Deux rues, une même ambiance

Si la rue des Fauchets est devenue zone de rencontre – de manière furtive – sans avoir été requalifiée, se trouvent non loin de là deux rues intégralement refaites dans le cadre du grand programme de réhabilitation du quartier des Carmes : la rue des Grands Champs et la rue de Limare. Ces rues parallèles, aux sens de circulation opposés, courent du mail – boulevard Rocheplatte – jusqu’à la rue des Carmes (intégralement piétonnisée depuis que la ligne B du tram y passe). De nouvelles zones de rencontre ?

Trajet_ruedesGrandsChamps_ruedeLimare
En orange, le parcours suivi.

Un mot bref sur les maux du quartier

Des riverains mécontents et en colère ont monté en 2014 un collectif Carmes Madeleine Saint Jean. Ils déplorent et dénoncent l’insalubrité et l’insécurité des rues de leur quartier. Ses membres en viennent même ces jours-ci à menacer l’État d’un recours en justice à cause de la présence continue de dealers dans l’espace public1. Dans une pétition en 2015, le collectif exprimait précisément ses doléances2 :

Nous souhaitons la restructuration de l’ensemble du quartier par la mise en place de mesures structurelles qui peuvent être engagées dès à présent sans attendre la fin des recours judiciaires portant sur la rue des Carmes : arrêt des incivilités, réhabilitation des façades, pavage des trottoirs, préemption des commerces, nettoyage plus régulier des rues, enfouissement des fils électriques muraux… pour l’ensemble des rues de ce quartier.

Pour le pavage des trottoirs, le nettoyage plus régulier des rues et l’enfouissement des fils électriques muraux l’objectif est atteint dans ces deux rues.

Jeanne vous propose de le découvrir à hauteur de guidon :

https://tube.piweb.be/videos/watch/566d7390-277b-4032-b7e9-b660fcbd7ec9

Rue des Grands Champs

La rue des Grands Champs a été la première rue requalifiée3. Elle est devenue une longue zone de rencontre sans interruption jusqu’à l’intersection avec la rue d’Illiers. Sur le papier, c’est une excellente chose. Encore faut-il que la réalisation soit à la hauteur de l’enjeu : rendre les piétons, et les cyclistes, prioritaires. Et, surtout, que cette priorité fasse visuellement sens pour tous les usagers4. Or, en optant pour un revêtement différencié entre trottoir et chaussée proprement dite, c’est raté. L’automobiliste a son espace, un beau ruban de bitume tout lisse. Le piéton a droit quant à lui aux escouades de potelets et aux trottoirs amputés par du stationnement latéral. Avoir conservé du stationnement l’oblige littéralement à changer de trottoir dans un certain nombre de cas de figure.

On peut relever le caractère fictif du plateau surélevé annoncé juste avant l’entrée du cours Saint Charles dans le premier tronçon de la rue. Il aurait pourtant été bien pratique pour casser tout de suite l’accélération des véhicules – accélération rendue d’autant plus irrésistible par le profil descendant de cette rue rectiligne.

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Plateau surélevé signalé mais inexistant.

Rue de Limare

La rue de Limare, qui a été inaugurée à la fin de l’année dernière5, si elle présente le même profil après requalification, n’a pas le droit au même régime que sa voisine. La zone de rencontre se réduit à presque rien au droit d’une école élémentaire6. Le ruban de bitume n’est interrompu que brièvement.

Ici pas plateau surélevé signalé. Or, si nul ressaut n’est présent en entrée de zone, c’est en sortie les véhicules de sport les plus surbaissés risquent de rayer pare-choc et bas de caisse7.

Et le vélo dans tout ça ?

Comme pour la rue des Fauchets, le sens unique de la rue des Grands Champs interdit-il aux cyclistes de la remonter comme ce devrait être le cas en zone de rencontre ? La présence de panneaux de sens interdit à chaque intersection le présume. En pratique, la présence de trottoirs (et de potelets !) et les places de stationnements disséminées ici et là rendent une éventuelle cohabitation bidirectionnelle malaisée pour celui ou celle qui s’y aventurerait.

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Pas de « sauf vélo » sous le sens interdit… et un trottoir en entonnoir rue des Grands Champs.

[mise à jour de juin 2018 : le double-sens cyclable est désormais possible]

Et les personnes à mobilité réduite (PMR) ?

La largeur des trottoirs est parfois trop juste et les nombreux potelets et autres obstacles imprévus ne facilitent pas leur cheminement et risquent même de l’empêcher. Pour mémoire, une des prescriptions de l’arrêté du 15 janvier 2007 portant application du décret n° 2006-1658 du 21 décembre 2006 relatif aux prescriptions techniques pour l’accessibilité de la voirie et des espaces publics :

En cheminement courant, le dévers est inférieur ou égal à 2 %. La largeur minimale du cheminement est de 1,40 mètre libre de mobilier ou de tout autre obstacle éventuel. Cette largeur peut toutefois être réduite à 1,20 mètre en l’absence de mur ou d’obstacle de part et d’autre du cheminement.

Une armoire technique comme obstacle

En conclusion

Comme annoncé dans le titre de ce billet : pour l’unité urbaine le pari est gagné. Les deux rues se ressemblent. La réalisation est soignée et on découvre avec plaisir que même avec des pavés, atteindre le seuil zéro est possible8.

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Un « seuil zéro » réalisé avec des petits pavés carrés (rue des Grands Champs).
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Rue de Limare : la deuxième voiture est #gcum mais ça ne change pas grand chose pour le/la piéton(ne).

Indépendamment de la question de l’importance du trafic motorisé dans ces rues – probablement faible – on reste dans une logique automobile.

C’est bien dommage.

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Maintenir la circulation automobile à ~ 60 centimètres des portes d’entrée rue des Grands Champs…

Notes

  1. « Trafic de drogue dans le quartier des Carmes à Orléans : un collectif menace l’État d’une action en justice », La République du Centre, 22 mars 2018.
  2. « La colère gagne du terrain, quartier des Carmes à Orléans », La République du Centre, 27 juillet 2015.
  3. La présence d’un collège privé dans la rue a peut-être joué favorablement en ce sens.
  4. Comme c’est le cas par exemple au bas de la rue Bannier où l’on distingue à peine le trottoir et la chaussée, intégralement pavés.
  5. « Les travaux de l’artère ont été lancés fin 2016 », La République du Centre, 11 décembre 2017.
  6. École qui porte le nom d’une femme remarquable.
  7. Les SUV, eux, passeront à l’aise.
  8. Le fameux « seuil zéro » que désirent toutes les personnes qui font du vélo pour les aménagements qui leur sont dédiés.

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7 réponses

  1. bosvieux sébastien dit :

    La zone de rencontre aide bien les aménageurs à conserver du stationnement automobile !
    En effet, refaire une rue oblige à réaliser des trottoirs d’1,4m. Mais magie du code de la route, la zone de rencontre n »oblige pas à ses trottoirs car le piétons peut marcher sur la chaussée où il est (en théorie) prioritaire ! Et hop, des stationnements créés au ras des façades en toute légalité. Même si plus en ZR le double sens cyclable est obligatoire, (sauf arrêté municipal justifié, je serais curieux de voir cet arrêté !). mais à Orléans très peu de DSC…
    Ils auraient au moins pu faire toute la rue au même niveau (pas avec un dénivelé de qques cm casse gueule à vélo et pr personnes âgées ) et avec un même revêtement pour que la voiture ne se sente pas « chez elle » sur la bande de roulement au milieu !

    Donc en résumé cette zone de rencontre n’a pour but que de permettre le stationnement automobile dans une rue étroite en respectant la règlementation !
    PS ils ont mis du pavé surper cher ils ont les moyens !

    • Jeanne à vélo dit :

      Très juste tout ce que tu dis. Mais même rue de Limare, qui n’est pas zone de rencontre, ils ont appliqué la même logique.

      Ajoutons à cela que dans les deux aires piétonnes qui terminent les rues au sud (et qui sont antérieures aux travaux évoqués) a été appliquée la même logique deux trottoirs latéraux + cheminement central.

  2. Ladylys45 dit :

    Bonjour
    Oui vous avez raison techniquement parlant mais esthétiquement , je dois dire que c’est vraiment plaisant de parcourir ces 2 rues qui sont devenues claires avec le sentiment d’y respirer mieux qu’avant avec la grisaille et la tristesse de rue qui envahissaient le quartier.

    Question à tous: que pensez vous des « simili » passages cloutés quartier cathédrale ( rue J d’Arc et rue d’Escures) avec de superbes clous d’Orléans en cuivre qui ne remplissent pas leurs bons offices de passages piétons car les automobilistes ne me laissent jamais passer , qu’est ce qu’elle a ma « G…. »?!
    Peut être que je me trompe et que ce ne sont que de beaux ornements de rue?

    • Jeanne à vélo dit :

      Bonjour,

      Je vous rejoins sur le fait que c’est une réussite sur le plan esthétique et que les travaux ont été soignés (je donne l’exemple des petits pavés parfaitement posés). Et j’imagine combien c’est satisfaisant pour les riverains (qui aimeraient bien que toutes les rues soient ainsi refaites !).

      Ah les clous (quasi invisibles depuis un pare-brise) en guise de passage piéton ! Peut-être que je me trompe mais je pense que ce n’est pas un type de signalisation réglementaire. Il faudra creuser dans l’Instruction Interministérielle sur la Signalisation Routière… Dans tous les cas c’est une plaie pour les piétons et les piétonnes.

  3. V-LO dit :

    Bonjour Jeanne à vélo,

    Merci pour votre article très pertinent, vos constats très justes et vos vidéos toujours chouettes ! 🙂

    J’habite le coin, le parcoure à pied et à vélo depuis plusieurs années maintenant, et j’ai un peu honte de constater que jusqu’à la lecture de votre article, je n’avais même pas remarqué que la rue des Grands Champs était un espace de rencontre… Comme quoi, l’illusion d’un aménagement tout à fait classique est parfaite !

    Alors oui, c’est esthétiquement réussi (à quand la requalification des autres rues du coin ?), et vous avez raison, tout y est fait -et dans les règles de l’art- pour laisser toute la place aux véhicules motorisés :
    – du bon vieux « je dépose mes enfants au Cour Saint Charles avec ma grosse voiture ». Passez-y à un peu avant 8h, un peu avant 12h puis un peu avant 17h, c’est infernal, et ça klaxonne dans tous les sens. Je me demande quotidiennement comment nous échappons un jour de plus à un accident voiture contre piéton/ado accroché à son téléphone dans cette rue, car par endroits (au niveau du Cour justement), la cohabitation n’est tout bonnement pas possible,
    – en passant par les places de stationnements qui, vous l’avez dit, obligent les piétons à tout bonnement se déporter sur la route une fois les voitures passées,
    – que ce soit le revêtement du sol, vous l’avez indiqué avec pertinence,
    – ou bien, vous l’avez constaté aussi, ces potelets qui délimitent parfaitement l’espace… mais qui sont là je crois pour empêcher les autos de se garer n’importe où, encore !, et remettent les piétons à leur place la plus courante : sur le trottoir.

    En passant à vélo, avez-vous remarqué aussi ces autos qui occupent irrégulièrement et en quasi-permanence les places réservés aux PMR au tout début de votre vidéo, rue des Grands Champs ? Comme elles semblent malgré tout encore manquer de places, elles n’hésitent pas non plus à se coller aux arceaux vélo.

    Si vous prolongez un peu votre parcours jusqu’au boulevard Rocheplatte (dans le sens Boulevard Jean Jaurès => Orléans), vous verrez là-aussi l’inconsistante de la politique pro-vélo/pro-piéton mais en revanche très pro-voiture de notre agglo.

    Une véritable zone de danger pour les humains, qu’ils soient à pied ou qu’ils pédalent, face aux véhicules lancés à toute allure depuis le pont et la trémie.
    Vitesse théorique sur le boulevard : 50. Combien de panneaux rappelant la vitesse maximale autorisée y voyez-vous ? Cherchez bien… il n’y en a pas un seul.
    1/ Tentez de traverser sur le passage piéton au niveau des Fenêtres Lorenove. Je vous recommande d’invoquer les dieux de la chance avant quand même, car c’est vraiment risqué.
    2/ Si tout va bien, redescendez le parc du boulevard pour retourner vers la rue Bannier. Vous arrivez donc aux feux qui font l’angle de la rue Chappon et de la rue des Grands Champs, au niveau de Wall Street English (au début de votre vidéo).
    Ici, vous, piéton ou cycliste devrez peut-être à nouveau vous en remettre à votre ange gardien avant de passer entre les automobilistes qui grillent les feux, et ils sont vraiment nombreux, trop nombreux pour une zone largement fréquentés par des ados têtes en l’air.
    Ici, des autos accélèrent volontairement, grillent les feux (pour être arrêtés quelques mètres plus loin par le feu suivant, au niveau de la rue Bannier !) et zigzaguent très habillement pour passer au feu rouge et contourner les piétons qui s’aventureraient à passer lorsqu’ils y sont invités, lorsque le bonhomme est vert.
    Je vous assure que ceci est véridique : je le vois et le vis tous les jours.

    Là encore, je m’étonne chaque jour que personne ne soit percuté, voire tué, par une automobile. La police municipale, maintes fois alertée sur ce problème, jure multiplier les points de contrôle. Pourtant, je jure de mon côté ne jamais l’y voir aux heures les plus stratégiques et dangereuses de la journée. Incompréhensible.

  4. lucie cluzan dit :

    Bonjour,
    je découvre ce post un peu tardivement puisque depuis la zone est passée en 30 et la signalisation des contre-sens vélo mise en place.

    J’habite rue des Grands-Champs, en haut, à côté de Saint Charles. À l’usage et depuis toujours (enfin les 5 années que j’a passées là), les élèves remontent à contre-sens à vélo .
    Personnellement je remonte la rue à contre-sens depuis la rue de la Lionne (maintenant autorisé depuis toujours aussi) et on peut monter sur le trottoir à condition de bien s’y prendre car le rebord de 3 cm est un casse-gueule sans nom. Sans parler des jours humides…

    Dommage que la passage surélevé n’existe pas en effet. Je n’avais pas remarqué.
    ll serait bienvenu car ce qui m’inquiète encore plus que le frottement enfants/voitures, ce sont les deux tarés de motards qui descendent la rue en passant de 10 à 60 entre le boulevard et chez moi… pas plus de 100 mètres.

    Dans le même esprit que ces zones de rencontre, il existe à Tours un exemple que j’aime bien. Celui de la rue Bernard Palissy qui va de la gare à un petit jardin face au musée des beaux-arts. Contre-sens vélo, pas de trottoirs, quelques place de parking ici et là. Je trouve que cela cohabite bien (j’ai pratiqué plusieurs années), les voitures roulent doucement parce qu’autant il semble « normal » qu’une auto fonce dans un vélo puisque nous sommes protégés par notre cadre (c’est bien connu), par contre, un piéton on sent tout de suite que ça va casser.
    Au sol un enrobé normal qui ne dévisse pas l’ensemble de votre bicyclette.

    • Jeanne à vélo dit :

      Bonjour,

      Il faudrait que j’ajoute un petit addendum en effet.

      Je connais bien cette rue tourangelle que j’ai pratiquée dans les deux sens plusieurs années ! Il me semble que sa requalification date de l’époque de la construction du « Vinci ». Est-elle officiellement une zone de rencontre aujourd’hui ?

      PS : le square François Sicard est une petite merveille à mes yeux. 🙂

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