Une transformation de carrefour exemplaire à Bois-le-Duc — par Bicycle Dutch

Il y a un peu plus de deux ans je publiais une première traduction d’un billet de Mark Wagenbuur – Un carrefour urbain ordinaire aux Pays-Bas – dans lequel il expliquait le fonctionnement d’une intersection du point de vue des différents usagers de l’espace public (piéton, cycliste, automobiliste). Dans le texte qu’il suit, il explique comment un carrefour d’avant l’ère du vélo a été requalifié pour en proposer une version authentiquement cyclamicale. Voici la traduction de « A huge transformation in ʼs-Hertogenbosch » publié le 29 avril 2020 sur Bicycle Dutch.

La crise en cours, et la nécessité de rester à la maison, m’obligent à être créatif en matière de production de contenu pour ce blog. C’est la raison pour laquelle j’ai fait un tour dans mes énormes archives d’images jamais utilisées et j’ai trouvé des prises de vue intéressantes de ma ville de Bois-le-Duc. J’ai des images avant/après d’une transformation spectaculaire, un vieux carrefour qui a été mis à niveau pour devenir quasiment un modèle d’application des recommandations en matière d’intersections protégée. Pour différentes raisons je n’avais jamais utilisé ces images jusqu’à maintenant ce qui me donne un sujet parfait à traiter dans le billet de cette semaine.

Dans la situation antérieure, le mouvement de va-tout-droit impliquait de se positionner sur une bande entre deux files de véhicules (parfois en mouvement). Un positionement anxiogène pour tout un chacun, en particulier pour les enfants.
La situation actuelle est complètement différente. Chacun circule sur un espace qui lui est propre. Tout est organisé pour que les flux de circulation soient bien séparés dans le temps et dans l’espace.

Le carrefour à quatre branches d’Oude Dieze, Hekellaan, Pettelaarseweg et Zuidwal (chaque branche porte un nom différent) a manifestement été conçu à une époque différente. J’estime qu’il doit dater de la fin des années 1960, ou peut-être du début des années 1970, et il fait la part belle à la circulation automobile. Que ce type de carrefour soit dangereux a été malheureusement prouvé en 2013 lorsqu’une femme de 77 ans qui allait tout droit a été écrasée sous les roues d’un camion tournant à droite. Elle n’a pas survécu à l’accident. Le chauffeur du camion a été poursuivi pour n’avoir pas correctement contrôlé son angle mort mais a été relaxé en raison du manque de preuve. La ville a rapidement réagi en installant un miroir sur le mât du feu tricolore. mais a heureusement rapidement procédé à la requalification de tout le carrefour, une manière bien plus efficace de prévenir d’autres collisions.

Le carrefour dans la situation antérieure. Seule la route en bas dispose de pistes cyclables. L’axe est-ouest dispose de bandes cyclables partielles. Notez comment l’ensemble paraît « encombré ».
Le même carrefour après sa requalification de 2015. Il ne consomme pas plus d’espace. Notez comment les quatre traversées cyclables intérieures forment un rectangle régulier. Le carrefour est ainsi plus lisible et compréhensible.
Il existait dans la situation antérieure des pistes cyclables mais curieusement implantées, en particulier en bas à droite de cette image. Les cheminements en rose sont des bandes cyclables. Difficile de deviner comment relier ces bouts d’aménagement et surtout comment le faire au niveau du sol au guidon d’un vélo.
Dans la nouvelle implantation les pistes cyclables sont lisibles et bien reliées. On comprend instinctivement comment emprunter le carrefour.

En juin et juillet 2015 le carrefour a été fermé pendant cinq semaines pendant lesquelles une opération de rabotage a été conduite. Le carrefour a été complètement réaménagé en intersection protégée, à quelques détails près. En premier lieu au niveau du choix du revêtement : un pavement. Cela s’explique par le fait que le carrefour est situé sur le boulevard qui ceinture le centre historique. En 2011 le conseil municipal avait décidé que sur ce boulevard la vitesse maximale devait être abaissée de 50 à 30 km/h et que les chaussées devaient être requalifiées en ce sens. En 2013, un « guide » d’aménagement a été publié par la ville. Dans les zones 30 des surfaces pavées sont prescrites. C’est la raison pour laquelle des pavés ont été utilisés pour ce carrefour, bien qu’une intersection protégée ne fasse pas vraiment sens dans une zone 30.

Après une collision mortelle dans le carrefour ancienne version, un miroir avait été installé pour donner aux chauffeurs et conducteurs une visibilité sur la zone d’attente des cyclistes et éviter les accrochages sur les mouvements de changement de direction. C’était une mesure temporaire en attendant la requalification complète des lieux.
Ces personnes attendent le feu vert dans l’ancienne configuration. Le feu équipé du miroir dans le cas présent. Les cyclistes partagent la chaussée avec le minibus qui rejoint le centre historique.
Il me semble que les parents qui pédalent avec leurs enfants sont beaucoup plus détendus dans la nouvelle configuration. Les pistes cyclables sont lisibles même pour les enfants et les traversées sont bien plus courtes, ce qui évite de potentiels conflits d’usage avec les véhicules motorisés.

Hélas, un nouveau conseil municipal a traîné des pieds pour réaliser ce projet d’un boulevard intérieur en zone 30. Il a fallu attendre 2018 pour qu’un autre carrefour fasse l’objet d’une requalification (Julianaplein). Dans le même temps une opposition à l’utilisation des pavés a vu le jour. Le conseil municipal actuel a écouté ces critiques et a choisi un revêtement de bitume. C’est la même chose pour une longue section du boulevard qui est actuellement en chantier. Située au nord-est, elle sera également revêtue de bitume. Je me demande quel effet cela aura sur les vitesses moyennes. Il est dommage que les riverains à Bois-le-Duc aient été conduits à penser que le pavement serait plus bruyant que le bitume. À Utrecht le boulevard qui ceinture le centre historique a une chaussée pavée pour les motorisés et en bitume pour les voies cyclables, ce qui rencontre un grand succès. Je vous ai déjà montré Maliesingel et Tolsteegsingel. Ceci démontre une fois de plus combien les points de vue locaux influent sur les choix d’aménagement selon les municipalités aux Pays-Bas.

Comment emprunter le carrefour quand on vient de la gauche dans les trois directions possibles. Dans cette situation il est difficile pour les automobilistes de savoir où ils sont susceptibles de rencontrer des cyclistes. Pour tourner à gauche, les cyclistes ont besoin d’avoir des yeux dans le dos. De plus, il faut circuler sur la chaussée longtemps. Même quand il s’agit de rejoindre à droite la piste cyclable.
Les mêmes mouvements dans la nouvelle configuration. Vous voyez comme les trajectoires sont bien plus lisibles pour tous les usagers de la route. Les traversées qui représentent des zones de conflits d’usage potentiels se font maintenant à la perpendiculaire ce qui permet une meilleur co-visibilité. Le temps que passent les personnes à vélo sur la chaussée est drastiquement réduit avec ce type de traversée courte.

Sur le carrefour qui nous intéresse des pavés ont été utilisés (et le maître d’œuvre était fier du résultat). Une autre curiosité de ce carrefour protégé est l’absence de bordure entre les cheminements vélos et piétons. Seule une ligne en pointillées sépare ces deux espaces. (Elle est matérialisée par des inserts en marbre gris au milieu des pavés rouges-bruns.) Ce manque de séparation claire signifie qu’effectivement des personnes circulent là où elles ne le devraient pas. Des gens pédalent dans l’espace piéton et des piétons marchent dans l’espace vélo. Cependant les conflits sont très rares à bien observer les lieux un certain temps (ce que j’ai fait plusieurs fois). Ce pourrait être dangereux pour les personnes malvoyantes mais des bandes podotactiles les guident dans leurs déplacements au sein du carrefour.

Une curiosité : il n’y a pas de bordure pour séparer les chemins des vélos et celui des piétons. L’homme en chemise bleue à carreaux circule sur l’espace piéton (à droite de la ligne en pointillés). Mieux différentier les espaces de circulation permettraient d’éviter ce type de comportement.
Les îlots de protection placés à chaque coin du carrefour sont caractéristiques d’une intersection protégée. Seuls le revêtement de pavés et l’absence de bordure entre les espaces cyclables et piéton rendent ce carrefour un peu particulier.
Dans la situation antérieure traverser le carrefour à vélo prenait longtemps. Et comme cela se faisait sur la chaussée principale sans phases de feu distinctes les vélos étaient toujours mêlés aux voitures.

Ce carrefour protégé dispose de tous les avantages détaillés dans le guide d’aménagement. Grâce aux îlots de protection aux quatre coins du carrefour, les vélos sont à l’abri de la circulation motorisée. Chaque flux de circulation dispose de sa propre signalisation verticale avec des phases de feu distinctes et des zones refuges permettent d’attendre le feu vert en toute sécurité. Les perspectives sont dégagées et la longueur des traversées est bien plus courte ce qui contribue à une meilleur visibilité de la part des conducteurs. Tous ces dispositifs rendent le carrefour plus lisible, plus sûr et également plus confortable à l’usage.

Le boulevard circulaire intérieur de la ville en vert. Il devait devenir une zone 30. Mais sa requalification n’avance pas très vite. Après la décision de 2011 seule l’extrémité sud-ouest a été requalifiée en 2014 (je vous l’ai montré mais ça n’était pas compris dans le projet initial) et donc ce carrefour en 2015. En 2018 Julianaplein a été requalifié et aujourd’hui, en 2020, le tronçon nord-est en chantier.
Ce projet a été annoncé en 2011 mais neuf ans plus tards seuls quelques bouts ont été réalisés et pas comme prévu au départ (bitume au lieu de pavement, pour ne citer qu’un exemple). Visuel extrait de ce document officiel de la ville de Bois-le-Duc.
Ma vidéo de la semaine : un carrefour protégé à Bois-le-Duc.
S’il n’y a pas de bordures entre les espaces vélo et piéton ainsi qu’au niveau des quatre îlots d’angle côté piste cyclable, il y a bien des bordures standards (entre 10 et 15 cm de hauteur) côté chaussée, de même qu’au niveau des refuges centraux (au premier plan).

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2 réponses

  1. janpeire dit :

    Un billet qui donne un fol espoir pour le futur.

    Nous avons dans l’agglo d’Orléans des carrefours semblables, au sud comme au nord, j’en veux pour preuve que j’ai presque pris la première photo pour une partie du boulevard de Lamballe à Fleury, j’ai dit « presque » 😀
    Nous pouvons copier, nous devons nous inspirer dans ce qu’il y a de meilleur et gagner ; par exemple voir la transformation des parcours fléchés de rouge, face à la clarté de la circulation en vert. Le vélo n’est pas « rajouté » dans la circulation. La transformation présentée est véritablement spectaculaire.
    Il n’y a point d’ironie dans mes propos, nous pouvons, cela se fera avec de la volonté politique (un point évoqué dans le billet).

    Merci pour la traduction.
    JPB

  2. c dit :

    Bel exemple d’aménagement sur un carrefour qui en rappelle un autre au sud de Blois. Merci pour cette belle contribution.

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