Un parking ? Quel parking !?

Ce pourrait être la remarque d’un(e) automobiliste interpellé(e) sur le fait qu’il/elle vient de stationner sa caisse à un endroit non prévu alors qu’il y a un parking souterrain là-bas, mais si, vous voyez bien, à même pas 100 m. Ou bien il pourrait s’agir de l’impensé urbanistique des élu(e)s qui ne voient pas quel mal il y aurait à augmenter le nombre de places de stationnement en centre-ville. Et qui seraient surpris qu’on puisse ne serait-ce que poser des questions à ce sujet.

« pour ou contre ? »

Contacté par David Creff – tout comme le camarade Yann – j’ai joué le jeu de la rubrique « pour ou contre ? » du quotidien local. La rédaction a souhaité évoquer la mise en évidence sur les réseaux sociaux du phénomène GCUM1. Comme c’est un match pour/contre ce n’est pas tant le phénomène lui-même qui est ausculté mais la méthode et on a donc droit à l’habituelle dénonciation de la « délation »2, et à la récurrente interrogation pseudo-juridique autour du floutage de l’immatriculation des véhicules immortalisés dans une position peu flatteuse (pour leurs conducteurs)3.

Il y a plusieurs éléments qui, en raison du format de la rubrique, n’apparaissent pas dans l’article. J’ai par exemple précisé au journaliste que ma présence sur les réseaux sociaux ne se résume pas, loin de là, à dénoncer ce phénomène4 et que cette action ne repose pas sur une simple propension à râler pour un oui ou pour un non. Outre que le stationnement sauvage empêche concrètement des gens de cheminer, qu’ils circulent à pied ou à vélo, il aboutit aussi parfois à des drames bien réels5. C’est donc tout sauf anodin.

Je me rends d’ailleurs compte qu’au lieu de parler de « commentaire amusant », j’aurais dû parler de sarcasme :

Si dans la version web on peut avoir le sentiment que le dernier mot revient à l’automobiliste, la version papier est plus équilibrée grâce à une mise en page en colonne. Mais attardons-nous sur les derniers propos tenus par Estelle, « idéalement parquée sur une place payante »6.

« Il y aurait aussi beaucoup à dire sur le comportement des gens à vélo en ville. Heureusement que je ne prends pas une photo dès que j’en voie un sur le trottoir ».

Ah le point trottoir ! C’est l’équivalent cyclable du point godwin des discussions politiques.
Amère ironie dans une agglomération qui près d’une fois sur deux envoie les personnes qui se déplacent à vélo fairesur le trottoir comme l’a calculé avec méthode un cyclo orléanais.
Une ironie manifeste comme ici rue Bannier où un panneau comminatoire voudrait sans doute faire oublier que 350 m plus loin des pictos invitent le cycliste à monter sur le trottoir devant l’église Saint Paterne :

Bien sûr qu’il y a des personnes indélicates qui roulent sur les trottoirs sans que cela soit ni légitime ni nécessaire, et je suis le premier à lever le sourcil quand j’en suis témoin, mais ce phénomène est loin d’être aussi nuisible que l’envahissement de l’espace public par l’automobile.

Un nouveau parking ou l’insoutenable légèreté de la délibération

Jeudi 11 février 2021 c’était conseil métropolitain comme je m’en étais ouvert quelques jours plus tôt sur Twitter :

Celles et ceux qui me font l’honneur de suivre ce blog n’ont pas été surpris. J’avais, avec un vrai-faux sens aigu de la prémonition, proposé une facétie de 1er avril (2018) sous le titre « Un parking géant sur le site de l’ancien hôpital Porte-Madeleine ». Et fin 2019, à l’annonce de la future création d’un parking souterrain au sein de la ZAC Carmes-Madeleine, je faisais le point dans « Campus Madeleine : un futur aspirateur à voitures ? ».
Nous y voilà donc.
Et on ne peut pas dire que la question ait suscité un intérêt débordant comme vous pourrez le constater dans la vidéo de la séance (calée à 1h15m29s).

Fait remarquable, ni le président Chaillou, qui introduit rapidement les deux délibérations, ni l’élu en charge de les présenter, ne prononçent une seule fois le mot « parking ». Reprenant la parole, le président Chaillou tient à préciser « il s’agit d’une étape très importante dans le cadre d’un projet particulièrement ambitieux pour notre métropole » mais l’assistance n’en saura pas plus.

C’est à ce moment que demande à intervenir le conseiller communautaire Ludovic Bourreau :

Dans le cadre de l’implantation de l’UFR droit sur le site de l’ancien hôpital Porte-Madeleine, un parking souterrain de 150 places va être construit. Décision, je présume, justifiée par la venue d’étudiants, de personnels et professeurs, depuis des zones périurbaines. Obligés sans doute d’emprunter leur voiture faute de solution alternative efficace. Alors dans le même temps Orléans Métropole a lancé ses assises de la transition écologique. Comme vous j’ai sans doute assisté à un webinaire le 26 janvier sur la mobilité durable, donc c’est une phase apprenante alors du coup j’ai moi aussi appris des choses. Un constat d’urgence s’est fait jour il me semble, celui de la dépendance à la voiture et son impact sur l’environnement. Quelque chiffres, de manière très simple : en 2014, 55 % des déplacements sur la métropole se faisaient en voiture. L’objectif affiché aujourd’hui est de réduire cette part à 47 % des déplacements7. Et pour cela il faudra un meilleur partage de la voirie avec donc plus de place accordée au piéton et plus de place accordée au vélo. Voilà ce qui est ressorti il me semble de ce webinaire alors j’aurais juste une question, très simple monsieur le président : dans ce contexte, quels sont les aménagements cyclables envisagés pour desservir le campus Madeleine ? Et peut-être plus généralement, si vous avez quelques réponses, quelle politique cyclable pour Orléans Métropole alors même que les crédits accordés à la voirie tendent à baisser ? Je vous remercie.

Le président Chaillou exprime sa surprise mais continue à ne pas vouloir prononcer le mot « parking ». Bon prince, il invite cependant Florent Montillot et Christian Dumas à répondre à ces « questions intéressantes et importantes ».

Alors que le président Chaillou fait part depuis la tribune de son étonnement, Ludovic Bourreau, par un mouvement de la main, montre qu’il essaie de voir plus loin que « la création de la commission d’appel d’offre ».

Florent Montillot, premier maire-adjoint d’Orléans, ne tourne pas autour du pot. Voici un extrait de sa courte intervention (à voir ici) :

Quelques précisions, cette fois-ci sur le parking […] pour rappeler que la majorité de ce parking est d’abord dédiée aux habitants qui vont arriver sur le site, et pas spécifiquement aux étudiants. Rappeler également que lorsqu’on parle de 250 places de parking vs l’arrivée de l’université, c’est à terme donc 4000 étudiants qui vont arriver sur ce site, plusieurs centaines d’enseignants, […] s’il s’agissait des étudiants voire des enseignants, la part serait plus que limitée, puisqu’elle ne permettrait pas de répondre aux besoins de plus de 5 à 6 % des déplacements […].

Christian Dumas, vice-président métropolitain à la politique cyclable, fait quant à lui une courte réponse générale et convenue (voir ici).

Bon, tout cela n’est pas très clair. Seulement 250 places pour ce nouveau parking souterrain ? La presse en annonçait 600 il y a un peu plus de deux ans. Et puis je suis surpris d’apprendre que les pouvoirs publics construiraient de but en blanc un parking public au profit… de logements privés. En principe, et pour répondre aux prescriptions du PLU, les promoteurs doivent fournir une demi-place par logement construit en zone UAp (qui correspond au périmètre de la ZAC). En l’absence de précisions sur le futur programme de construction, difficile de calculer un ratio.
Cela dit le PLU a prévu une possibilité dérogatoire de répondre à cette obligation :

Est-ce bien à cette disposition du PLU que fait allusion Florent Montillot ?
Ou indique-t-il simplement que les futurs habitants de la ZAC auront un accès privilégié au nouveau parking via des (avantageux) abonnements résident en plus des emplacements de stationnement fournis par les promoteurs ?
Bref, dans quelle mesure ce futur parking souterrain sera-t-il un parking public ?

Tout cela mériterait des éclaircissements.
Quoi qu’il en soit, reste intacte la question du plan de circulation du secteur qui était au fond le véritable sujet de l’intervention de Ludovic Bourreau. Là-dessus les élus aux manettes n’ont semble-t-il rien à dire.

On se souviendra qu’il y a neuf ans figurait dans les 17 recommandations des conclusions et avis de la commission d’enquête sur la déclaration d’utilité publique des travaux d’aménagement de la ZAC Carmes-Madeleine ces deux-là :

Etudier un stationnement des véhicules partagée ntre résidents et autres usagers, au besoin en dissociant lieu d’habitation ou d’activité et lieu de stationnement

Ce qui semble correspondre à ce projet de parking souterrain, et :

Encourager la pratique du vélo par la mise en place, notamment sur le site Madeleine à proximité de la station du tramway, d’abris sécurisés ou de locaux spécialement dédiés à cet usage.

Une proposition qui a bien été oubliée jusque là…
D’ailleurs on se demande comment les étudiant(e)s qui souhaiteront rejoindre le campus Madeleine à vélo – puisqu’ils auront bien du mal à le faire en voiture – pourront le faire de manière confortable et stationner leur engin de manière sécurisée.

Intermède hivernal : un Orléanais sympatoche

En pleine vague de froidure, certains livrent spontanément devant la caméra des secrets bien gardés qui ne circulaient jusqu’à présent que dans des sociétés secrètes dont on ignore jusqu’au nom :

Aux dernières nouvelles

Les aménagements tactiques temporaires du déconfinement vont, semble-t-il, être pérennisés annonce La République du Centre8, tout comme l’avait déjà laisser entendre Christian Dumas lors de la séance du conseil métropolitain précitée. C’est une bonne chose. On apprend dans l’article que sur les mails la fréquentation (entre juin et septembre 2020) des voies de bus autorisées aux vélos est de « 600 à 1700, selon les sections » ce qui est somme toute assez impressionnant pour un aménagement non dédié.

Alors pour célébrer la chose, et surtout se réchauffer les oreilles, rien de tel que d’écouter la reprise du East Saint Louis Toodle-Oo de Duke Ellington – un standard du jazz Nouvelle-Orléans – par l’indépassable groupe Steely Dan sur leur album Pretzel Logic (1974)9 – « la logique du bretzel », miam miam ! :


Photo de couverture : AhmadElq, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Notes

  1. David Creff, « Pour ou contre : les photos de voitures mal garées dans Orléans postées sur les réseaux sociaux », La République du Centre, 14 février 2021.
  2. Ce qui est grotesque puisque le contrevenant ne risque rien.
  3. « Quand le sage montre le #gcum l’imbécile regarde la plaque. »
  4. Pour une raison très simple : ce phénomène de stationnement sauvage est tellement massif et banal qu’on pourrait ne faire que ça toute la journée sans jamais tomber à court de matière première.
  5. À titre d’exemple j’ai cité la mort de cet enfant de deux ans et demi qui circulait en draisienne sur le trottoir fin janvier 2020 à Roissy-en-Brie. Le procès de l’automobiliste fautif a eu lieu récemment.
  6. L’article ne précise pas si elle a payé sa place. La fraude au stationnement payant n’a elle aussi rien d’anecdotique non plus puisqu’on recense en moyenne plus d’une centaine de FPS par jour alors même que les ASP ne font pas preuve d’un zèle à toute épreuve.
  7. Allusion aux objectifs du PDU, voir ce billet.
  8. Marie Guibal, « Tous les aménagements cyclables provisoires d’Orléans devraient être pérennisés », La République du Centre, 15 février 2020.
  9. Ce morceau instrumental n’est absolument pas représentatif du reste de leur géniale œuvre musicale dont l’album Aja (1977) est souvent considéré comme l’apogée.

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1 réponse

  1. V-LO dit :

    Un nouveau caillou dans les chaussures de nos élus que ces histoires de parking, pardon, de projet. Merci Jeanne.
    Je fais partie des (quelques) métropolitain.e.s qui s’intéressent et assistent virtuellement à au moins une partie des conseils métropolitains. Je dois dire ma surprise de voir l’absence quasi-totale de débats sur des enjeux pourtant majeurs pour nos villes d’aujourd’hui et de demain.
    Des votes qui, oui, passent comme des lettres à la poste, toujours. Une vraie chambre d’enregistrement. La quasi-totalité des participants est afférée à faire autre chose, sur ses écrans, quand les quelques conseillers qui s’aventurent à prendre la parole sont renvoyés dans leurs buts au motif de la surprise qu’une telle question soit posée, ici, là, maintenant, comme si nous assistions finalement à une pièce de théâtre dans laquelle tout est déjà joué d’avance, parfaitement orchestré.
    J’espère, pour chacun de nous, modestes habitants et téléspectateurs, qu’il y a un peu plus de dialogue, de débats, de controverses en commissions parce qu’à l’image, ça fait mal aux yeux…

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