires : les élus orléanais renâclent, des parents s’impatientent

Avoir des convictions, c’est tout un programme ! On peine à en discerner – des convictions et un programme – chez de trop nombreux candidat(e)s qui pour certain(e)s briguent un énième mandat de conseiller départemental ou régional. Côté programme, il y a des raisons profondes à cet état de fait qui sont clairement exposées chez « Descartes ». Côté convictions, force est de constater qu’être réélu expédier les affaires courantes semble être le summum de l’ambition de celles et ceux qui sont depuis (trop ?) longtemps aux commandes. La problématique des rues scolaires dont j’ai déjà dit quelques mots ici en mars dernier est à cet égard emblématique de la passion dévorante des élus orléanais pour le maintien du statu quo. Et de leur manque d’imagination.

Un nouveau collectif citoyen

Des parents d’élèves motivés ont décidé au début de ce printemps d’unir leurs forces pour peser sur la décision publique, ce qui a donné naissance sur Facebook à un groupe dénommé Parents orléanais en faveur de rues scolaires apaisées auquel j’ai bien évidement adhéré1. La presse locale s’en est faite l’écho2. Ce collectif a rédigé et adressé aux élu(e)s une étude détaillée de fort belle facture que vous pouvez télécharger ici.

Oui mais voilà, les élu(e)s sollicité(e)s traînent des pieds selon la maxime qu’il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre. Mais ils/elles n’ont pas la stature d’Henri Queuille, le père de cet aphorisme. Et la demande de ces parents orléanais est pleinement légitime dans une ville dont le maire, souvenez-vous en, avait commencé sa campagne électorale pour la reconquête de son fauteuil de maire par la promesse de faire d’Orléans « la première ville décarbonnée de France » (à lire ou relire ici).

Des réactions qui ne manquent pas de CEL

Rien n’illustre mieux l’absence d’ambition de la majorité municipale sur la question de la ville de demain et de la ville désirable que cette réponse de Charles-Éric Lemaignen, adjoint à la circulation et au stationnement, à une question d’un journaliste du Parisien concernant la mise en place de rues scolaires3 :

« Nous ne sommes ni pour ni contre, nous allons examiner au cas par cas en concertation avec tous les parents, et pas seulement ceux qui utilisent un vélo »

Vous la voyez venir la sempiternelle rengaine du « il ne faut pas opposer les modes de déplacement » ? Alors qu’il le faut, impérativement.

Quelques semaines plus tôt, il avait été sollicité par d’autres médias et les journalistes ont recueilli des propos subtiles comme les manœuvres d’un SUV au ras des terrasses de la charmante place du Petit Puits4 (le gras est d’origine5) :

« On n’est pas fermé aux solutions. Pour des demandes de ce type, il faut rencontrer le directeur et les parents d’élèves pour discuter. Neuf fois sur dix, on trouve une solution aux problèmes. Ça m’embête d’empêcher les parents, qui habitent un peu plus loin, d’emmener leurs enfants à l’école. »

Le problème étant la pression motorisée générale sur la population scolaire – celle des parents motorisés comme celle du trafic de transit – la seule solution efficace est évidemment d’éliminer la circulation des véhicules motorisés aux abords immédiats des écoles quand la configuration des lieux s’y prête. On ne voit pas quel type de discussion permettrait d’arriver à un autre de type de solution réellement satisfaisante6.
Par ailleurs, habiter « un peu plus loin » n’a jamais empêché ou d’utiliser un autre mode de déplacement que la voiture individuelle, ou de terminer le trajet à pied. En fermant une rue à la circulation aux heures d’entrée et de sortie des classes, on n’empêche donc rien du tout, on permet au contraire des fins de trajet et des interactions apaisées7.

Enfin, on trouve dans un article de La Tribune-Hebdo ce passage où sont rapportés d’autres propos de CEL :

Sur la forme, l’élu s’agace d’être saisi par la presse de questions dont il estime qu’elles pourraient lui être posées dans un cadre… plus apaisé : « je dis aux gens de Vélorution : venez-me voir si vous avez un projet précis, nous pouvons très bien en discuter lors de réunions techniques. Moi qui me balade très souvent en vélo et quelquefois en voiture, je ne suis pas un ayatollah d’un mode de déplacement. Quand il y a un problème précis, j’essaye de le résoudre. »

On croît rêver ! Quoi de plus apaisé que le cadre du budget participatif ? Quant au subtil qualificatif d’ « ayatollah », il faut croire que les élus métropolitains se passent le mot
Avec les rues scolaires, il ne s’agit pas seulement de résoudre un « problème précis » mais d’imaginer changer le rapport à la ville et à l’espace public en général, promouvoir l’idée que l’école n’est pas un drive8.

L’effet CO’Met

On pourrait qualifier d’ « effet CO’Met » le fait de perdre le sens de la mesure (financière)9. C’est ce qui a dû arriver à Nadia Labadie, adjointe chargée de la coordination de la politique de proximité, de la démocratie locale et de la vie associative, interpelée elle-aussi par La Tribune-Hebdo sur le rejet du projet de rue scolaire dans le cadre du budget participatif10 :

« dans le cadre du budget participatif, les propositions peuvent engendrer une dépense d’investissement pour la Ville, mais pas de fonctionnement. De plus, ces barrières ne coûtent pas 700 € pièce, mais 6 600 €, soit 13 200 € par rue. De plus, dans la proposition de Vélorution, il était demandé que du personnel municipal intervienne pour mettre en place ces barrières, mais c’est impossible, puisqu’aux heures dont on fait mention, ce personnel est à l’intérieur des établissements. »

Un peu de factchecking en une photo :

Rue Serpente : une barrière à whatmille euros qu’une agente municipale enroule et déroule à volonté.

La suite de son propos a fait l’objet d’un tweet du camarade Yann :

Je n’ai rien à ajouter à la réaction de FabThimon qui va à l’essentiel.
On pourrait simplement élargir la focale avec ces propos tenus par Patrick Communal dans un post Facebook :

« Notre classe politique ne cesse de nous parler de sécurité, au point d’ailleurs que le thème devient prépondérant pour des élections régionales qui n’ont pas de compétences particulières en la matière. Pour autant, la légèreté avec laquelle les élus locaux, et singulièrement les nôtres dans l’Orléanais, traitent du sujet des infrastructures cyclables qui pourraient partout sauvegarder des vies humaines, semble criminelle, comme si nos vies ne comptaient pas à côté du confort de pouvoir stationner sa voiture facilement ou de se déplacer avec un véhicule polluant pour faire le plus souvent moins de 5 kilomètres. »

Quant à la sécurité des écoliers qui se déplacent à vélo… c’est terra incognita.

Les assises de la transition écologique : en voiture Simone ?

Dans le numéro de juin 2021 d’Orléans.mag, le n° 189, on trouve cette tribune tonitruante de la majorité municipale (j’ai surligné) :

Pour celles et ceux qui attachent encore de l’importance au sens des mots, « avoir un impact sur les enjeux climatiques » signifie « réduire les émissions de gaz à effet de serre ». Dans ce contexte on ne comprendrait pas que les autorités ne s’emparent pas « avec force » de cette « solution opérationnelle » qu’est la rue scolaire qui élimine et/ou réduit des déplacements en véhicule motorisé11.

Pour celles et ceux dont la carosserie plus ou moins rutilante tremble déjà d’indignation, on ne parle que de quelques hectomètres de rues étroites qui seraient rendus temporairement à l’insouciance des écoliers et de leurs accompagnateurs.

Si aucune rue scolaire ne devait être expérimentée à la rentrée prochaine, si les élu(e)s devaient continuer d’avoir l’inaction comme programme, ce serait véritablement se payer de mots – se gargariser à longueur de temps de participation citoyenne et d’intelligence collective et n’en rien faire.


Crédit photo de couverture : Claude_villetaneuse (scanner), Public domain, via Wikimedia Commons

Notes

  1. Il compte à l’heure actuelle 80 membres.
  2. Voir aussi par exemple « Orléans : un collectif milite pour l’expérimentation des « rues scolaires apaisées » » sur la radio Forum le 1er juin 2021.
  3. Stéphane Frachet , « Orléans confirme ses coronapistes », Le Parisien, 7 juin 2021.
  4. Situation vécue. 🙄
  5. Nicolas Da Cunha, « Des parents d’élèves  demandent des rues sans voiture, devant des écoles d’Orléans, à certaines heures », La République du Centre, 20 avril 2021.
  6. Rappel : l’appel au « civisme » ou à la « responsabilité » des individus n’est pas une solution.
  7. Et plus globalement, on retrouve dans cette position de CEL le type de « préoccupations sélectives » dont traite très bien Mark Treasure.
  8. On peut relever incidemment que la page consacrée aux vélo – piétons (sic) sur le site d’Orléans n’a pas changé sur le fond depuis des années tandis que celui de Bordeaux a une page exemplaire sur « les rues aux enfants ».
  9. Pour les non-Orléanais, CO’Met est un projet local pharaonique qui fait glousser les bétonnières et engloutit les euros par dizaines de millions : « De 100 M€ à 140 M€ : nos révélations sur le dérapage financier du projet CO’Met à Orléans », La République du Centre, 8 septembre 2020.
  10. Il y avait un autre projet porté par le même type de revendications qui a quant à lui été présenté au vote – bien raboté – et a mobilisé les suffrages : « Sécuriser les abords du Groupe Scolaire Château Gaillard » (« la pose de panneaux clignotants et un nouvel aménagement du parvis de la maternelle » chiffrés à 80k € !?)
  11. Ce qui est également, faut-il le rappeler, un objectif commun au PDU et au PCAET, documents programmatiques censés guider l’action des pouvoirs publics.

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